Tandis que la bande de criminels qui a endeuillé le Burundi depuis trois générations, continue sournoisement à prêcher l’oubli comme remède à nos douleurs, les experts (psychologues et sociologues) eux prônent au contraire la revisitation des frustrations accumulées dans le subconscient, leur retour à la conscience, et enfin leur acceptation. Je crois d’ailleurs que ce sera le travail de la CVR.

Pacifique Ninahazwe, le propagandiste des Sindumuja – héritiers des Sans Échecs, eux aussi descendants des JRR et autres grands assassins de 1972 comme le boucher Bizoza – ne cesse d’affirmer que les jeunes actuels devraient se libérer du fardeau du passé douloureux, parce qu’ils n’étaient pas encore nés au moment des faits. Apparemment correct. Sauf que l’oubli qu’il souhaite aux autres, il ne l’a pas. Combien de fois il a manipulé l’information pour rapprocher faussement la tragédie du Rwanda de 1994 au Burundi de 2015, en faisant croire que les imbonerakure (jeunes du parti au pouvoir) étaient des interahamwe (un des groupes qui ont massacré les gens au Rwanda)? Et en sourdine, ses adeptes ont compris que les jeunes hutu étaient à abattre, puisqu’ils étaient « interahamwe ». La parole jointe à l’acte, le premier jour des manifestations à Nyakabiga, – le quartier de l’épuration ethnique par excellence de 1993- un jeune hutu a été brûlé vif, d’autres ont été kidnappés et tués. D’où vient pour ces jeunes le réflexe de tuer, sinon de la tradition assassine de leurs aînés et de leurs parents ? Certains ne se vantaient-ils pas il n’y a pas longtemps qu’en 1972 un petit tutsi malingre pouvait conduire un troupeau de 50 hutu robustes jusqu’à l’abattoir, sans que ceux-ci réagissent ? Les temps ont changé et Pacifique et les Sindumuja ne l’ont pas compris. Heureusement que la société burundaise dans sa diversité ethnique, forte du douloureux souvenir du passé, a montré une grande maturité en 2015, préférant rester unie plutôt que de suivre les sirènes du diable (diabolos signifie le diviseur, umunyamacakubiri). Le peuple burundais s’est souvenu du sang coulé inutilement pendant les années terribles et ne s’est pas laissé piéger.

Une certaine opinion du Burundi traditonnel conseille aussi d’OUBLIER le passé, pour pouvoir construire le futur. Intibagira ntibana (pour vivre ensemble il faut oublier les offenses). C’est tout à fait vrai, car cet oubli correspond en fait à ce qu’on appelle le pardon. Il ne s’agit pas de l’élimination du souvenir, mais plutôt de son dépassement, pour qu’il n’influence pas les choix et les actions du présent. Les burundais savent si bien pardonner qu’ils ne se sont pas vengés contre les bourreaux de 1972 ou leurs fils, même quand ils en avaient l’occasion.

L’oubli pur et simple est non seulement stupide, mais aussi très dangereux. Un sage disait: « Qui ne connait pas son histoire est condamné à la revivre ». La population burundaise n’a pas oublié ses tragédies, en particulier celle qui a éclaté en avril 1972. Les responsables et les excédants matériels de ce génocide ont tout tenté pour en nettoyer le souvenir de la tête des familles des victimes: ils les empêchaient de pleurer, de demander où ils les avaient enterrées, d’en célébrer le deuil, etc. Mais le peuple n’a pas oublié; c’est pour cela que les nouvelles tentatives de rééditer le génocide de 1972 ont échoué. En 1988, la lettre des signataires a dégonflé le plan de Buyoya, qui voulait partir de Ntega-Marangara pour exterminer de nouveau tous les intellectuels, comme en 1972 Micombero avait organisé une petite insurrection dans le fin fond du pays à Vyanda. En 1993, Buyoya pensait cette fois-ci d’y arriver en faisant assassiner Ndadaye et ses ministres et parlementaires, mais la réaction de la population sur tout le territoire national l’a dissuadé de continuer. En avril 2015, Buyoya, Sinduhije, Pacifique, Muhozi et les autres Sindumuja ont savamment manipulé les masses pour renverser le gouvernement et arriver à commettre un génocide contre les hutu qu’ils traitaient d’imbonerakure/interahamwe, mais ils ont encore une fois échoué.

POUR NE PAS OUBLIER, il faut que le mois d’Avril soit déclaré le mois du souvenir. En effet, ce ne sont pas seuls les hutu qui ont péri en avril, mais aussi des tutsi, que ce soit en 1972 ou en 2015. Il faudrait aussi construire un mémorial, sous lequel seraient enterrés les restes des victimes de nos tragédies: un(e) Hutu, un (e) Tutsi et un (e) Twa, et qui soit un lieu de recueillement national.

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