En décembre 2015 à Bruxelles, une forte délégation burundaise conduite par le ministre des relations extérieures et de la coopération internationale est venue présenter des réponses aux préoccupations de l’Union Européenne dans le cadre de l’Accord de Cotonou. Après la séance d’explications, les Européens ont déclaré n’avoir pas été convaincus par les réponses fournies. Parce qu’ils ne négociaient pas mais imposaient des négociations entre le gouvernement et le CNARED, un pur produit des Occidentaux pour faire main basse sur le nickel, l’uranium, le cobalt, le coltan et les hydrocarbures que le Burundi commence à exploiter! A ces exigences, le Burundi a opposé une fin de non recevoir. Et pourquoi?

Il faut remonter à Genève en octobre 2012. Une table ronde des partenaires a été organisée en faveur des financements des projets retenus par le Burundi dans son Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté (CSLP 2ème version). Plus de deux milliards de dollars américains ont été promis. Mais jusqu’en 2014, moins de 30% de ces fonds avaient été réellement débloqués. Le secrétaire permanent du Comité National de Coordination des Aides (CNCA) Pamphile Muderega qui est passé du côté des frondeurs (ou transfuges du parti CNDD-FDD) a eu tout le mal du monde à convaincre sur les chiffres qu’il avançait pour cacher le tarissement des aides! Le Deuxième Vice-Président de la République d’alors, Gervais Rufyikiri (lui aussi devenu frondeur par déception quant à ses ambitions d’être présidentiable) proposait des chiffres inexacts à mettre dans les discours du président de la république! Il suffit de consulter certains discours et d’aller vérifier le tableau des aides auprès du CNCA ou du PNUD-Burundi pour découvrir le jeu de cache-cache! Tout simplement, le robinet des aides ne laissait tomber qu’au compte-gouttes! Et l’Union Européenne occupait la meilleure place parmi les partenaires qui posaient conditionnalité sur conditionnalité pour ne rien débloquer!

Depuis 2012, les appuis de l’Union Européenne en termes d’aides directes n’atteignent même pas 3% de ce qui est avancé pour la hisser en position enviable de premier partenaire multilatéral du Burundi: 430 millions d’euros prévus sur la période de 2010 à 2020? C’est d’ailleurs archi-faux de parler de premier partenaire bilatéral alors que l’ONU occupe valablement cettte position! Et pourtant, les sommes que l’Union Européenne promettait à la société civile et aux médias étaient régulièrement débloquées! Citons les financements destinés au FORSC, au projet OSCAR et à l’achat des anti rétroviraux via ANSS ou RPP Plus! D’aucuns précisent que les aides finançaient indirectement le renversement du régime via une partie de la société civile ethniquement identifiable!

Depuis 2012, l’Union Européenne a cherché des prétextes pour ne pas débloquer des fonds promis: il y a eu ce qui a été présenté comme des exécutions extra judiciaires, puis elle a demandé de dépénaliser l’homosexualité, puis a dénonce ce qu’elle a qualifié de verrouillage du paysage politique et des libertés de réunions politiques, puis elle a endossé toutes les accusations portées par Pacifique Nininahazwe, OLUCOME ou ADC Ikibiri. Chaque fois que Bujumbura fournissait des justifications et sollicitait plus de respect mutuel comme cela se doit dans un partenariat, l’Union Européenne renvoyait aux calendes grecques tout déblocage des fonds! Ce qui a eu pour conséquence: l’absence de l’aide européenne dans les prévisions budgétaires du gouvernement! Le Burundi compte essentiellement sur l’ONU (ses programmes et institutions spécialisées), la Banque Mondiale, FMI, Banque Africaine de Développement, le Fonds Kowetien d’aide au développement et d’autres fonds qui financent les projets routiers ou agricoles, mais aussi des crédits préférentiels de la banque EXIM de Chine ou de l’Inde! Depuis 2012, aucun sou de l’Union Européenne ne serait tombé dans le compte du gouvernement comme appui budgétaire.

En mai 2015, après l’échec de la tentative de putsch, l’Union Européenne a décidé de rapatrier précipitamment sa mission d’observation électorale et de bloquer tous les financements prévus dans l’organisation des élections au Burundi. Certaines sources proches de la représentation de l’Union Européenne à Bujumbura rapportent qu’à l’annonce du putsch sur la radio Bonesha FM, l’ambassadeur Patrick Spirlet et d’autres diplomates européens ont sablé le champagne! Puis on se représente la scène de leur honte après l’échec du putch et le retour du président Nkurunziza à Bujumbura! L’ambassadeur Spirlet s’était empressé de prendre un congé pour aller ruminer sa défaite en Europe! Puis voyant qu’il n’était pas déclaré persona non grata comme son prédécesseur, il est retourné presque sur la pointe des pieds dans son port d’attache! Il se fait moins visible comme l’Euro sur le marché des devises à Bujumbura! Notez que c’est le dollar qui a la côte au Burundi, du moins pour les importateurs!

L’Union Européenne ne voulait pas des élections ou du moins de la réélection de Pierre Nkurunziza! Mais le peuple burundais en a décidé autrement. L’Union Européenne a coupé la manne financière destinée au Burundi mais depuis 2012, le pays tourne malgré tout, avec des difficultés certes mais il parvient à payer régulièrement les salaires et nous apprenons que même l’harmonisation desdits salaires démarre déjà!

Il faut l’admettre:l’aide était utile. Mais comme vient de l’exprimer Edouard Nduwimana (deuxième vice président de l’assemblée nationale) sur son compte twitter, il ne s’agit pas d’une aide aux indigents! Un adage dit: « Akimuhana kaza imvura ihise »! (l’aide arrive toujours avec les pompiers de Nanterre)! En mars 2016, l’Union Européenne vient d’annoncer la suspension de l’aide. C’est un non événement pour le gouvernement du Burundi car, comme nous l’avons démontré, il s’agit d’officialiser ce qui était un état de fait! C’est tout de même regrettable car l’aide européenne permettait au pays de faire face à certains défis! Mais cette officialisation était prévisible et c’est bien que le monde sache que l’Europe ne donne plus rien à Bujumbura et qu’elle doit désormais garder ses leçons de gouvernance pour elle.

Ce qui a changé entre la situation de fait de 2012 à 2016, c’est que les partenariats bilatéraux entre le Burundi et la Belgique, entre le Burundi et les Pays-Bas, entre le Burundi et la Suisse, entre le Burundi et l’Allemagne ont été très affectés par la volonté des Européens d’imposer le départ du président Nkurunziza ou à défaut, d’obtenir un gouvernement de transition avec ces ministères clés en faveur des membres du CNARED! Tant que Bujumbura rejette tout dialogue avec le CNARED, les Européens se montreront intraitables. Et vu l’état d’amélioration de la sécurité à Bujumbura, le bras de fer risque de durer bien des mois! Et à coup sûr, ces coopérations bilatérales qui ont été mises sous embargo contribuaient beaucoup dans la lutte contre la pauvreté. Car pour le développement, le Burundi ne doit pas compter sur les aides mais plutôt viser les investissements!

Dans ses conclusions, l’Union Européenne officialise la suspension de l’aide directe mais compte préparer elle-même (et non en partenariat avec le Burundi) et financer des projets au Burundi! C’est pourtant bien connu que ce genre de projets conçus et exécutés sans consultation préalable des bénéficiaires et des autorités locales deviennent toujours des fiasco. A moins que lesdits projets ne concernent que les Burundais réfugiés au Rwanda, en Tanzanie et par miracle à l’Est de la RDC aussi!

Sous un autre angle, est-ce une manière de se ménager une porte de sortie au cas où les sanctions auraient les mêmes effets insignifiants (pour le gouvernement du moins) que son retrait de la mission d’observation électorale? Ou bien, serait-ce une manière de garder le Burundi sur la liste des pays bénéficiaires de quelques aides alors que ces sommes servent à garder les ONG européennes en activité au Burundi ou une manière de financer le travail aux résultats souvent mitigés des coopérants (alors experts en projets humanitaires)?

Avec une telle formulation de l’aide dite maintenue en faveur des projets d’intérêt direct des populations ou des projets humanitaires, il y a un grand risque que des sommes considérables soient « dilapidées » au nez et à la barbe du contribuable européen, le Burundais vulnérable et aux abois restant le dindon de la farce de cette fausse générosité! Ces sanctions confirment-elle le paroxysme dans la guerre sournoise mais féroce que les puissances occidentales mènent contre un chef d’Etat d’Afrique subsaharienne? Et comme les Occidentaux ne s’attaquent jamais aux pays pauvres, reste à souhaiter que les richesses qui abandonnent dans le sous sol burundais et le nationalisme brut ne soient point une malédiction nationale!

Editeurs B-24