Après l’attaque meurtrière qui a frappé l’université de Garissa, jeudi 2 avril, le ministre de l’Intérieur, Joseph Nkaissery, a désigné Mohamed Kuno, un ancien professeur de Garissa, comme commanditaire de la prise d’otage. Pour le Kenya, cet attentat soulève à nouveau la question de la sécurité de son territoire face à la menace terroriste. Parmi les solutions, les autorités envisagent la construction d’un mur sur sa frontière avec la Somalie.
Nairobi a offert une récompense de 20 millions de schillings (environ 200 000 euros) pour l’arrestation de celui qui a été désigné dès jeudi après-midi comme le cerveau de l’attaque de l’université de Garissa. Mohamed Kuno ou Mohamed Mohamud selon certains médias, est aussi désigné par plusieurs surnoms, des noms de guerre donnés au sein du groupe islamiste, dont Dulyadin et Gamadhere, repris largement par la presse kényane depuis vendredi.
Dulyadin signifie « ambidextre » en langue somali. Il est d’ethnie somali mais de nationalité kényane, comme de nombreux habitants de la région de Garissa, proche de la frontière somalienne. Cet homme est en fuite depuis décembre 2014. Il avait déjà été identifié comme commandant shebab lors d’une attaque dans la ville de Mandera l’an dernier, dans la même région.
On sait qu’il a été enseignant dans une madrassa de Garissa, un lycée d’enseignement islamique, jusqu’en 2007 et qu’il avait rejoint les islamistes des tribunaux islamiques, probablement en 2007-2008. Les tribunaux islamiques étant l’organisation politique somalienne dont sont issus les shebabs. Il aurait réussi à fuir en Somalie, selon les autorités kényanes.
Un « mur de sécurité »
Cet attentat est le dernier d’une longue série, commencée en 1998 avec l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis à Nairobi. Afin de lutter contre la menace terroriste que représentent les shebabs, les autorités envisagent notamment la création d’un « mur de sécurité ». Un mur qui se dresserait le long des 700 kilomètres de la poreuse frontière qui sépare le Kenya et la Somalie. L’idée n’est pas nouvelle, mais la semaine dernière, le gouvernement kényan a annoncé que les travaux allaient démarrer sans donner beaucoup de précisions sur l’aspect exact de ce futur mur.
En attendant, beaucoup restent dubitatifs sur l’efficacité d’une telle mesure. C’est le cas notamment de Benoît Hazard, chargé de recherche au CNRS et spécialiste du Kenya : « Je me demande d’où cette idée vient. Cela vient peut-être du fait que le Kenya collabore avec les services de sécurité israéliens. Cela étant, cette solution me paraît d’ores et déjà caduque. Dans la mesure où dans tout l’est, le nord-est du Kenya, on sait qu’il y a des incursions de shebabs, voire de Kényans qui ont rallié les mouvements shebabs comme c’est le cas de ce Mohamed Kuno qui fait l’objet d’un avis de recherche et qui est un habitant de Garissa. »
Pour le chercheur, le cœur du problème se situe avant tout dans le changement de stratégie des terroristes. « Les shebabs somaliens sont faibles sur le territoire somali. Ils ont tenté une logique d’exportation de la guerre sur le territoire kényan, qui passe par l’installation de cellules dormantes sur le territoire kényan. On ne peut plus ignorer qu’il y a une présence de militants affiliés à al-Shebab ou de succursales kényanes liées à al-Shebab sur le territoire kényan, affirme Benoît Hazard. Il y a un changement de tactique à l’échelle globale et c’est peut-être là le nœud de l’affaire kényane. Il faut peut-être que le Kenya considère qu’il n’est plus uniquement dans une guerre avec la Somalie mais dans une guerre des logiques, des stratégies, des tactiques du terrorisme international qui impacte aussi son territoire. »