Il n’y a pas longtemps quelqu’un me rappelait qu’on a bien tort de mépriser les enseignements des grands maîtres de l’Antiquité grecque. Ainsi, le philosophe Aristote explique que pour comprendre un phénomène humain, il faut rechercher les quatre causes de ce phénomène, qu’il appelle la cause matérielle (technique), la cause formelle (les lois), la cause motrice (les hommes) et la cause finale (les motivations).

De même il y a de cela quelques mois que je partageais ces quelques lignes disant que si on n’a pas un regard distant par rapport aux déclarations et agitations des différents acteurs de l’opposition politique au Burundi, on peut tomber facilement dans la méprise totale de ce qui se passe réellement. Déçus par eux-mêmes devant leurs exploits médiocres sur le plan national, ces acteurs politiques qui jouent avec la vie des autres, à commencer par leurs propres membres, qui ne s’embarrassent pas d’hypothéquer l’avenir du pays tant que leurs ambitions égoïstes ne sont pas atteintes, n’épargnent rien pour essayer de garder leurs têtes hors de l’eau de l’oubli en manipulant l’opinion publique internationale par des affabulations imaginaires présentant un tableau cauchemardesque du Burundi d’aujourd’hui. Le but étant de masquer leurs angoisses existentielles, tant leur popularité dans le pays tend vers zéro compromettant à coup sûr leur avenir économique, le pays étant considéré de leur point de vue comme une vache à lait. Cette question pertinente pose la problématique de la remise en question de l’action politique dans notre société, du rôle et de la qualité des hommes politiques, des valeurs morales, philosophiques et politiques qui les animent.

Il faut savoir que l’appréciation est le discernement direct, intuitif des valeurs, discernement dont les racines plongent dans le sol irrationnel des sentiments. Pour un individu qui n’arrive pas à concevoir la valeur de telle ou telle chose, qui, comme on dit, n’y est point sensible, cette valeur ne peut être démontrée par le raisonnement, par des arguments logiques. De même, à un homme élevé dans un nihilisme moral complet, on ne pourra jamais faire comprendre par des arguments logiques, la probité, la vertu, les valeurs morales absolues que sont l’honneur, l’humanité, l’amour du prochain, …
Pour certaines personnes dites acteurs politiques, l’action politique est la réalisation des désirs matériels assurés par l’exercice d’une fonction sociale estimée de haute valeur monétaire.
Quant à Thierry Ndayishimiye nous disait en date du 23 juillet 2014 que Si les élections générales et locales devaient avoir lieu aujourd’hui, la victoire de l’ADC-ikibiri, l’opposition radicale au pouvoir Cndd-Fdd, serait très hypothétique. Non pas que cette grande coalition politique manque de cadres et militants, capables de remplacer valablement le Cndd-Fdd au pouvoir. Loin de là ! C’est plutôt par manque d’initiatives audacieuses et d’organisation efficace que l’ADC-Ikibiri marque le pas. Un handicap majeur, susceptible de booster sérieusement le Cndd-Fdd dans sa marche vers les victoires électorales en 2015. Avant toute tentative de battre le Cndd-Fdd en 2015, l’ADC-ikibiri devrait réorganiser profondément ses composantes, c’est-à-dire, les partis de sa coalition, en vue d’affronter sérieusement le Cndd-Fdd, avec toutes les énergies nécessaires. Pas du tout évident.
Toutefois, dans l’évolution générale du conflit politique burundais, l’ingérence d’acteurs extérieurs a toujours été considérable. Cette ingérence passe, depuis 1965, par une mobilisation intellectuelle de l’élite soutenant les régimes dits forts, via une campagne de dénigrement tous azimuts de tout porteur d’une idée contraire, de propagande idéologique et de manipulation diplomatique.
L’objectif de cette mobilisation permanente est de contrôler l’opinion internationale afin de la canaliser et l’orienter vers des objectifs géostratégiquement définis à leur avantage et ceux de leurs amis locaux au détriment du pouvoir en place, et in fine, la population. C’est ainsi qu’on peut comprendre comment sont induits en erreur les décideurs non seulement de l’OUA et de l’ONU mais surtout de l’UE, et des pays de l’OCDE dont le Burundi dépend très largement, notamment sur le plan financier, avec des documents plus que douteux.
Constatant à cet égard que les sphères politico – diplomatiques occidentales qui soutiennent l’hégémonie des régimes forts en Afrique centrale utilisent la manipulation ou diverses contraintes aussi bien des institutions onusiennes que des réseaux institutionnels de masses comme les églises, les syndicats et les ONG ; tant que l’inversion diffamante et cynique des rôles véhiculée dans ces milieux par ces lobbies en guise d’explication de la dynamique politique locale n’est pas neutralisée, ces sphères politico-diplomatiques occidentales ne permettront jamais une perspective de paix différente à celle issue des mesures cosmétiques proposées qu’on observe, ici et là, à travers le monde, alimentant des conflits sans fin.
Rappelons ici la conclusion de Hassan Ngendakumana dans son article publié sur arib.info en date du 17 décembre 2012 concernant le rapport de Transparancy International à propos du classement de ce think tank ; que le Burundi ne devrait pas paniquer, les visées de ce Think tank sont principalement la diffusion du schéma « Fear, Uncertainty and Doubt » (peur, incertitude et doute).
Un pays du tiers monde disposant d’énormes potentiels économiques, malgré la mise en place des instruments de bonne gouvernance, ces Think tanks tenteront d’influencer la perception de son audience en disséminant des informations négatives, souvent vagues et inspirant la peur aux investisseurs privés éventuels, donnant le champ libre à ces sociétés qui sont patronnes de ces Think tanks. Le cas de la Birmanie est un bon exemple qui illustre tout.
Une frange de la société civile burundaise a décidé de se faire le chantre et le cheval de Troie de ces lobbies internationaux en salissant systématiquement l’image du Burundi, ses dirigeants et ses institutions.
Et pourtant, jamais aucun gouvernement burundais depuis l’indépendance du pays n’a accompli, en aussi peu de temps, autant de réalisations utiles à la population, importantes et prestigieuses dans des domaines aussi complexes notamment les mesures en faveur de la santé publique, l’enseignement, les secteurs sociaux et les infrastructures, malgré l’acharnement des défaitistes qui ne cessent de tirer à tout bois sur toute action initiée par le gouvernement burundais, en décriant à gorge déployée que le gouvernement fait fausse route, qu’il s’agit de mesures prématurées, non préparées et sans budget à y affecter suffisant. Qu’il s’agit d’un échec garanti sur facture bien annoncé.
Mais aussi, il semble important de dissiper l’amalgame entre des ambitieux qui refusent de reconnaître les aspirations du peuple et pactisent avec des Burundais à la mémoire courte et rêvent en secret de renouer avec les violences du passé, et ceux qui n’ont pas une mémoire courte et n’aspirent qu’à une chose : sauvegarder les acquis du peuple pour une paix et un développement durables.
Tous les observateurs et analystes de la question burundaise s´accordent pour dire que la politique des régimes passés avait épuisé le pays et avait tari les ressources humaines et matérielles. Mais le mal est plus grave encore. Car dans l’héritage qui nous a été légué, il y a le discrédit qui touche à la parole politique, la suspicion sur l’exemplarité de l’Etat, le doute sur l’indépendance de la justice, les manquements aux règles, la protection des amis, la confusion des intérêts, la connivence avec l’argent. Bref, tout ce qui nourrit la résignation civique ou la haine fratricide. Ceci dit, il faut donc beaucoup de volonté pour réformer la justice, pour désigner les responsables, affronter les coupables et mettre un terme aux dérives du passé.
Les milieux manipulateurs néocolonialistes utilisent toujours deux leviers à savoir de l’extérieur les pressions pseudo diplomatiques, de l’intérieurs des acteurs locaux nourris et blanchis, très efficaces pour assener des coups de boutoirs au régime en place afin de le maintenir sous pression en direct, aucun jour ne peut s’en aller sans qu’une flèche ne soit décochée là où ça doit faire mal ; le zèle mis en place étant proportionnel à la rémunération empochée. Le but, pas de répit pour le régime à abattre.
On construit la Paix sur le courage, la fidélité et le sens de l’honneur. On construit la Paix sur la certitude que l’honneur et la dignité d’un peuple ne se marchandent pas. Quelques soient les tractations entre différents intérêts, le peuple burundais n´oubliera pas son combat et défendra toujours son évolution démocratique. Quoi qu’on fasse le bien finit toujours par triompher sur le mal.
Kazirukanyo Martin