Le président de la principale coalition d’opposition au Burundi, Léonce Ngendakumana a été condamné jeudi à un an de prison ferme pour « dénonciation calomnieuse » contre le parti au pouvoir, a annoncé l’intéressé à l’AFP, dénonçant une condamnation politique à l’approche des élections de 2015.

M. Ngendakumana était jugé pour « dénonciation calomnieuse, diffamation et haine raciale » pour le contenu d’une lettre envoyée en février au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, dans laquelle il accusait le parti au pouvoir au Burundi, le Cndd-FDD, de préparer un plan comparable à celui ayant débouché sur le génocide au Rwanda voisin en 1994.

« C’est une parodie de justice, un procès politique organisé pour m’éliminer de l’espace politique à moins d’une année des élections générales de 2015 », a réagi M. Ngendakumana, qui comparaissait libre et qui a annoncé qu’il ferait appel. L’appel est suspensif et il ne sera incarcéré que s’il ne fait pas appel dans les délais prévus.

« Le pouvoir du président Pierre Nkurunziza vient de démontrer encore une fois sa volonté de neutraliser l’opposition car j’étais l’un des rares leaders d’opposition à ne pas être en exil ou à avoir été dépouillé de son parti », a martelé M. Ngendakumana, en référence à la prise de contrôle alléguée de formations de l’opposition par des proches du pouvoir.

« Mais les jours de ce pouvoir sont comptés, ces tentatives de nous réduire au silence sont vaines », a-t-il poursuivi.

Le 2 septembre, le Parquet avait requis 5 ans de prison contre Léonce Ngendakumana, président de l’Alliance démocratique pour le changement (ADC) qui regroupe neuf partis d’opposition, qui dénoncait dans sa lettre « l’exploitation de la corde ethnique à des fins propagandistes » et évoquait un risque de « génocide politico-ethnique au Burundi », selon des extraits lus par le procureur à l’audience.

Il y comparait aussi les « Imbonerakure », l’aile jeunesse du Cndd-FDD à la milice hutu rwandaise Interahamwe qui fut l’un des bras armés du génocide rwandais, et la radio Rema FM, proche du parti présidentiel à la radio rwandaise Mille-Collines qui avait relayé en 1994 les appels aux massacres.

« La cour vient de démontrer que nous ne sommes pas une station incendiaire, qui incite à la haine, en punissant Léonce Ngendakumana », s’est félicité Daniel Mpitabakana, un des dirigeants de Rema FM, à laquelle l’accusé devra verser un million de francs burundais (environ 500 euros) de dommages et intérêts.

La communauté internationale a publiquement exprimé depuis plusieurs mois ses inquiétudes sur les tensions croissantes dans ce petit pays des Grands Lacs, sur fond de violence politique et d’entraves aux libertés, à l’approche des élections de 2015.

Dans une note confidentielle qui avait fuité, l’ONU avait récemment fait état de distributions d’armes aux « Imbonerakure », ce que le pouvoir avait démenti.

L’histoire du Burundi est jalonnée de massacres ethniques et le pays a connu une sanglante guerre civile entre 1993 et 2006. Les précédentes élections de 2010, boycottées par l’opposition avaient débouché sur des violences.