Morts du lac Rweru: les relations rwando-burundaise au beau fixe?

Un mois après la découverte de corps sur le lac Rweru, l’Union européenne appelle le Rwanda et le Burundi à enquêter pour déterminer l’identité et l’origine de ces victimes. Jusqu’à présent, peu de progrès ont été enregistrés. Pas d’autopsie, pas de tentative d’identification des corps. D’où ce rappel à l’ordre de l’UE. Le peu de cadavres repêchés jusque-là par les autorités burundaises a été enterré rapidement, officiellement pour des raisons sanitaires. RFI a enquêté au Rwanda et au Burundi, et selon les témoignages que nous avons pu recueillir de part et d’autre de la frontière, ces corps auraient été jetés dans la rivière Kagera, c’est du moins ce que disent les pêcheurs burundais et les riverains rwandais de ce cours d’eau au Rwanda. Comment expliquer cette absence d’enquête? Où en sont les relations entre les deux pays? Si officiellement, elles sont au beau fixe, le Rwanda et le Burundi entretiennent des relations complexes.

Le Rwanda et le Burundi ont une relation asymétrique fondée sur une solidarité contrainte empreinte de crainte et de méfiance, résume un chercheur spécialisé sur les Grands Lacs. Du côté de Kigali, plusieurs sources indiquent s’inquiéter d’un éventuel rapprochement entre les Imbonerakure, la jeunesse du parti au pouvoir au Burundi et les FDLR, les rebelles hutus rwandais, ou de l’influence de la Tanzanie avec qui le Rwanda est en bisbille. L’absence du président Nkurunziza aux vingtièmes commémorations du génocide avait été remarquée.

« On soupçonne que ce sont les Rwandais qui ont fait fuiter la note de l’ONU suggérant qu’il y avait un génocide en préparation au Burundi », avait expliqué un officiel burundais à RFI au moment de la publication de cette note controversée en avril dernier. Méfiance et incompréhension également quand le Rwanda a refusé cette année l’expulsion proposée par Bujumbura de ses ressortissants qui affluaient au Burundi

« Est-ce que Kigali ne les laisse pas s’installer pour mieux nous déstabiliser par la suite », s’était inquiétée une autorité locale burundaise. Et pourtant, selon plusieurs sources, il y a une excellente coopération entre les deux pays en terme de renseignement. Le chef de la documentation au Burundi, Adolphe Nshimirimana, rencontre régulièrement à la frontière des officiels rwandais de haut rang, comme le ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe.

Coopération ou infiltration, début mars, l’Afrique du Sud avait expulsé un diplomate burundais travaillant pour la documentation, l’accusant au même titre que trois diplomates rwandais d’être lié à des tentatives d’assassinat et à un assassinat d’opposants rwandais. Bujumbura a toujours officiellement nié l’implication de son agent, s’alignant ainsi sur la position de Kigali, du moins officiellement. L’Afrique du Sud n’avait pas caché son agacement à l’égard du Rwanda mais s’était dite satisfaite des explications fournies par le Burundi.