La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dénoncent la décision de la justice rwandaise concernant la Liprodhor, la ligue rwandaise des droits de l’homme. Celle-ci juge en effet juge infondée une plainte visant à contester la prise de contrôle de l’organisation par le pouvoir.
Dans un communiqué conjoint, les deux organisations déplorent que le 8 août 2014, « en pleines vacances judiciaires et au terme de reports incessants, le juge en charge du dossier ait rendu une décision inattendue, dans laquelle il a estimé que l’action en justice intentée était infondée. »
Il y a tout juste un an, la FIDH et l’OMCT dénonçaient une prise de contrôle de la Liprodhor. Selon elles, une assemblée générale extraordinaire convoquée illégalement avait décidé de remplacer la direction légitime par des personnalités proches du pouvoir. Le juge rwandais en charge du dossier a estimé que les membres du conseil d’administration démis en août dernier avaient dirigé à tort leur plainte contre la nouvelle direction de l’organisation et non contre la Liprodhor elle-même.
« Le juge n’était pas indépendant »
« On nous déboute juste dans la procédure, donc on ne rentre pas dans le fond. Les motifs invoqués dans le jugement devraient faire l’objet de débats sur le fond », estime Me Laurent Munyandilikirwa, le président démis de ses fonctions en août dernier. « Le fond, c’est la légitimité, du côté de l’ancienne et de la nouvelle administration. » Légaliste, l’ancien avocat compte faire appel de cette décision.
Me Laurent Munyandilikirwa ne se dit pas surpris, mais inquiet par cette décision. « On s’attendait à ça, parce que moi je considère que le juge n’était pas indépendant dans sa décision.Nous débouter dans la procédure, avec les éléments que nous avions, comme les violations des statuts et du règlement intérieur de la Liprodhor, ça m’inquiète beaucoup pour la justice rwandaise.
La justice avalise la prise de contrôle de la Liprodhor
Pour Florent Geel, responsable Afrique de la FIDH, cette décision de justice ne fait que consacrer cette prise de contrôle de la Liprodhor. « La justice vient d’avaliser la prise de pouvoir par la force de la dernière organisation nationale de défense des droits de l’homme indépendante au Rwanda, s’insurge-t-il.
Il doute que l’appel introduit ne change quoi que ce soit, mais il estime devoir aller jusqu’au bout « pour montrer qu’aujourd’hui, au Rwanda, il y a un véritable problème d’indépendance de la justice, et, évidemment aussi des libertés publiques […] tel que l’avait déjà rappelé le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’association, Maina Kiai, au début de l’année 2014.Malheureusement, conclut-il, le gouvernement poursuit la mise sous les verrous de la société civile indépendante. »