Le Général de Brigade Vénuste Nduwayo dément les bruits faisant état d’un éventuel retour sur Bujumbura de tous ses hommes. Selon lui, la présence des troupes burundaises est plus que jamais sollicitée. Interview exclusive accordée à Ikiriho.
Des militaires devraient venir fraîchement du Burundi. La rotation n’a pas eu lieu. Est-ce un signe que l’Amisom peut se passer des services de nos soldats, et qu’ils vont être renvoyés de la Somalie ?
Retour au pays? Loin de là. C’est le moment d’un travail intensif en Somalie. Un militaire travaille sur commandement de ses supérieurs: tout ce qui se dit ici et là, surtout sur les réseaux sociaux, sont des rumeurs destinés à démoraliser nos troupes et les empêcher de travailler sereinement. Nous continuons de recevoir des instructions dans des domaines variés de la part des responsables de l’Amisom. Pour ce qui est de nos bataillons, le Département en charge de la logistique dans l’Amison nous a informés de l’ajournement de la rotation, en précisant que nous serons informés d’une autre date pour cette tâche. En tant que militaires, nous en tenons à cela. Et nous avançons avec notre mission.
Justement, depuis que vous êtes en Somalie, qu’avez-vous fait profiter aux Somaliens ?
Le Burundi est arrivé en Somalie en 2007. A cette époque, nous étions cantonnés dans la ville de Mogadiscio. En collaboration avec les soldats ougandais, nos militaires ont entrepris de déloger l’ennemi Al-Shabab de la capitale. Vous avez visité la ville: elle est sécurisée. A l’époque, ce n’était pas ainsi. Deuxième étape: ce fut Baidoa. Les soldats burundais y avons harcelé l’ennemi. Des batailles rudes. Aujourd’hui, Baidoa est une ville bien administrée, la vie a repris. Baidoa a été laissée aux troupes éthiopiennes. Après Baidoa, nous avons bouté l’ennemi Al-Shabab hors de Jalaxie. Après stabilisation, nous avons laissé Jalaxie aux militaires djiboutiens. Aujourd’hui, les soldats burundais se trouvent dans le Shabel Central, une grande province, elle est aussi sécurisée. Sans oublier que nous assurons la sécurité de l’aéroport de la capitale somalienne.
Du côté de l’Armée somalienne ?
Le travail de sécurisation dans le cadre du mandat de l’Amisom a été fait avec les soldats somaliens. Ils ont bien assimilé la formation que nous leur avons donnée en termes de renforcement des capacités. C’est aussi cela la mission de la FDN: former l’armée somalienne pour qu’elle se développe en techniques et savoir-faire.
Nous avons aussi constaté que la Somalie est à l’heure des élections …
Oui. Et des élections sans heurts. Dans cette activité, les militaires burundais collaborent avec les somaliens, les policiers venus des pays africains et les représentants du peuple somalien. Le processus électoral a commencé début d’octobre et nous sommes maintenant à mi-parcours. C’est crucial que les Somaliens se choisissent leurs dirigeants.
Comment la population apprécie-t-elle les activités des soldats burundais ?
A côté de la discipline que nous recevons de l’armée, il y a l’éducation familiale burundaise basée sur le respect d’autrui et la solidarité. Tout cela fait que nous collaborons très bien avec la population et l’administration somaliennes. Nous avons des lettres de félicitation des administratifs à la base, des provinces, des communes, des correspondances des députés. Tous louent les bonnes prestations des militaires burundais.
Concrètement que faites-vous pour eux ?
Sur la vingtaine de positions de nos militaires, les médecins burundais soignent gratuitement la population somaliennes. Nous leur donnons aussi de l’eau potable. Les soldats burundais jeûnent un jour par semaine: la ration collectée sert à nourrir les populations qui ont faim, surtout que ce pays est en train de sortir de la guerre. A côté de la mission de paix, nous nous investissons dans la bonne cohabitation avec les Somaliens.
Quels sont les défis ?
Le principal problème est le retard dans l’approvisionnement. Les troupes de l’Ouganda, du Kenya, d’Éthiopie et de Djibouti; les policiers du Nigeria, du Ghana et de la Sierra Léone sont tous appuyés par nos partenaires. Ce qui fait vivre tous ces hommes, y compris les militaires somaliens, provient de « UNSOS » (UN Support of Somalia). Nos partenaires sont très sollicités. La réponse à nos requêtes pour les moyens qui font vivre nos militaires ne vient pas au moment souhaité, même si elle ne manque jamais. Et nous nous y adaptons: si le matériel vient avec retard, on se débrouille et les activités ne s’arrêtent pas pour autant. C’est aussi cela, l’esprit de la FDN.
Quelle est la plus-value pour le Burundi de sa présence en Somalie ?
Permettez-moi d’abord de rappeler que notre pays a une dette morale de secourir les frères et sœurs africains en conflit, comme cela fut le cas pour dans le passé. Sinon, la plus-value est grande. Et le premier profit, qui sied à un militaire : l’honneur. Voler au secours des autres renforce notre confiance en nous-mêmes. Autre profit: dans les missions de ramener ou de maintenir la paix, nos hommes ont énormément gagné en technicité et en savoir-faire étant donné que, depuis 2007, nous collaborons avec des militaires des autres pays. Il y a aujourd’hui des militaires burundais en formation dans six centres. Il n’y a pas de militaire qui n’ait acquis une technicité additive à celle qu’il avait en venant du Burundi. Enfin, nos militaires perçoivent des indemnités. Au retour au Burundi, ils peuvent se procurer une belle habitation et des biens matériels. Même si ce n’est pas la mission première, les missions à l’étranger permettent aux familles de nos militaires de vivre avec un léger mieux.
Un message particulier ?
Le premier message est de rappeler la ligne de conduite des militaires de la FDN en Somalie: rester au travail, continuer avec détermination et professionnalisme notre mission dans le cadre de l’Amisom. Pour un vrai militaire, les rumeurs ne veulent rien dire puisqu’elles font partie des armes qu’emploie au quotidien l’ennemi. Ce qui compte, ce sont les valeurs, et le commandement. Deuxième message: que tout Burundais nous appuie. L’honneur du pays dans le concert des nations est un idéal qui figure dans l’hymne national. Je souhaite que tout Burundais en Somalie ou ailleurs sache que le Burundi est en train d’y ramener la paix aux côtés d’autres pays, comme nous avons nous aussi été aidés. Le summum du bonheur pour le Burundi sera quand la paix régnera totalement en Somalie.
by Fabrice Iranzi