Bujumbura, Burundi – Des marches-manifestations encadrées par l’administration ont été organisées samedi à Bujumbura, la capitale burundaise, et à l’intérieur du pays pour décrier un récent rapport de trois experts des Nations Unies ayant conclu sur la persistance, depuis la crise électorale de 2015, des «violations graves» des droits de l’homme dont certaines sont «constitutives de crimes contre l’humanité», sur la base de «plus de 900 entretiens avec des victimes, des témoins et d’autres sources».
Il s’agit, en particulier, des « exécutions sommaires, des disparitions forcées, des arrestations et des détentions arbitraires, des tortures et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, des violences sexuelles, ainsi que des violations des libertés publiques telles que les libertés d’expression, d’association, de réunion et de circulation».
Le rapport incriminé est l’œuvre d’une commission de trois experts indépendants des Nations Unies, présidée par le Sénégalais, Doudou Diène, avec comme autres membres, Mme Lucy Asuagbor du Cameroun et Mme Françoise Hampson du Royaume-uni.
Les membres d’une précédente Commission onusienne d’enquête sur le Burundi avaient été déclarés « persona non grata », puis menacés de poursuites judiciaires. La Commission était présidée par l’Algérien, Fatsah Ouguergouz, secondée par Mme Reine Alapini Gansou du Bénin.
Le gouvernement burundais vient de sévir à nouveau en persona non grata, les membres de la «Commission Doudou Diène », en place depuis 2016.
La rue a relayé la colère, ce samedi, et on pouvait entendre des «A bas Doudou Diène» de la bouche des manifestants, partis du «Rond point des Nations Unies», au nord de la capitale, pour terminer la marche à la symbolique «Place de l’indépendance» au centre-ville de Bujumbura.
Des reporters provinciaux ont également fait échos de manifestants remontés contre le rapport et demandant au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, de démettre ses experts et de venir au Burundi pour se rendre compte par eux-mêmes de leurs mensonges.
La thèse officielle est que la paix et la sécurité règnent sur l’ensemble du territoire national et «il faut l’admettre comme tel ou alors se démettre», a commenté un observateur à l’écart de la marche-manifestation, faisant allusion au sort des trois experts indépendants des Nations Unies qui viennent d’être déclarés «indésirables» dans le pays.
Les manifestants ont encore pris la défense du « Père de la nation », en cause dans le «climat attentatoire aux droits de l’homme», favorisé par «des appels récurrents à la haine et à la violence de la part d’autorités, dont le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza ».
Le rapport jugé « honteux et mensonger » mobilise les énergies depuis déjà plusieurs jours, notamment au parlement burundais où il a été expressément recommandé à l’exécutif de traduire en justice les trois experts onusiens.
Le gouvernement burundais n’a pas tardé à déclarer «persona non grata», les trois experts qui n’avaient jusque-là obtenu aucun visa officiel pour se rendre sur le terrain burundais, se contentant de contacts à distance avec des victimes supposées des atteintes aux droits humains.
La correspondance officielle informait les trois experts incriminés que «le gouvernement burundais a pris connaissance avec déception et regret, du contenu du rapport diffamatoire et mensonger » qu’ils ont publié, le 5 septembre dernier au Palais des Nations à Genève (Suisse), le siège central du Haut conseil des Nations Unies aux droits de l’homme.
«Le Burundi ignore les visées et les non dits derrière ledit rapport qui est contraire à la réalité du pays », selon la même source.
La Commission nationale indépendante des droits humains (CNIDH) s’est aussi indignée, dans une déclaration, d’un rapport d’une Commission «qui n’a effectué aucune enquête de terrain afin de vérifier d’elle-même et se rendre à l’évidence des violations graves et atteintes alléguées».
Les «900 témoignages avancés par la Commission ne sont ni identifiés, ni localisés géographiquement, ce qui suscite des interrogations sur la véracité des informations et la crédibilité des sources», déplorait la même déclaration de la CNIDH qui, par conséquent regrette, un rapport «erroné, tendancieux et anachronique dont les fausses informations, exagérations et interprétations partiales semblent viser à créer des clivages parmi les Burundais».
PANA, 15 septembre 2018