L’ambassadeur du Burundi à New York souligne que la réaffirmation du président Nkurunziza que son mandat prendra fin en 2020 et qu’il soutiendra son successeur qui sera élu en 2020 est un argument de plus pour que le Conseil de sécurité des nations Unies décide de retirer le Burundi de son agenda.
La nouvelle Constitution promulguée, le Président Nkurunziza a annoncé son départ en 2020. Estimez-vous que les autres pays siégeant au Conseil de sécurité vont entendre l’appel de la Russie demandant la suppression du Burundi de l’agenda de cette institution?
Bien sûr que oui! Les partisans d’un ordre mondial basé sur la règle du droit international vont emboîter le pas à la Russie pour appuyer le retrait du Burundi de l’agenda du Conseil de sécurité. Le principal argument est simple: la situation actuelle qui est calme et stable est loin de constituer une menace à la paix et à la sécurité internationale, seul pilier d’actions du Conseil de sécurité. D’autres arguments militent en faveur du retrait du Burundi de l’ordre du jour du Conseil: il n’y a pas au Burundi une mission de maintien de la paix des Nations Unies. Au contraire, le pays est l’un des plus grands contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU et de l’Union africaine. D’autant plus qu’après la liquidation du BNUB en 2012, il n’y a eu aucune autre mission politique spéciale des Nations Unies dans notre pays. Enfin, il n’y a pas de guerre conventionnelle ou civile au Burundi, ou risque d’en avoir à court ou à moyen terme.
L’ambassadeur Shingiro est très, si pas trop optimiste…..
Je suis optimiste quant au retrait du Burundi de l’ordre du jour du Conseil de sécurité tout en reconnaissant qu’au sein de cet organe, ce n’est pas toujours la logique ou la règle du droit international qui prime sur des considérations politiques lors de la prise de décisions. Quelques résistances politiquement motivées sont possibles mais pour un petit temps.
L’Amb. Albert Shingiro à New York, devant l’urne lors du vote du 17 mai dernier sur la nouvelle Constitution du Burundi
Deux pays qui ont tous colonisé le Burundi, la Belgique et l’Allemagne au Conseil de sécurité des Nations Unies. Avantage ou inconvénient pour le Burundi?
Ni l’un ni l’autre. Les deux pays entrant sont membres de l’Union Européenne. Le 1er janvier 2019, ils remplaceront deux autres membres du même groupe régional qui partagent, à quelques rares exceptions près, les mêmes positions en matière de politique étrangère. Il s’agit d’un changement de pays mais les positions demeureront les mêmes sur le plan substantiel.
Par quelle formule finalement la question burundaise va se dénouer au Conseil de sécurité?
Le Burundi a beaucoup de soutiens de taille de tous les continents au sein du conseil, y compris au sein des cinq membres permanents (P5). Il convient de rappeler aussi que les turbulences dans les relations entre le Burundi et certains pays de l’UE sont circonstancielles et non permanentes. Les fenêtres de dialogue entre les deux parties restent ouvertes en vue de la normalisation de la coopération. Le statu quo ne profite à aucune des parties. Il faudrait que les deux bougent au rythme de l’évolution positive de la situation réelle au Burundi et éviter de s’enfermer dans la rhétorique de 2015.
Le dénouement du statu quo ne viendra-t-il pas des alliés du Burundi ?
Il n’y a aucun critère juridique objectif qui justifie la présence du Burundi sur l’agenda du Conseil car la situation actuelle au pays, que ce soit sur le plan politique ou sécuritaire ne représente aucune menace à la paix et à la sécurité internationale, domaines d’action du Conseil de sécurité. Nous y sommes pour des raisons purement politiques, sur la volonté de certains pays bien connus. Aujourd’hui, des voix s’élèvent au sein même du Conseil pour demander le retrait immédiat du Burundi de son agenda car celui-ci a de nombreuses zones de conflits à traiter qui répondent aux normes de la Charte de l’ONU. En un mot, le Burundi est sur l’ordre du jour du Conseil de sécurité illégalement. Nous réitérons un appel vibrant au prestigieux Conseil de sécurité de nous écouter et de prendre en considération notre demande légitime de retrait du Burundi de son agenda. Dans le cas contraire, l’histoire retiendra que le Burundi a été maintenu sur son ordre du jour en dehors des critères établis par la Charte des Nations Unies et cela risque de créer un précédent dangereux et miner sérieusement la crédibilité du Conseil.
By Philippe Ngendakumana