Messe émue pour les trois religieuses italiennes assassinées au Burundi (AFP 10/09/14)

Face aux trois cercueils blancs alignés devant l’autel du sanctuaire du Mont Sion Gikungu, dans les faubourgs de Bujumbura, entre 2 et 3.000 personnes recueillies et émues ont rendu hommage mercredi aux trois soeurs italiennes assassinées dans leur monastère burundais.

Soeur Lucia, 75 ans, Soeur Olga, 83 ans et Soeur Bernadetta, 79 ans, ont été sauvagement assassinées, pour des raisons encore non éclaircies, dimanche et lundi dans leur couvent de Kamenge, dans la périphérie nord de Bujumbura.

A l’issue de la messe, leurs corps ont pris la direction de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où elles seront inhumées jeudi au cimetière des religieux xavériens – ordre inspiré de Saint François-Xavier -, parmi plusieurs générations de missionnaires.

L’église en forme d’hémicycle déborde d’émotion retenue. Ici une femme pleure discrètement, là des larmes coulent silencieusement d’un regard perdu dans le vide. Plus loin, les épaules d’un vieil homme sont secouées de sanglots étouffés.

Aux milliers de Burundais venus saluer les trois nonnes avant leur départ pour Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, s’ajoutent des centaines de Congolais qui semblent les plus bouleversés.
Nuit de veille

Avant d’arriver au Burundi, il y a quelques années, les trois religieuses avaient passé plus de 30 ans dans le Sud-Kivu, dont elles connaissaient tous les villages.

« Je suis arrivée de Bukavu hier (mardi) pour assister à cette messe, puis accompagner ces trois religieuses tuées sauvagement à leur dernière demeure » à Bukavu, à 155 km au nord de Bujumbura, sur la rive sud du lac Kivu, explique Alice, qui connaissait les trois victimes.

« Je les aime beaucoup, tout le monde les aime beaucoup chez nous car elles ont fait beaucoup de bien, elles aidaient les pauvres, elles ont été avec nous pendant les moments durs » des guerres qui ont ravagé les Kivu, explique cette Congolaise élancée d’une trentaine d’années, vêtue de pagnes fleuris d’un orange éclatant.

« Oser toucher à des grand-mères comme cela dépasse l’entendement », lance dans son homélie l’archevêque de Bujumbura, Mgr Evariste Ngoyagoye, qui célèbre la messe, entouré de plusieurs évêques burundais, devant des centaines de prêtres et de religieuses, dont des Européens, souvent âgés et émus aux larmes.

« Le crime commis est inhumain, mais nous ne demandons pas que cet homme soit tué, nous demandons qu’il change, qu’il devienne un autre homme », poursuit Mgr Ngoyagoye, suscitant les applaudissements.

Dans les discours qui se succèdent durant les trois heures de cérémonie, « le pardon » et « l’amour » reviennent souvent, mais l’incompréhension domine.

« Pourquoi mourir de cette manière atroce? Pourquoi, face à l’amour, répondre avec autant de haine? Pourquoi? », s’interroge un prêtre xavérien, avant de répondre lui-même: « Aucune réponse ne vient à l’esprit, seule la foi nous soutient ».

De son côté, le premier vice-président du Burundi, Prosper Bazombanza, qui représentait le gouvernement au côté de dignitaires burundais, a appelé les étrangers à ne pas tourner le dos au Burundi à cause de ces crimes.

A l’issue de la messe, les trois cercueils ont été hissés dans un camion à destination de la RDC.

« Nous passerons la nuit à Luvungi, au nord d’Uvira (localité située face à Bujumbura sur la rive congolaise du Lac Tanganyika), où nos soeurs ont longtemps servi et où on va les veiller et les pleurer, dans la tradition congolaise », explique Aline.

Devant le camion, une religieuse xavérienne congolaise sanglote les prénoms des trois victimes, avant de s’effondrer.

Esdras NDIKUMANA