LAGOS, 1 octobre 2014 (IRIN) – Quand elle s’est propagée sur Internet en juillet, l’annonce selon laquelle une cure d’eau salée permettait de se protéger d’Ebola a suscité l’intérêt de bon nombre de Nigérians. Vingt personnes ont été hospitalisées et deux sont décédées, apparemment à cause d’une consommation excessive de sel.
Mme Franca est l’une des personnes qui ont cru au pouvoir de l’eau salée. « Ma nièce, qui est infirmière, m’a envoyé un SMS tôt ce matin-là et je l’ai suivi à la lettre », a expliqué Mme Franca. « Je devais faire quelque chose pour qu’Ebola reste loin de moi. Je me suis lavée avec de l’eau salée matin et soir, pendant deux jours, mais je n’en ai pas bu. Je souffre d’hypertension. J’ai aussi envoyé le SMS à toute ma famille et à mes amis proches ».
Les Nigérians ont vu l’épidémie d’Ebola se propager à la Guinée, à la Sierra Leone et au Liberia avec un malaise croissant. Très peu de gens pensaient que les structures de santé vétustes et la capacité de gestion du gouvernement résisteraient à une telle épreuve. Ainsi, les médias sociaux ont réagi avec émotion à l’annonce de la mort de Patrick Sawyer, un Libérien contaminé par Ebola qui s’est effondré alors qu’il descendait de l’avion qui l’amenait à Lagos le 20 juillet.
Mais ce ne sont pas seulement les affirmations sur les bienfaits de l’eau salée et les faux pasteurs promettant le salut qui ont été médiatisés : les agences gouvernementales et les personnes proactives ont rapidement utilisé Internet pour discréditer les rumeurs et offrir des conseils avisés. Les autorités ont également menacé d’arrêter toute personne qui diffuserait de fausses informations, à commencer par celles relatives à la « cure » d’eau salée. Un plan avait bien été élaboré finalement.
Des messages qui touchent un large public
Avec 67 millions d’utilisateurs, le Nigeria est le huitième pays comptant le plus d’utilisateurs d’Internet au monde. Il recensait également près de 166 millions d’abonnés au téléphone mobile en juin. (Le pays compte 175 millions d’habitants.)
Avec autant de Nigérians connectés à Internet, les portails tels que ebolalert.org, site créé par des médecins bénévoles, et l’initiative publique/privée ebolafacts.com, sont devenus des vecteurs d’information importants : ils fournissent des indications précises pour aider les Nigérians à se protéger. Ces sites complètent les services d’écoute téléphonique et les approches sanitaires plus traditionnelles mises en ouvre par l’Etat.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) joue également un rôle dans le travail de communication sur le virus Ebola par le biais de l’application SMS UReport. UReport Nigeria est une plateforme SMS gratuite conçue comme un mécanisme d’échange d’informations communautaire. D’après Geoffrey Njoku, spécialiste des communications pour UNICEF, plus de 57 000 personnes ont reçu plus de 3,6 millions de SMS contenant des messages importants sur Ebola et sur la manière de se protéger pendant une période de six semaines.
Réconfort et confiance
Pour certaines des personnes qui ont utilisé ce service, comme le docteur Adoara Igonoh, qui a survécu à Ebola, les conseils prodigués étaient rassurants et ont apaisé les inquiétudes. « J’ai commencé à penser à ma mère », a raconté M. Igonoh. « Elle avait été placée sous surveillance, avec d’autres membres de la famille. J’étais inquiet. Elle était entrée en contact avec ma sueur. Je ne pensais qu’à cela. Quelques heures plus tard, je suis tombé sur un message publié sur Twitter par l’OMS [Organisation mondiale de la santé] et qui indiquait que le fait d’entrer en contact avec la sueur d’un patient infecté par Ebola ne suffisait pas à transmettre le virus au stade tardif. Cela m’a suffi. Cela a calmé les inquiétudes que j’avais pour mes parents ».
La communauté internationale a salué la réponse du Nigeria concernant l’épidémie. Le virus Ebola continue de dévaster le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, mais il semble qu’il ait été contenu au Nigeria qui n’a recensé que 21 cas confirmés et huit décès – le dernier cas a été signalé le 8 septembre et le traçage s’est révélé efficace.
« La gestion de l’information est un élément clé de la lutte contre Ebola après la fourniture des infrastructures humaines et techniques nécessaires », a dit Tochuwu Akunyii, qui publie des articles sur les politiques publiques et le développement international sur Internet. « En ce qui concerne la gestion de l’information, la diffusion d’informations précises est cruciale ; les médias sociaux jouent un rôle essentiel dans ce processus ». M. Akunyii rend tout particulièrement hommage aux jeunes nigérians qui utilisent des forums et des plateformes, telles que Twitter et Facebook.
Les médias sociaux complètent les médias traditionnels
Les Nigérians qui n’ont pas accès à Internet et au téléphone mobile n’ont pas été oubliés dans les campagnes contre Ebola. Des médias traditionnels tels que la radio, les dépliants, les affiches, les réunions de village et les annonces par des crieurs publics sont tous utilisés. La priorité est donnée à l’utilisation des langues locales.
Comparant les méthodes traditionnelles de campagne aux médias sociaux et aux campagnes par SMS, Nwokedi Moses, plus connu sous le nom de Big MO, un animateur qui utilise la langue vernaculaire sur Wazobia FM, a indiqué que les deux approches se complétaient. « La campagne des médias sociaux contre le virus Ebola était une campagne de masse, mais elle a complété les médias traditionnels. Cela est lié au fait que l’accès aux médias sociaux est limité dans les zones rurales ».
Les autorités locales ont elles aussi pris des initiatives. Les gouvernements de l’Etat de Lagos et de l’Etat de Rivers – les deux seuls Etats où Ebola est apparu – ont mis en place des campagnes de sensibilisation traditionnelles comme les spectacles itinérants, les chansons publicitaires diffusées à la radio et à la télévision, la distribution de dépliants et la sensibilisation de la population à l’hygiène de base. Depuis l’apparition du premier cas d’Ebola, les ventes de désinfectant pour les mains se sont envolées alors que l’on constatait une baisse correspondante sur le marché des « viandes de brousse ».
Alors que la situation se normalise progressivement au Nigeria, comme en témoigne la réouverture timide des écoles le 22 septembre, les militants de la santé s’apprêtent à relever le défi de mettre un terme à la stigmatisation de ceux qui ont guéri d’Ebola – avec le soutien d’un gouvernement qui menace de prendre des mesures contre les personnes qui pratiqueraient des discriminations.
Babatunde Fashola, le gouverneur de l’Etat de Lagos, a récemment rencontré des survivants pour confirmer qu’un certificat de guérison du virus Ebola veut bien dire ce qu’il dit. Onyebuchi Chukwu, le ministre de la Santé, a déclaré qu’il n’y avait pas « de personnes les plus sûres » que les survivants, compte tenu du fait qu’elles ont développé une immunité au virus.
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