Après les récentes visites diplomatiques onusienne et africaine de haut niveau sur la crise au Burundi, cette semaine s’achève encore sur de nouvelles tractations et un appel pressant aux acteurs politiques locaux à une « solution négociée et sans exclusive » pour redonner la paix au pays, cette fois, de la part d’une mission conjointe de la Conférence des Églises d’Afrique (Ceta), du Conseil œcuménique des Églises (Coe, au niveau mondial), ainsi que de l’archevêque anglican de Canterbery (en Angleterre), Justin Welby (photo, en audience aupèd du président Pierre Nkurunziza, le vendredi 04 mars).

Au terme de sa visite, samedi, la mission s’est engagée à faire le suivi et à aider à atteindre cet objectif encore lointain d’un dialogue réellement inclusif de tous les protagonistes d’une crise, partie, en avril dernier, d’un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition.

Le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, avait offert dernièrement au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, et à un panel de cinq chefs d’Etat et de gouvernement africains, le principe d’un dialogue avec l’opposition « pacifique ».

Toute la difficulté du puzzle politique burundais réside dans cette mise au point maintes fois répétées par le pouvoir « alors qu’on négocie normalement avec ceux qui ont des revendications à faire valoir », de l’avis général des analystes indépendants à Bujumbura.

L’autre opposition dite « radicale » indésirable a appelé au soulèvement populaire, l’année dernière, contre le troisième mandat, jugé constitutionnellement de « trop » de l’actuel Président Nkurunziza, et sa complicité avec les auteurs de la tentative de putsch manqué de mai 2015.

Rien n’a filtré des entretiens du chef de l’Etat avec les nouveaux médiateurs du monde religieux qui veulent s’essayer à leur tour à la tenace crise qui évolue dangereusement, avec déjà au moins 400 tués et plus de 260.000 exilés depuis fin avril dernier, selon les chiffres actualisés du haut-commissariat des Nations unies pour le réfugiés (Hcr).

Des puissances étrangères, comme la France et les Etats-unis d’Amérique, ne baissent pas non plus la garde et ont encore pressé ces derniers jours pour que la médiation conjointe de l’Ouganda et de la Tanzanie arrête, sans plus tarder, une date de début des pourparlers inter burundais de paix maintenant que certaines conditions minimales sont réunies.

Le 17ème sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est/East african community(Cea/Eac) a désigné, le 2 mars dernier, l’ancien président tanzanien, Benjamin Milliam Mkapa, pour seconder le président ougandais, Yoweri Kaguta Museveni, à la tête de la médiation dans la crise au Burundi.

Cette désignation a réuni, pour les rares fois, le consensus de l’opposition et du pouvoir au Burundi où prédomine plutôt un dialogue de sourd.

Le président du Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, parti au pouvoir), Pascal Nyabenda, a trouvé que l’ancien chef de l’Etat tanzanien pouvait mieux faire du moment qu’il est aujourd’hui dégagé de grands engagements du fond de sa retraite bien mérité.

Le même son de cloche a retenti du côté du Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation et la restauration de l’Etat de droit (Cnared, principale plate forme de l’opposition interne et externe).

Face à l’enlisement de la médiation ougandaise, le Cnared n’avait cessé ces derniers temps de demander à la sous-région de lui adjoindre d’autres personnalités plus disponibles.

Le nouveau président tanzanien, John Pombe Magufuri, a été désigné par ses pairs pour diriger la communauté est-africaine durant une année et ne manquera sans doute pas de suivre de près les pourparlers inter burundais de paix dont ce qui est encore connu, auront lieu à nouveau, dans la douce ville d’Arusha, surmontée du Mont Kilimandjaro.

Deux personnalités tanzaniennes au chevet du Burundi qui étaient déjà « complices » dans leur passé politique, dit-on, et dont l’efficacité se trouve être leur maître-mot.

C’est encore un ancien chef d’Etat tanzanien, Julius Nyerere, qui avait inauguré les pourparlers inter burundais de paix, avant de laisser la place, à sa mort, à l’ex-président sud-africain et icône mondiale de la lutte contre la ségrégation raciale, Nelson Mandela.

Contrairement à Arusha 1 qui a duré presque trois ans, nombreux sont aujourd’hui les acteurs politiques burundais qui espèrent aller plus vite en besogne, cette fois, au regard de l’urgence du moment au Burundi, en ne dépassant pas six mois à une année dans les discussions.

Mais c’est sans compter avec la complexité des questions qui divisent au Burundi, jusqu’à la liste des participants aux discussions, sans parler de la remise en cause d’un troisième mandat déjà entamé et qui semble de moins en moins déranger la Communauté internationale.

Pour s’en convaincre, il fallait voir cette semaine le nombre de presque dix ambassadeurs africains et européens qui se sont bousculés aux portillons de la présidence de la République à Bujumbura, avec des lettres d’accréditation à la main destinées au chef de l’Etat burundais.

Un tel ballet diplomatique remontait à l’année 2014 d’avant la crise et sa forte médiatisation cachait difficilement un sentiment de satisfaction d’une légitimité internationale retrouvée du côté du pouvoir burundais.

L’autre fait diplomatique marquant est qu’aucun pays étranger n’a rappelé à ce jour son ambassadeur pour cause de crise de légitimité politique au Burundi.

C’est plutôt le pouvoir burundais qui a gardé l’initiative, en expulsant, notamment des diplomates rwandais, belge et onusien pour leur ingérence dans les affaires intérieures du Burundi.

Le 17ème sommet ordinaire des Chefs d’Etat de l’Eac est encore allé plus loin, en confiant le secrétariat exécutif de l’institution sous-régionale à un candidat du pouvoir burundais, Libérât Mfumukeko.

Son prédécesseur, le Rwandais Richard Sezibera, passait pour une « épine sous le pied du pouvoir burundais » à travers des rapports jugés « tendancieux » sur la situation réelle du Burundi.

Le Rwanda est généralement accusé par le pouvoir burundais d’être une base-arrière de l’opposition politique et militaire qui sème l’insécurité chez son voisin du sud, ce dont il s’innocente.