Laurent Delahousse : «Les deux résolutions sont complémentaires et permettront de faire avancer dans le bon sens la situation au Burundi»
L’Ambassadeur de France au Burundi se réjouit de l’adoption des deux résolutions sur le Burundi les 28 et 29 septembre lors de la 36ème session du Conseil des droits de l’homme à Genève.
Quel a été votre sentiment après l’adoption des deux résolutions sur le Burundi ?
C’est un sentiment de grande satisfaction, même si la procédure qui a été suivi est un tout petit peu inhabituelle : deux résolutions sur un même pays au cours d’une session du Conseil des droits de l’Homme à Genève n’est pas courant. Mais c’est un sentiment de satisfaction parce que le Conseil des droits de l’homme, la communauté internationale donc, a adopté vis-à-vis de la situation en cours au Burundi une position équilibrée.
En quoi cette position est-elle équilibrée ?
Premièrement, la position prolonge le mandant de la commission d’enquête. Cette commission d’enquête n’a pas pu convenablement effectuer son travail puisque elle n’a pas eu accès au territoire du Burundi et n’a pas reçu de coopération de la part des autorités burundaises. Il y a donc encore beaucoup de travail à faire par la commission d’enquête au Burundi, avec les autorités. Deuxièmement, la position du Conseil des droits de l’Homme est équilibrée car elle joint à cette approche de commission d’enquête une approche de coopération avec les autorités burundaises, à travers l’envoi de trois experts qui vont travailler avec les autorités burundaises pour améliorer l’information et la pratique en matière des droits de l’Homme et également saisir la justice burundaise des cas des violations qui ont auront été constatés. Donc au total, il y a une approche complémentaire de deux textes qui ont été adoptés à Genève jeudi et vendredi dernier. Il y a là de quoi se réjouir car cela permettra de faire avancer dans le bon sens la situation au Burundi.
Espérez-vous que Bujumbura soit cette fois-ci coopératif ?
Les autorités burundaises ont elles-mêmes voté le premier des deux textes qui précise dans son paragraphe opérationnel numéro 10 que les autorités apporteront leur pleine et entière collaboration au Bureau des droits de l’Homme des Nations Unies au Burundi, ce que tout le monde attend depuis maintenant un an.
Croyez-vous que les deux résolutions puissent décider la procureure Fatou Bensouda à ouvrir une enquête sur le Burundi ?
La Cour pénale internationale est indépendante. La procureure de la CPI fera des propositions selon ce dont elle aura été saisie. Les différentes procédures engagées par le Conseil des droits de l’Homme font partie de ces éléments sur la base desquels la procureure fondera ses propositions à la Cour. Ce n’est donc pas l’élément unique. Au sujet de la CPI, il y a beaucoup de fausses interprétations, beaucoup de mauvaises informations ici ou là. Je crois que cela mérite certainement une approche plus juridique, plus informative, plus dépassionnée de cette question très importante.
Lundi le 2 octobre, c’était la rentrée parlementaire et sur la liste des projets de lois à étudier, il y en a un en rapport avec l’Accord de Cotonou. Et si jamais le Burundi se retirerait de cet accord comme il en a fait du Statut de Rome, serait-il sur une bonne trajectoire ?
Je ne vois aucun intérêt que le Burundi se retire d’un accord qui est le meilleur exemple sur la planète de coopération entre un groupe de pays donateurs et de pays bénéficiaires ; un accord qui rapporte au Burundi plusieurs centaines de millions d’euros d’aide de l’Union européenne. Je crois qu’il s’agit là d’une question absolument hypothétique.
Les médias burundais font face à un sérieux problème de manque de formations, de matériels, de finances. Au niveau de l’ambassade, y aurait-il un programme pour appuyer les médias burundais ?
Nous avons eu un programme très actif de soutien aux médias burundais. Ce programme s’est terminé malheureusement il y a un an. Je vous confie que lors de mon dernier déplacement à Paris, il y a quelques semaines, j’ai discuté avec mes collègues au ministère des Affaires étrangères de la préparation d’un nouveau programme de soutien à l’ensemble des médias burundais. Nous continuons à faire de petites actions ponctuelles mais je crois qu’il faut en faire plus ; c’est ce à quoi nous nous employons aujourd’hui. La diversité, le pluralisme et l’indépendance des médias burundais sont des éléments essentiels pour permettre le développement de la vie démocratique au Burundi.
Lancement des activités de la société française AGS Archivage Burundi ; une société inconnue au Burundi…
Le soir du 4 avril, nous avons lancé à la résidence de France une nouvelle activité ouverte au Burundi par la société AGS, une société de déménagement, une grande société française globale très active en Afrique, très active au Burundi. AGS a lancé depuis quelques années un nouveau service d’archivage puisque cette société dispose d’entrepôts dans beaucoup de pays dans lesquels il y a beaucoup de place. C’est une société internationale spécialisée dans les archives et elle offre à la fois aux entreprises du secteur privé et aux organismes publics et parapublics un service d’archivage qui est, d’une part, un service de tri et de conservation de documents écrits, et d’autre part un service d’archivage numérique qui permet aux clients après numérisation de leurs documents d’y avoir accès très facilement par les réseaux informatiques. Je me réjouis de ce lancement. Quand j’étais ambassadeur au Zimbabwe avant de prendre mes fonctions ici il y a un an, en juin 2016 nous avions lancé AGS Archivage à Harare. Je me réjouis de pouvoir le faire aussi ici à Bujumbura ce soir.
AGS Archivage, une société occidentale qui vient faire des affaires au Burundi au moment où le pays connaît des difficultés économiques. Votre lecture ? Quelle plus-value sur le Burundi ?
C’est un signe à la fois de dynamisme commercial de la société AGS mais également, et c’est pour moi très important, un signe de confiance et d’espoir envers le Burundi, envers la situation économique du Burundi. Le pays connaît actuellement des difficultés qui ont des conséquences économiques. Mais je crois vraiment fort que c’est un moment passager dans la vie économique de ce pays. Je suis heureux de voir qu’un grand groupe international français a confiance dans les évolutions positives à venir au Burundi et décide d’investir de l’argent, de créer des emplois pour offrir ce nouveau service à, j’espère, beaucoup de clients burundais, à la fois publics et privés.
By Philippe Ngendakumana