Hassan Ngendakumana : Monseigneur Sérapion Bambonanire, Bonjour !
Monseigneur Sérapion Bambonanire : Bonjour Monsieur Ngendakumana.
Hassan Ngendakumana : Monseigneur Sérapion Bambonanire, qui êtes-vous ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire : Merci de la question. Je suis un citoyen burundais, j’ai 66 ans, je suis né en commune Mabayi, Province de Cibitoke, où j’ai fait mon école primaire avant d’entrer au petit séminaire et au séminaire moyen. J’ai terminé mes humanités en juillet 1968. J’ai fait ensuite mes études de philosophie comme tous les candidats au sacerdoce catholique. A peine entamées mes études de théologie, il y a eu les événements d’avril-mai 1972 qui m’ont obligé de quitter le Burundi et j’ai pris le chemin de l’exil, vers le Rwanda d’abord, puis au Zaïre d’alors où j’ai terminé mes études de théologie. Je suis devenu prêtre au Rwanda, à Kigali, et j’y ai travaillé comme prêtre pendant deux ans.
J’ai été alors envoyé aux études à Rome, en Italie, pour une spécialisation en théologie. J’y ai décroché un diplôme de doctorat en théologie morale à l’Université Pontificale du Latran, un diplôme de licence en droit canonique à l’Université Pontificale Urbanienne, et un diplôme en diplomatie universelle à l’Académie diplomatique du Saint-Siège.
Après j’ai embrassé la carrière diplomatique au service du Saint-Siège. J’ai été envoyé successivement au Pérou (en Amérique Latine), en Inde et au Népal, au Moyen Orient et plus précisément à Damas en Syrie où j’ai fait une très belle expérience qui m’a permis de bien connaître, à part la religion musulmane, des pays comme le Liban, Israël, la Jordanie et la Turquie. Par la suite, j’ai été envoyé au Cameroun, au Gabon et en Guinée Equatoriale.
En 1993, j’ai décidé de rentrer au Burundi où j’ai été nommé curé de la paroisse de Musigati dans le diocèse de Bubanza. A partir de l’assassinat du président Ndadaye, en octobre 1993, j’ai résisté avec beaucoup de difficultés pour être aux cotés de mes paroissiens, mais en 1995, le territoire de ma paroisse était mis à feu et à sang suite aux combats entre l’armée burundaise et les combattants du mouvement CNDD-FDD encore naissant. J’ai été alors obligé de regagner l’Europe en passant par le Zaïre et la Tanzanie. Je suis resté en Italie pendant 12 ans jusqu’à mon retour au Burundi en 2009. J’ai alors travaillé dans mon diocèse d’origine, Bubanza, jusqu’en 2011, lorsque j’ai été appelé à présider la Commission Nationale des Terres et autres Biens (CNTB) jusqu’à ce jour.
Hassan Ngendakumana : Quel a été votre sentiment après votre nomination à la tête de la CNTB ? Sentiment de joie ou d’inquiétude ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: A ma nomination, je ne savais même pas ce que c’était la CNTB. Je voyais des gens qui arrivaient à Bubanza et on me disait qu’ils s’occupaient des problèmes fonciers, mais je ne savais même pas où se trouvait leur bureau. Je pensais tout simplement que c’étaient des fonctionnaires de l’Etat qui faisaient leur boulot, un point c’est tout. Mais à un certain moment, quelqu’un m’a soufflé à l’oreille que l’on pensait à moi pour assumer la présidence de cette Commission dont j’ignorais tout. J’ai alors commencé à m’intéresser un peu en lisant sur internet, mais il y avait peu de choses. Je suis arrivé à la tête de la CNTB, sans savoir exactement ce qui m’attendait. Je n’avais alors aucune raison d’avoir un sentiment de joie, comme non plus je n’en avais pas pour me préoccuper. Je me suis tout simplement dit que j’allais apprendre sur le tas ce qu’était exactement la CNTB, et je suis arrivé à ce bureau que vous voyez.
Hassan Ngendakumana: Et finalement, vous avez mis la main à la pâte ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: Oui, exactement, parce que je ne savais pas quel genre de travail m’attendait, ni par où je devais commencer. J’ai dû me mettre tout de suite à l’école des documents que j’ai trouvés ici dans mon bureau. J’ai appris à connaître les membres de cette Commission, un à un, et puis nous avons échangé en profondeur sur le travail que nous devions faire, sans me laisser influencer par ceux qui m’avaient précédé dans cette Commission. Fort évidemment, j’avais une conviction bien ancrée en moi, à savoir que, « il n’y a pas de paix sans justice ». J’étais imbu de certaines convictions essentielles qui m’ont porté à proclamer avec force que « seule la justice peut engendrer une paix durable dans mon pays ».
En ce qui concerne la problématique foncière, eu égard surtout aux événements malheureux qui émaillent l’histoire de notre pays depuis l’Indépendance, j’ai pensé et j’ai cru que toute personne qui a perdu sa terre par spoliation ou par d’autres formes d’injustice, garde son droit de propriété sur sa terre. Pour moi c’est un principe sacré, qui est consacré par tous les textes de loi que j’ai pu consulter. Donc, j’étais devant une certitude et ma conviction était corroborée par tous les documents avec lesquels j’ai eu un contact serré et bien nourri.
Cela m’a évidemment valu une opposition farouche de la part de ceux qui, pour des raisons inavouées, étaient convaincus du contraire, ainsi que de la part de ceux qui, jusque-là, avaient fait l’exact contraire, à l’instar de ceux qui continuent à penser que l’on puisse construire une paix durable sans la justice ou avec une justice biaisée. Parmi ces derniers, nous trouvons non seulement des politiciens et des diplomates chevronnés, mais malheureusement aussi des hommes d’église bien respectés dans notre pays. J’ai dû me battre sur plusieurs fronts à la fois, d’autant plus que, même dans nos rangs, tous les membres de la Commission n’étaient pas convaincus de la justesse de mon choix, qui est par ailleurs le choix fait de vérité, le choix de toute l’humanité, qui veut que quiconque est injustement privé de son bien doive le récupérer.
Hassan Ngendakumana : Techniquement, comment résolvez-vous ces conflits liés à la terre?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: Je voudrais préciser d’abord deux choses très importantes.
Premièrement, la CNTB est la Commission Nationales des Terres et autres Biens, ce qui veut dire que dans notre travail, nous ne nous occupons pas seulement des terres. Il y a aussi des biens comme les maisons, les vaches, les chèvres, les moutons, les volailles, etc.… Parce que, justement, les burundais réclament tout ce qu’ils ont injustement perdu. Là où c’est possible, nous consultons les documents qui fondent éventuellement le droit de propriété, en sachant que certains propriétaires légitimes peuvent les avoir perdus, et que certains nouveaux acquéreurs les ont fabriqués eux-mêmes. D’une manière générale et systématiquement, nous recourons aux témoins comme les administratifs à la base, les voisins, les parentés, mais nous n’ignorons pas que le mensonge, les faux témoignages et l’occultation de la vérité sont monnaie courante et surtout dans notre pays.
La deuxième précision, c’est que, avant de prendre une décision dans un sens ou dans l’autre, nous procédons à des auditions publiques dont le nombre dépend de la délicatesse du dossier, et au cours desquelles nous relevons toutes les contradictions qui se présentent. Il y a donc un débat contradictoire ouvert, qui nous permet de nous fixer sur la véracité des déclarations des uns et des autres.
Comment alors nous résolvons une situation qui se présente chez nous? Eh bien, nous partons de la conviction qu’un bien quelconque a nécessairement son propriétaire. Dans le cas du Burundi, le propriétaire peut être l’Etat ou une personne privée. Je signale ici que la CNTB a aussi le pouvoir d’enquêter sur les terres ou les biens de l’Etat qui ont été distribués ou accaparés illégalement. Je peux donc vous tranquilliser que nous faisons tout notre possible pour ne pas donner une terre ou un bien quelconque à quelqu’un qui n’en est pas le propriétaire légitime. Bien entendu, des erreurs sont possibles, mais il existe, à tous les échelons de nos procédures, un mécanisme de recours qui permet de corriger à temps les erreurs éventuelles. Par exemple, si quelqu’un n’est pas satisfait par notre décision au niveau provincial, il fait recours à la Commission nationale qui fait ses propres enquêtes avant de se réunir en plénière. Mais s’il n’est pas satisfait par la décision de la plénière, il adresse son recours à la Cour Spéciale des Terres et Autres biens qui vient d’être créée.
Hassan Ngendakumana : Est-ce qu’il n’y a pas de cas de corruption au sein de la CNTB, au niveau provincial comme au niveau central ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: Avant de vous répondre, je voudrais encore préciser que nous ne nous occupons pas seulement des terres et des biens spoliés ou perdus en 1972. Nous nous occupons des cas allant de 1962 jusqu’à nos jours. Cela vous fait comprendre l’ampleur du travail de la CNTB. Tenez bien, nous avons enregistré jusqu’ici plus de 250.000 cas de litiges concernant les biens et 40.000 cas de litiges fonciers. Normalement un litige concerne deux ou plusieurs personnes. Supposons que ce sont deux familles en conflit, dont chacune est composée en moyenne de 5 personnes. Cela fait 2.500.000 personnes affectées par les litiges concernant les biens et 400.000 personnes affectées par les litiges fonciers. En somme, nous avons une masse de plus ou moins 3.000.000 de burundais qui aujourd’hui comptent sur la CNTB pour pouvoir vivre en paix chez eux et avec leurs voisins.
Le véritable problème pour moi, en tant que Président de la CNTB, n’est pas de suivre personnellement le traitement de chaque cas. Il s’agit, en ce qui me concerne, d’une mystique de la justice que je dois insuffler à tous ceux qui sont concernés par ces dossiers. En fait, le devoir de la vérité n’incombe pas d’abord à la CNTB, il incombe surtout à tous ces gens en litige. Il faut qu’ils soient imbus d’un idéal de justice. D’une part, qu’ils ne réclament pas une terre et un bien qui ne sont pas les leurs. D’autre part, s’ils savent qu’ils détiennent un bien ou une terre qui ne leur appartient pas, qu’ils les restituent de plein gré. Ainsi, comme la CNTB joue la médiation, il y a beaucoup de tentations qui guettent les médiateurs que nous sommes, entre autres, celle de faire un mauvais choix, de donner à quelqu’un ce qui ne lui appartient pas en le refusant à l’ayant droit. Mais ce sont des exceptions aujourd’hui très rares qui n’ont pas d’impact sur le travail global que nous faisons.
Par exemple, vous avez dit corruption ? Ok, c’est vrai qu’il y a eu ça et là des soupçons, mais dans la plupart des cas, ils n’ont pas été confirmés. Et les rares fois où ils ont été confirmés, la CNTB s’est débarrassée immédiatement du coupable. Je peux donc vous tranquilliser, que le climat qui règne aujourd’hui à la CNTB n’est pas un climat de corruption ni d’injustice. Nous dormons le soir avec le sentiment d’un travail bien fait et d’une mission bien accomplie. Et personnellement, je reste très vigilant.
Hassan Ngendakumana : Monseigneur, une certaine opinion pense que vous bossez pour le parti CNDD-FDD au pouvoir, surtout en vue des élections de 2015. Qu’en dites-vous ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: Ce n’est pas la première fois que j’entends ces rumeurs. Je voudrais rassurer quiconque me lit, qu’il n’en est rien. Tout d’abord, les sinistrés dont nous nous occupons ne sont pas tous des adeptes du parti au pouvoir. Les sinistrés, à l’image du pays, appartiennent à la galaxie des partis politiques en lice, et ils sont imbus d’opinions politiques différentes. Il est donc impossible de dire qu’en travaillant de la façon dont nous procédons actuellement, on les amène tous à adhérer au parti CNDD-FDD. Il y a des sinistrés membres de l’UPRONA, du FRODEBU, du CNDD-FDD, du FNL, du FROLINA, du MSD etc.…Quant aux membres de la CNTB, ils proviennent de tous les horizons sociopolitiques, religieux et du genre. D’ailleurs, je veux vous dire en ce qui me regarde comme prêtre catholique, beaucoup de sinistrés du sud du Burundi sont des protestants, et personne ne nous a jamais accusés de faire une discrimination sur base religieuse ! Bien plus, toujours dans le sud du pays, il y a des partisans de Léonard Nyangoma, président du CNDD, qui sont des sinistrés et qui ont gain de cause et recouvrent leur droit de propriété. Il faut aussi comprendre que tous les occupants secondaires ne sont pas des Upronistes ou des tutsi. Il y a des gens du parti CNDD-FDD au pouvoir qui occupent illégalement des terres appartenant à des privés ou à l’Etat, et qui doivent les restituer. Que deviennent-ils alors après la restitution ? Ils quittent le parti CNDD-FDD ? Je vous dis sincèrement que la réalité sur terrain dément catégoriquement cette possibilité que la CNTB travaille pour le CNDD-FDD. Personnellement, je ne suis pas membre de ce parti, mais, il est vrai que j’ai des amis au sein de ce parti comme j’en ai aussi dans d’autres partis politiques. C’est peut être ma chance : je prends à quiconque détient injustement pour donner à quiconque est privé injustement, qui qu’il soit. Et ça c’est exactement ce que fait la CNTB.
Hassan Ngendakumana: Est-ce que la CNTB indemnise les acquéreurs de bonne foi qui restituent les biens qu’ils détenaient?
Monseigneur Sérapion Bambonanire : Oui, c’est possible qu’il y ait des acquéreurs de bonne foi, mais dans la situation réelle du Burundi, il y en a très peu. Et moi personnellement, je n’en ai pas encore rencontré. Je m’explique : dans le contexte burundais, il est difficile de trouver quelqu’un qui ait occupé une terre appartenant à autrui sans savoir qu’il occupait une terre appartenant à autrui. Vous comprenez ça ? Je vous donne une preuve. Bien souvent, dans la lettre d’attribution que beaucoup d’entre eux nous présentent, il est écrit : « Nous vous attribuons le terrain qui est sur telle colline, qui appartenait au rebelle du nom de X qui est en fuite (ou qui est mort». C’est comme ça pour toutes les propriétés de Rumonge, de Makamba et de Nyanza lac etc… Donc, bien souvent, les terres qui ont été données, portent le nom du propriétaire légitime. Alors, quand tu lis ça, peux-tu me dire que tu es un acquéreur de bonne foi ? Encore une preuve : il y a des gens qui se sont empressés de se faire donner d’autres documents. Imaginez, vous avez une maison qui est là, qui est construite et vous vous faites délivrer un document de cette maison en 1974. Pourriez-vous me dire que vous ne saviez pas que cette maison appartenait à quelqu’un d’autre ? Eh bien, vous le saviez, la preuve, c’est que vous avez fait faire un autre document de propriété. Et là, vous ignorez que probablement quelqu’un d’autre détient le premier document authentique ! Voilà, jusqu’ici, nous n’avons pas encore rencontré beaucoup d’acquéreurs de bonne foi. Pour ce qui est de l’indemnisation, d’après la loi qui régit la CNTB, l’indemnisation concerne ceux dont les terres sont occupées par l’Etat pour une œuvre d’utilité publique. De plus, l’indemnisation est préalable à l’expropriation. Comme aujourd’hui nous trouvons des terres appartenant à ceux qui étaient partis en exil et qui ont été occupées par l’Etat, alors nous disons que l’Etat a le devoir d’indemniser ces gens. L’autre cas d’indemnisation concerne le sinistré qui ne peut pas retrouver la totalité de son bien. Dans ce cas, il doit recevoir une juste indemnisation. Mais qui doit indemniser ? Eh bien ce n’est pas seulement l’Etat ! C’est aussi celui qui occupe un bien de façon qu’il soit dans l’incapacité de le restituer.
Hassan Ngendakumana: S’il vous arrive d’utiliser la force, est-ce que vous mesurez les conséquences ? Pouvez-vous nous expliquer le cas de Nyakabeto à Ngagara ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: Ok, c’est vrai qu’à Ngagara, les gens ont été choqués par le fait que la police ait utilisé les muscles pour déloger quelqu’un qui refusait de quitter une maison appartenant à autrui. Mais, l’opinion n’a pas été choquée par le fait qu’il y avait des jeunes organisés et manipulés qui lançaient des pierres, qui ont blessé les policiers et qui voulaient même la mort des agents de la CNTB. N’est-ce pas là un paradoxe effarant? Pourquoi les gens n’ont pas été choqués par le comportement ignoble de ces jeunes ? Pourquoi les gens n’ont pas eu le courage d’accepter que les pauvres orphelins et leur maman malade, longtemps privés de la maison que leur papa et époux avait acquise pour eux avant d’être assassiné en 1972 puissent finalement rentrer dans leur droit de propriété ?
Quant à nous, nous avons toutes les preuves documentaires et la certitude incontestable que cette maison appartient et a toujours appartenu à la famille de feu Mpitabakana. Pour sa part, la police n’avait pas l’intention d’utiliser la force. Elle était là pour protéger les membres de la CNTB contre toute dérive. Toutefois, face à la résistance farouche de la famille Nyakabeto et à celle des dizaines de jeunes manipulés, la police devrait faire son travail. Le comble de malheur, ce sont ces jeunes justement qui, manipulés, croupissent aujourd’hui en prison. Ils ont écopé des années de prison, alors que leurs manipulateurs se la coulent douce à Bujumbura. Un cas pareil est arrivé aussi à Kibago, en province Makamba, où une partie de la population a été montée par des individus qui habitent à Bujumbura, contre une restitution d’un terrain. Des maisons ont été détruites, des pierres ont été lancées contre les membres de la CNTB et leurs collaborateurs, ainsi que contre les agents de la police. C’était vraiment une scène apocalyptique. Pour vous dire que ce sont des situations qui sont arrivées ailleurs et qui peuvent arriver encore dans d’autres endroits, mais qui ne nous découragent pas, parce que nous agissons conformément à la vérité, à la justice et à l’équité.
Hassan Ngendakumana : Quelle évaluation faites-vous de votre travail depuis votre arrivée à la CNTB jusqu’à ce jour ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire : Je crois qu’il est trop tôt pour évaluer complètement notre travail : nous sommes en plein cheminement et la CNTB est une réalité dynamique. Nous sommes en train de construire quelque chose de grand, progressivement, mais, il y a des principes sacrés sans lesquels notre travail n’aurait pas de sens. Je le répète, « il n y a pas de paix sans justice ». Mais si je devais vraiment nous évaluer, je dirais sans hésiter que la CNTB est entrain de devenir une école d’excellence pour tout le monde ici. D’abord à l’intérieur de notre équipe, nous partageons les mêmes convictions. Je suis heureux que les membres de la CNTB participent à la dynamique. Nous assumons le courage de la vérité. Nous avons toujours dit que la justice et la paix sont possibles et qu’il est donc possible, dans ce pays, que quiconque jouit d’un bien qui n’est pas le sien, le restitue au propriétaire légitime. Cela a certainement soulevé un tollé général, mais petit à petit les esprits s’ouvrent et il y a beaucoup de gens qui adhèrent. Sauf que chez certains politiciens, nous avons une opposition qui ne se cache pas, qui refuse justement d’adhérer à cet idéal. Même parmi ceux qui devraient nous accompagner, il y a encore des gens timides, qui ne sont pas encore convaincus ou qui doutent du terminus vers lequel nous porte irrésistiblement notre belle aventure. Mais nous autres, sommes très optimistes.
Comme évaluation, il y a donc un sentiment de grande satisfaction, bien qu’il reste encore des gens qui mettent les freins, qui mettent des obstacles. Mais comme il s’agit d’un travail de longue halène, de sensibilisation soutenue, ça prendra le temps qu’il faudra, mais l’esprit est là, et les gens continuent à adhérer toujours davantage à ces idéaux.
Hassan Ngendakumana : Quel message pourriez-vous donner à l’opinion pour qu’elle puisse mieux comprendre votre travail et l’apprécier à sa juste valeur ?
Monseigneur Sérapion Bambonanire: Je crois que l’opinion nous comprend très bien, mais il y en a qui ont peur du travail de la CNTB, parce que c’est une véritable révolution en cours dans notre pays. Dans un pays où les gens ont toujours parlé corruption, où les gens ont allègrement et longtemps triché avec la loi, dans un pays où occuper un bien d’une veuve était un péché mignon, où les gens étaient fiers de rouler dans une voiture prise à un mort, où habiter une maison qu’on n’a pas construite était une chose normale, la CNTB vient dire que tout ça non seulement c’est illégal, mais aussi et surtout que c’est immoral. Ce message dérange les voleurs d’hier, d’aujourd’hui et demain, et il crée le désarroi chez les spoliateurs qu’ils soient d’hier, d’aujourd’hui, ou de demain. Accéder à l’aisance de la vie en passant par le schéma du vol ou de la spoliation, c’est purement et simplement immoral, affirme la CNTB.
Il est donc temps que ce pays revienne à la raison, et qu’il revienne tout entier dans le chemin de la droiture et de la rectitude morale, pour que chacun comprenne que le véritable bonheur, c’est de jouir en paix d’un bien qu’on a acquis honnêtement. Avec ce principe, je pense que beaucoup de choses peuvent changer dans ce pays. Même le développement égal pour tous sera possible. Mais dans la mesure où la raison du plus fort serait toujours la meilleure, alors adieu le développement et à adieu à la paix. Et cela, la CNTB ne le veut pas et elle ne peut l’accepter. Elle va travailler pour que cela ne soit plus vrai au Burundi.
Hassan Ngendakumana : Merci Monseigneur Sérapion Bambonanire et bon travail.
Monseigneur Sérapion Bambonanire : C’est moi qui vous remercie, Monsieur Ngendakumana.