Voyons comment il a construit l’hégémonie des hima de Bururi. Il a fait son coup d’état seulement 4 ans après le génocide contre les hutu opéré par son cousin Michel Micombero. Il prolongea ce génocide en fermant aux enfants hutu l’accès à l’école. Il appliqua le fameux système « i » et « u » ( inventé par un personnage du début du 20è siècle que nous décrirons dans un prochain article) qui permettait de distinguer les tutsi des hutu à l’école primaire, de sorte que seuls les tutsi pouvaient obtenir les certificats pour entrer à l’école secondaire. Ce fut un génocide intellectuel.
En parallèle, Bagaza faisait construire les meilleures écoles à Bururi pour contenir tous les lauréats tutsi du territoire. Les écoles secondaires de tout le pays étaient peuplées par des tutsi en très grande majorité, et le gros d’entre eux venaient de Bururi. Quand ces jeunes finissaient leur parcours scolaire, l’administration les distribuait sur tout le territoire national. Tout ce qui est poste de travail se retrouva occupé par les tutsi de Bururi, du planton à la secrétaire, en passant par les chefs de zone et les administrateurs communaux. En un mot, tout le patrimoine national rentrait dans les poches des hima de Bururi, à travers les salaires.
Bagaza créait aussi de l’emploi pour caser les siens, par exemple les Sociétés Régionales de Développement. Il a distribué plus de la moitié de la ville de Bujumbura aux hima, à travers les sociétés de constructions comme l’Ecosat, SIP. C’est pour cela que les quartiers qui en sont issus sont monoethniques tutsi (exemple: tout Kinanira, Kabondo, Mutanga Sud, Jabe). Les 10 ans de Bagaza connurent l’apogée de l’influence des hima bururiens sur le Burundi. Cette classe dirigeante mono colore exerçait une oppression écrasante sur le pays. Tout le monde épiait tout le monde, et une parole qui s’échappait conduisait l’infortuné en prison. Les espions (abasekeri) se faufilaient comme des ombres en rasant les murs des maisons, pour écouter les dialogues des habitants. Les rares hutu n’avaient pas le droit de se retrouver en groupe de plus de deux personnes, sinon on les ramassait comme des conspirateurs!
Le dernier méfait qui est passé inaperçu, ce fut la mise à sac de la CADEBU, caisse d’épargne du Burundi, où les paysans épargnaient par force, mais d’où ils n’ont tiré aucun sou; cette classe dirigeante a tout vidé pour se construire les maisons, ou pour commencer de nouvelles banques dont certaines existent encore maintenant.
Enfin, Bagaza a entrepris une grande persécution du christianisme, en renvoyant d’abord les missionnaires, puis en fermant les églises et les Séminaires. Ce fut une erreur qui a précipité sa chute et son oubli. Heureusement que le généreux président Ndadaye l’a fait retourner de l’exil, où, parait-il il a connu de grands déboires.
Cela étant dit, Bagaza est le moins mauvais du trio de Matana, car les deux autres, Micombero et Buyoya, ne sont champions que d’un seul sport, celui de coupeurs de têtes.
Marie B.