RDC: comment régler le problème des FDLR? par Christophe RIGAUD

Les rebelles rwandais ont jusqu’au 2 janvier 2015 pour désarmer avant l’intervention armée des Nations unies. Une action militaire qui ne sera sans doute pas suffisante pour mettre fin à la menace des FDLR, sans règlement politique du dossier.

Véritable pomme de discorde entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, la question des rebelles hutus rwandais des FDLR peine à trouver une solution. Présent sur le sol congolais depuis la fin du génocide rwandais de 1994, ce groupe armé est toujours actif dans l’Est de la RDC et tente de se réorganiser. Le « problème FDLR » est vécu par Kigali comme une menace pour sa sécurité, alors qu’à Kinshasa, le dossier des rebelles hutus apparait comme un simple prétexte agité par le Kigali pour s’ingérer dans les affaires congolaises. Comment mettre fin à la menace de cette milice au Congo ? L’équation semble complexe à résoudre au vue des différentes tentatives de démilitarisation de ce groupe armé, toutes inefficaces. Les Nations unies ont récemment posé un ultimatum aux FDLR pour se démobiliser : au-delà du 2 janvier 2015, les casques bleus pourraient mener des actions militaires musclées contre le groupe rebelle. Cette menace sera-t-elle suffisante ? Faudra-t-il employer la force et avec quels résultats ?
FDLR : « l’un des facteurs majeurs d’instabilité »

Dans l’imbroglio congolais, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) tiennent une place majeure dans le conflit qui agite l’Est du pays depuis 20 ans. Pour l’ONG Enough Project qui vient de publier un rapport complet sur le sujet (1) : « Les FDLR sont l’un des groupes armés les plus importants et brutaux au Congo et au Rwanda. Le fait que le Rwanda ait cité à plusieurs reprises la menace des FDLR pour justifier une intervention à l’Est du Congo, est une raison substantielle pour venir à bout du groupe. Mettre un terme aux FDLR enrayerait cette justification et éliminerait l’un des facteurs majeurs de l’instabilité à l’Est du Congo et dans la région ». Fondées en 2000 et bâties sur les restes de l’armée rwandaise (FAR) et des milices Interahamwe responsables du génocide de 1994, les FDLR se sont réfugiées dans l’Est du Congo avec pour un double objectif : protéger les réfugiés hutus et lutter contre le nouveau pouvoir en place à Kigali.

Un trafic estimé à 32 millions de dollars

En deux décennies de présence en RDC, les FDLR ont noué de nombreux contacts avec d’autres groupes armés congolais en créant des alliances de circonstance. Enough Project explique que les FDLR s’adonnent au trafic d’or et de charbon de bois. Un trafic estimé à 32 millions de dollars. Les rebelles hutus entretiennent également des liens privilégiés avec l’armée congolaise (FARDC). Les FDLR achètent des munitions et des armes auprès d’officiers congolais, échangent des renseignements et recrutent dans les rangs des FARDC. Depuis 20 ans, la milice a fortement faibli sur le terrain. De 30.000 à 40.000 hommes en 2001, ils ne seraient plus que 1.500 aujourd’hui. Devant les pressions internationales, les FDLR avaient demandé à déposer les armes fin mai 2014. En juillet, peu de progrès avaient été réalisés. Et c’est à cette date que l’ONU a décidé d’accorder un sursis de 6 mois aux FDLR pour désarmer, avec pour date butoire le 2 janvier 2015. Dans son rapport, Enough Project estime que les FDLR emploient « la même stratégie dès qu’elles sont confrontées à la pression militaire ». L’ONG explique qu’à chaque fois, « le groupe promet de désarmer et en profite pour se regrouper et tisser des alliances militaires et politiques ».

Pour Thierry Vircoulon, responsable du projet Afrique centrale d’International Crisis Group (ICG), que nous avons interrogé sur la question, le manque d’entrain des Nations unies à lutter contre les FDLR s’explique. « La Brigade d’intervention est au repos tout simplement parce que les pays qui contribuent à la FIB ont décidé de fournir un délai aux FDLR. J’attends donc de voir ce qui sera fait au matin du 3 janvier ». Sur ce dossier, apparaissent donc clairement les dissensions régionales à propos du M23 et des FDLR. Autant il y avait consensus sur la volonté de mettre fin à la rébellion du M23, autant la question des FDLR semblent diviser les membres de la CIRGL, la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs.
7 mesures pour lutter contre les FDLR
Pour vaincre les FDLR, le rapport d’Enough prône une approche globale du dossier. En dehors des questions militaires, importantes, mais pas suffisantes, l’ONG souhaite que Said Djinnit, Envoyé spécial du Secrétaire-général des Nations unies pour la région des Grands Lacs, « continue de travailler pour rétablir les relations entre le Rwanda et l’Afrique du Sud, ainsi que les relations entre le Rwanda et la Tanzanie » afin justement de pouvoir établir un consensus régional sur la question. Le rapport demande également « de couper les ressources économiques des FDLR », notamment en bloquant les axes d’approvisionnement en charbons des rebelles. La pression devrait s’accroître sur le gouvernement congolais pour « mettre en examen, suspendre et inculper les officiers soupçonnés de collaborer avec les FDLR ».

L’arrestation du chef des FDLR, Sylvestre Mudamumura, doit aussi être une priorité, selon Enough Project qui insiste pour le gouvernement coopère avec la Cour pénale internationale (CPI). Concernant la réinstallation des combattants FDLR dans un pays tiers, les négociations avec les pays pouvant les accueillir sur leur territoire devraient être finalisées. Un nouveau programme pour les réfugiés devrait être également élaboré, avec la création de camps par les Nations Unies, bénéficiant d’un niveau de sécurité plus élevé et empêchant le recrutement. Pour terminer, le rapport souhaiterait la mise en place d’un plan concret de garantie de sécurité et de non poursuite des miliciens FDLR qui ne sont pas inculpés de crimes graves.
A la Monusco de jouer
Les recommandations d’Enough Project pointent les carences de l’approche politique du dossier FDLR. Le Rwanda, la RDC et les pays de la région n’ont jamais joué « franc-jeu » sur la question. Chacun de ses acteurs avait intérêt à un moment ou à un autre du conflit de s’appuyer sur les rébellion hutue : le Rwanda pour justifier ses interventions répétées au Congo, la RDC pour pouvoir « peser » face au Rwanda et les autres pays pour pouvoir, entre autre, bénéficier des richesses naturelles des Kivus.

Après l’ultimatum du 2 janvier 2015, la balle sera dans le camp des Nations unies et de la Brigade d’intervention de la Monusco. Mais si les casques bleus se décidaient enfin à intervenir de manière musclée sur les rebelles rwandais, la communauté internationale ne devrait pas faire l’économie d’un règlement politique et régional de la question FDLR.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia