Que les autorités et le peuple burundais ne soient pas aveuglés par les délégations occidentales ni par les va-et-vient des dialogues et négociations. Tout ça, c’est du déjà vu au Rwanda en 1994. D’un côté, les négociations continuaient entre le Président Habyarimana et Kagame tandis que de l’autre, les plans du génocide et de la déstabilisation de la région des grands lacs d’Afrique avançaient. La cible n’était pas Habyarimana mais les ressources naturelles de la région en général, et celles de la République démocratique du Congo en particulier.
Que les autorités burundaises se souviennent du rôle joué par la MINUAR (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) en 1994 – le rôle politique et militaire dont les conséquences pèsent jusqu’à date d’aujourd’hui sur les épaules et dans les mémoires des Rwandais (Hutus, Tutsis et Twas), des Congolais (tous les tribus) et des Burundais (Hutus, Tutsis et Twas). Ainsi, que chaque autorité burundaise dise « non à l’invasion de mon pays ». Non à toutes propositions d’intervention des missions militaires sur le territoire burundais, sauf la mission d’observation. Même pour cette dernière, le nombre et l’origine doivent être bien étudiés. Après tout, personne ne peut mieux garantir la sécurité aux Burundais que les autorités burundaises.
Si la mission proposée par l’Union africaine viendrait pour prévenir le génocide au Burundi, il n’y aura pas de génocide dans ce pays. Donc, la raison officielle de la mission n’est pas valide. Il n’y a pas de génocide en cours ni en préparation et, il n’y aura pas de génocide au Burundi. En fait, deux simples raisons me poussent à le dire et à le répéter pour que le monde entier comprenne que dans les contextes ethnique, socio-politique et militaire comme ceux du Burundi, personne ne peut oser planifier ni exécuter un génocide. C’est impossible. Pourquoi ? Premièrement, les deux principales ethnies sont dans l’armée et dans la police : les Hutus à 50%, les Tutsis à 50%. Dans la police, ces derniers sont à 40% et ces premiers à 60%. Au Sénat, 50% de chaque ethnie y siège. Au gouvernement et au parlement, les Tutsis occupent 40% des sièges contre 60% des Hutus.
Cependant, s’il y a un groupe qui devrait s’inquiéter du génocide, ce serait celui des femmes car la Constitution du Burundi lui garantit un minimum de 30% des sièges au parlement tandis que les femmes représentent 52% de la population burundaise. Toutefois, elles sont assez représentées, en nombre, au Sénat. Deuxièmement, les trois principaux partis politiques du Burundi (CNDD-FDD, FNL et UPRONA) sont représentés dans toutes les institutions susmentionnées. De ce fait, aucun parti ne peut planifier un génocide sans être soutenu par les autres. Or, tout le monde le sait – bien qu’ils travaillent ensemble dans la gouvernance du pays, ces trois partis ne forment pas un groupe homogène.
Donc, vu que tout le monde est inclus dans la gouvernance du Burundi, il me paraît nécessaire de demander aux Burundais (femmes et hommes, Hutus, Tutsis et Twas, adultes, jeunes et enfants, politiciens et sociétés civiles, paysans et citadins) de se mettre débout et dire « non à l’invasion de mon pays ». Le peuple libyen n’a pas su comment apprécier ce qu’il avait – le Président Mouammar Kadhafi. Par conséquent, il n’a pas dit « non à l’invasion de mon pays ». Ainsi, son territoire est devenu un terrain des grenades et des bombes, depuis février 2011. Et la victime ? Le peuple libyen parmi lequel il y a ceux qui ont aidé les occidentaux à renverser le pouvoir de celui qu’ils croyaient être un Président dictateur – Mouammar Kadhafi. Quand la guerre a commencé en 2011, l’objectif mentionné officiellement était de renverser le pouvoir d’un dictateur. Ce dictateur fut assassiné en octobre de la même année mais jusqu’à date, le Conseil national de transition n’a pas de victoire.
Si le déclenchement de la guerre en Libye était pour faire respecter les droits de l’homme et assurer la sécurité de tous les Libyens, le but n’est pas atteint car, le peuple libyen vit dans l’insécurité causée par les conflits de différents groupes djihadistes. Il s’agit de ce que les auteurs Linhardt et de Bellaing (2014 :12) appellent la « démonopolisation de la guerre » qui est caractérisée par « la présence sur les théâtres d’affrontement de belligérants qui n’appartiennent à aucune troupe régulièrement constituée, mais à des groupes, plus ou moins formels et organisés, plus ou moins mobiles et éphémères, plus ou moins politisés ou criminels, composés de rebelles, de partisans, de miliciens, d’activistes, de terroristes ou de Mercenaires, aux loyautés sociales et politiques qui les placent en décalage et en opposition aux États, et employant des moyens de combat dont le spectre va des plus conventionnels aux plus répréhensibles ». Non seulement que le peuple Libyen vit dans l’incertitude, son territoire est devenu une passoire des immigrants vers l’Europe. Certains de ces immigrants meurent dans les bateaux qui sombrent en mer, en cherchant l’exil vers les pays européens dont la plupart d’eux ne veulent rien savoir d’eux. D’autres, après avoir socialisé avec les poissons pendant quelques années, ils sont secourus par les marins. Ceux-ci les remettent dans les mains des autorités qui finissent par, parfois, les renvoyer dans leurs pays d’origine. Si le peuple libyen avait dit « non à l’invasion de mon pays », peut-être qu’il serait épargné de ce cauchemar théâtral.
La guerre en Syrie est un autre cas qui devrait servir d’exemple au peuple burundais. En 2011 le conflit syrien a commencé entre les forces gouvernementales du régime Bachar al-Assad et les manifestants qui réclamaient la démocratie. Ces derniers sont devenus les rebelles regroupés au sein de l’armée syrienne libre (ASL). Je dois rappeler que de ce désordre qu’a pu naître l’État islamiste communément appelé ISIS qui occupe présentement une partie du territoire syrien. Au début du conflit, ASL était soutenue et entretenue par des acteurs externes dans un contexte du contrôle régional, géopolitique et géostratégique.
Ces acteurs sont l’Arabie Saoudite, le Katar, les Émirats arabes Unies, les États-Unis, la Turquie et l’Israël. L’armée nationale était soutenue par le Hezbollah libanais, la Chine, la Russie, et l’Iran. La Chine et la Russie appuient la Syrie de Bachar pour empêcher que le printemps arabe arrive chez eux dans le futur. Aussi, les deux pays sont traditionnellement opposés à toute ingérence étrangère dans les conflits nationaux. Les intérêts géopolitiques et militaires se trouvent derrière les motivations de chaque acteur impliqué. D’abord, il convient de rappeler que la Russie n’a pas beaucoup d’alliés dans le monde arabe. De ce fait, on sous-entend que si Bachar échoue, la Russie perdrait un grand allié politique et militaire de la région. Ensuite, il faut souligner que la Russie a une base militaire en Syrie. Afin, il ne faut pas oublier que l’échec de Bachar serait aussi une perte stratégique de la Russie, au niveau du Conseil de sécurité de Nations unies. De son côté, la Chine appuie la Russie car cette première aurait besoin de la deuxième, une fois ses intérêts sont menacés sur la scène internationale. En 2014, les principaux acteurs qui ont soutenu la guerre en Syrie (les États-Unis) ont appelé leurs alliés parmi lesquels il y a la France, pour lutter contre ISIS. C’est la coalition contre l’État islamique. Ceux qui se souviennent des attentatsterroristes du 13 novembre 2015 à Paris savent que ces attaques ont été téléguidées à partir de l’État islamiste ! Il s’agit de l’échec de la gouvernance mondiale. Pour plus d’informations sur la sécurité mondiale, Professeur Chossudovsky donne quelques informations (https://www.youtube.com/watch?v=34j2Rf-IvJQ).
Où est le peuple syrien dans tout ça ? Une partie est dans les camps de réfugiés au Liban et en Turquie, une petite minorité a eu la chance d’entrer au Canada, une autre est tenue captive par ISIS tandis que le reste est sous le contrôle du Président Bachar. En réalité, qui s’occupe des misères des Syriens ? L’Arabie Saoudite ? Le Katar ? La Chine ? Les Émirats arabes Unies ? La Turquie ? Les États-Unis ? La Russie ? L’Iran ? La Grande Bretagne ? La France ? Ou bien, l’Israël ? Qu’en est-il de la Libye en 2016 ? Où sont les pays qui ont soutenu la chute de Mouammar Kadhafi ? Que disent-ils de l’instabilité du peuple libyen ? De l’endettement qui commence à peser lourd sur la Libye après le départ d’un dictateur Kadhafi ? Et, qui est la vraie victime dans tout ? Le peuple libyen. Si en 2011 les Libyens et les Syriens avaient dit « non à l’invasion de mon pays », peut-être qu’un bon nombre de misère leur serait épargné.
Que le peuple burundais comprenne le fonctionnement de la gouvernance mondiale et de la mondialisation de la guerre et qu’il dise « non à l’invasion de mon pays ». Que ce peuple cherche et trouve la solution durable à ses problèmes sans se fier du soutien des étrangers car ces derniers n’ont que des intérêts à défendre et non des relations à bâtir ni à développer. Dans la gouvernance mondiale, les intérêts prônent avant tout ! C’est dans ce sens que la mondialisation de la guerre est motivée par les intérêts, et, les grandes entreprises d’armes se font des affaires d’or à partir des guerres ici et là. Et les victimes ? Vous avez la réponse. Que chaque burundais dise « non à l’invasion de mon pays ».
Pascasie Minani Passy