Discours de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies lors de Réunion de la Configuration Burundi de la Commission de Consolidation de la paix, tenue le 18 mars 2015
Monsieur le Président et cher collègue,
Je voudrais dès l’entame de mon propos, vous remercier vous personnellement et votre délégation pour avoir convoqué cette importante réunion qui arrive à point nommé.
Permettez-moi également de saluer la présence parmi nous de Monsieur Issaka Souna, Chef Adjoint de la MENUB et surtout le féliciter publiquement pour ses nouvelles fonctions même si j’ai eu l’occasion de le faire à d’autres occasions. Mention spéciale à Monsieur Cassam Uteem, Envoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et Chef de la MENUB pour le rôle primordial qu’il a joué dans le dialogue inclusif qui a précédé la récente signature de la charte de non-violence en période électorale.
Je voudrais également remercier le Bureau d’appui à la Consolidation de la paix pour son assistance qu’il ne cesse d’apporter à la Mission du Burundi et à la présidence de la Configuration.
Mes remerciements vont enfin à tous les membres de la configuration pour leurs appuis multiformes au processus de consolidation de la paix au Burundi depuis que mon pays est sur l’agenda de la commission il y a de cela 9 ans.
Je ne saurai ne pas saluer tout naturellement mon frère et ami l’Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, Président de la CENI et le remercier pour son briefing fort intéressant sur la situation actuelle du processus électoral et les prochaines étapes à franchir.
Je souhaite enfin souhaiter la bienvenue à mon nouveau collègue l’Ambassadeur Olof Skoog de Suède et nouveau président de la Commission de Consolidation de la paix et surtout le féliciter pour ses nouvelles fonctions.
Monsieur le Président, comme vous le savez, la situation politique du pays est dominée en ce moment par l’organisation des élections générales de 2015. Le processus est déjà en marche et il est très avancé. Le stade de l’enregistrement des électeurs a été organisé généralement en douceur sauf quelques problèmes logistiques et administratifs dans la distribution des cartes d’identité nationale, mais qui ont déjà trouvé des solutions consensuelles. Cette reprise du dialogue entre les partenaires électoraux a stimulé soudain de l’espoir en vue de réussir les meilleures élections au Burundi et nous y croyons. Je n’y reviendrais pas aux moindres détails, le Président de la CENI en a parlé longuement et éloquemment. Qu’il me soit tout simplement permis de remercier nos partenaires qui ont déjà apporté leur soutien financier et matériel à ce processus important. Ils se reconnaitront, je ne vais pas les citer ici aux risques d’en oublier quelques-uns. J’inviter tout naturellement ceux qui ne l’ont pas encore fait de se manifester dès demain car le gap financier existe toujours.
En ce qui concerne la question de d’impact politique de certains procès en cours, il sied de souligner que l’argument selon lequel les actions en cours contre certains leaders politiques devant la justice constitueraient un obstacle quant à leur participation à la course électorale ne tient pas. Le Code électoral burundais a prévu des dispositions sur les causes d’éligibilité et de non éligibilité aux élections. Tout prévenu reste éligible aussi longtemps que la condamnation n’est pas prononcée. Les éventuels candidats aux différents scrutins n’auront pas donc à s’inquiéter d’autant plus que les condamnations ne sont pas encore prononcées par les cours et tribunaux compétents. Ils sont donc libres d’y participer s’ils souhaitent. Les dossiers en cours devant la justice ne peuvent pas servir de prétexte pour se dérober de ce devoir civique. Nous appelons plutôt tous les citoyens burundais y compris les leaders politiques qui se sont exilés à revenir au pays afin d’organiser leur parti politique et se préparer au processus électoral car le temps presse.
Sur la liberté d’expression, nous sommes très heureux de vous informer que le projet de loi sur les amendements à la loi régissant la presse au Burundi vient d’être adopté à l’unanimité par le Parlement. Le gouvernement est très satisfait et confiant que le climat entre la presse et le gouvernement va s’améliorer avec le passage de ce projet de loi discuté longuement.
Comme vous le savez, plusieurs dispositions ont fait l’objet de critique et la Cour constitutionnelle a jugé certains d’entre elles d’inconstitutionnelles. Ces dernières ont été modifiées par les élus du peuple. La bonne nouvelle dans tout ceci est que la protection des sources est reconnue et garantie dans cette nouvelle Loi. En d’autres termes, le journaliste n’est pas tenu de révéler la source de l’information. Cette remise en cause d’une Loi déjà promulgué par le Chef de l’Etat vient témoigner le degré élevé de l’indépendance de la Cour Constitutionnelle qui était saisie de la question.
Pour ce qui est de l’interprétation de la Constitution, le débat en cours sur l’interprétation de la Constitution aux articles 96 et 302 sur les mandats présidentiels s’amplifie au jour le jour. Ici, chaque côté politique interprète ces 2 articles de sa manière, tire la ficelle vers lui et cela crée un intense débat à deux mois seulement des élections générales. Face à ce débat contradictoire, seul un organisme compétent pour interpréter la constitution peut trancher et départager les deux tendances qui s’affrontent en ce moment précis. Au lieu de prendre le chemin de la rue ou de recourir à la violence pour des réclamations d’ordre politique ou social, toutes les parties devraient plutôt respecter les décisions des organes compétents et chacun doit respecter la compétence de l’autre. Bref, au Burundi nous sommes confrontés à la question de l’interprétation de la Constitution et non de sa révision et cela est de la compétence exclusive de la Cour constitutionnelle. Ceci est valable dans tous les pays, y compris ceux que vous représentez à New York Excellence Mesdames, Messieurs.
Tout naturellement, dans un état de droit, le rôle de l’interprétation de la Constitution n’appartient ni aux partis politiques, ni à la société civile, ni aux médias, ni aux religieux, ni à nos partenaires, mais plutôt à la Cour constitutionnelle qui est la seule chaîne judiciaire compétente pour assurer le respect la constitution.
Je tiens aussi à rappeler ce que tout le monde connait, aucun texte, politique ou juridique ne peut supplanter la Loi fondamentale adoptée par référendum. Celle-ci comme vous le savez joue le rôle que joue la colonne vertébrale chez l’humain. Elle doit primer sur toute autre texte juridique ou accord politique.
Nous estimons que dans cette période de fièvre électorale et c’est aussi notre souhait, les burundais doivent renforcer la culture du respect des institutions démocratiquement établies. Le chemin de la rue pour trouver des solutions est à décourager et essayer plutôt de promouvoir le dialogue permanent entre burundais.
S’agissant des risques éventuels de soulèvements, nous rassurons qu’il est du devoir du Gouvernement de mesurer l’ampleur des risques pour chaque situation et de les gérer de manière responsable et souveraine.
S’agissant du soutien politique et diplomatique au processus électoral, au-delà du soutien financier et matériel qui reste nécessaire, nous demandons à nos partenaires un soutien politique et diplomatique du processus électoral.
Comme je l’ai évoqué plus haut, nous vous demandons par exemple de maintenir l’appel visant à décourager l’utilisation de la violence comme moyen d’atteindre les objectifs politiques et à encourager plutôt les burundais à résoudre leurs différends pacifiquement par des moyens légaux existants.
Nous demandons également à nos partenaires de conseiller certains partis politiques de l’opposition d’éviter le boycott des prochaines élections comme ce fut le cas en 2010. Comme vous le savez, la politique de la chaise vide ne profite à personne. Certains d’entre eux regrettent leur comportement 2010. Ils doivent faire partie du jeu démocratique parce que nous voulons un parlement multicolore et un débat contradictoire et animé pour le bien de notre jeune démocratie.
Sur l’importance de la dimension régionale, comme vous le savez Monsieur le Président, l’importance de la dimension régionale en matière de consolidation de la paix n’est plus à démontrer, et tous les membres ici y attachent un très grand intérêt. A cet égard, j’invite nos partenaires hors continent de considérer sérieusement les positions de l’Union Africaine et d’autres organisations régionale et sous régionales dans leurs approches sur le processus électoral en cours au Burundi. A titre d’exemple, la décision du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), adoptée en sa 490ème réunion tenue le 5 mars 2015 sur les développements au Burundi précise à son article 4, je cite: “le Conseil, se félicite des mesures déjà prises pour la bonne conduite du processus électoral, et en appelle au Gouvernement du Burundi et à tous les autres acteurs, y compris les partis politiques et la société civile, à œuvrer ensemble, dans le respect de la légalité, y compris la Constitution du Burundi, pour la tenue réussie d’élections pacifiques, inclusives, libres, crédibles et transparentes, et dont les résultats seront acceptés par tous, afin de renforcer la démocratie et la réconciliation nationale dans leur pays.”
De même, le Comité Interministériel Régional de la CIRGL réuni à Luanda en Angola en sa 10ème réunion ordinaire le 11 mars 2015 a adopté quelques décisions sur la situation politique au Burundi allant dans le même sens que celles de l’Union Africaine.
Le Comité Interministériel Régional de la CIRGL se félicite également des mesures déjà prises pour la bonne conduite du processus électoral et lance un appel au Gouvernement du Burundi et à tous les autres acteurs, y compris les partis politiques et les organisations de la société civile, à œuvrer ensemble dans le respect de la légalité, y compris la Constitution du Burundi pour la tenue réussie des élections transparentes, crédibles, apaisées , libres et inclusives afin de renforcer la démocratie et la bonne gouvernance dans leur pays.
Aussi, le Président l’Assemblée Législative Est Africaine (EALA), le Très Honorable Daniel Fred Kidega lors de sa récente visite au Burundi, a exprimé sa solidarité avec les citoyens Burundais qui se préparent pour les élections. Il a rappelé à toutes les parties prenantes au processus électoral au Burundi que c’est vital de rester calme, et serein à l’approche des élections, conformément aux principes démocratiques et surtout en respectant la constitution du Burundi. A travers à ces quelques exemples, vous aurez constaté que tous les acteurs régionaux insistent sur la suprématie de la constitution du Burundi, loi fondamentale adoptée par référendum sur toute autre considération politique ou juridique.
En ce qui concerne le développement socioéconomique durable du Burundi, je dirais que le Burundi se déplace tranquillement de la phase post-conflit à la phase de développement à long terme. Nous aimerions voir nos partenaires concentrer leurs soutiens dans les secteurs stratégiques de développement durable et accélérateurs de la croissance économique. A cet effet, nous attendons avec impatience la prochaine conférence sur le financement du développement prévue du 13 au 16 juillet à Addis-Abeba en Ethiopie.
Comme vous le savez et comme tout pays post-conflit, le Burundi doit trouver une alternative aux nombreux jeunes chômeurs et d’autres personnes vulnérables tels que les femmes et les filles. Pour y parvenir, nous avons besoin du soutien de nos partenaires dans les domaines prioritaires de développement définis dans CSLP II.
Monsieur le Président, vous comptez faire une autre visite de terrain dans 2 semaines au Burundi. Lors de la visite, nous attendons de votre part et comme il de coutume d’ailleurs un message d’apaisement, de réconciliation et de paix, appelant à ne pas recourir à la violence et aux manifestations de rue pour trouver des réponses à des questions qui peuvent avoir des solutions au sein des organes nationaux compétents existants.
Sur partis politiques à rencontrer, comme ce fut le cas lors de la visite du Conseil de sécurité, il est extrêmement important d’être inclusif en invitant tous les partis politiques dans leurs divergences sur les questions de politique intérieure du Burundi. Tous les partis politiques devraient être invités et s’asseoir ensemble pour avoir un débat riche et contradictoire au lieu de les rencontrer séparément. Je rappelle que lors de la visite du Conseil le 13 mars, ses membres ont eu droit à un débat très animé, riches et contradictoires qui a permis au Conseil de mesurer la météo politique qui règne au Burundi grâce à cette approche inclusive. Il en est de même pour ce qui est de la société civile
Avant de conclure mon propos Monsieur le Président, nous voudrions ici réaffirmer l’engagement ferme du Gouvernement Burundais et son peuple à assurer un processus électoral transparents, inclusif, apaisé et surtout conforme aux principes démocratiques et aux lois en vigueur dans notre pays. Concernant les divergentes interprétations de la Constitution, nous rappelons que la République du Burundi est dotée d’instances habilitées à trancher en pareilles circonstances. Dans la hiérarchie des normes et ceci est valable partout, aucune Loi et encore moins un accord politique assorti des réserve non encore levées ne peut supplanter la loi fondamentale du pays qui joue, je le répète le rôle que joue la colonne vertébrale sur l’être humain.
Je vous remercie Monsieur le Président !