LOI sur la CNTB : faut-il laisser la population se faire justice ?
par Côme Karabona ⋅ mardi 28 janvier 2014
La loi sur la Commission Terres et Autres Biens (CNTB) fait couler beaucoup de salives au Burundi. Dès lors qu’il y a des divergences sur cette loi jusqu’à ce que certains menacent de recourir à la violence pour la contester, il devient important de mener une réflexion profonde sur les motivations des uns et des autres. Il faut d’emblée souligner que l’activisme des extrémistes tutsi et le parti uprona cache mal leur stratégie de garder ce qui fait encore la santé du parti : l’ethnisme. Le parti manque cruellement de matière et a du mal à s’adapter aux changements du contexte politique tant national qu’international. Le fait de lâcher ceux de ses membres qui ont pillé et tué pendant les années sombres de l’histoire du Burundi, serait s’aliéner un électorat fidèle et dont le seul intérêt est de préserver les biens mal acquis. Il faut pour cela inventer des stratégies pour éviter que le parti disparaisse. Les principales stratégies souvent utilisées par le parti sont entre autres :
créer la panique permanente au sein de la communauté tutsi
jeu multiple pour brouiller l’identité des vrais acteurs
des idiots utiles
le lettrisme pour semer la confusion
Depuis déjà la première République, le parti uprona a toujours cherché à se donner un cachet ethnique. Ainsi donc, après l’écrasement de la famille monarchique, Micombero a cherché à se venger des tutsi de Muramvya. Il se rendit très vite compte que cela risquait de lui priver du soutien des tutsi non seulement de Muramvya mais aussi d’ailleurs. Il fallait donc changer de stratégie en tournant son animosité contre les hutu. Il fallait tout faire pour fédérer tous les tutsi à ce projet. C’est d’ailleurs dans le souci de gagner la confiance des tutsi que les tutsi de Muramvya accusés de complot ont été graciés au moment où les hutu accusés du même crime avaient été massacrés. Depuis cette période, le parti uprona est entré dans cette logique de cristallisation ethnique. Il s’est présenté comme le seul défenseur des tutsi et c’est pour cela que les hutu ont progressivement perdu leur place au sein de ce parti. Cette image de rempart s’est davantage consolidée avec les élections de 1993 quand le parti a perdu face au Frodebu du président Ndadaye.
Ainsi donc il faut toujours créer une peur panique au sein des tutsi pour les maintenir sous son contrôle afin de mieux les instrumentaliser. En même temps il faut en tout état de cause diaboliser tous les tutsi qui adhèrent aux partis dirigés par des hutu. Comme le parti a toujours tiré la meilleure partie des crises qu’il a sciemment provoquées (1965,1972, 1988,1993, etc.), le laboratoire de l’uprona est à l’œuvre pour provoquer le chaos et ainsi se faire une santé politique à la manière de feu NZEYIMANA avec son fameux « ico umwana w’umwami aririye… ». Il faut tout simplement savoir que la question des biens volés en 1972 est l’une des multiples bombes à retardement héritées du système uprona. C’est pour cela que chaque fois il y a des efforts à assainir la situation, l’uprona saute sur le toit pour crier. Actuellement, les extrémistes tutsi font tout pour faire comprendre aux gens que la CNTB oppose les hutu aux tutsi : une aberration.
Pour ce qui est du jeu multiple de l’uprona, il se remarque sur plusieurs niveaux : au niveau des institutions, au niveau de la société civile, etc. Au niveau des institutions, l’uprona joue en même temps partenaire gouvernemental et opposition. C’est comme si le parti jouait au chien de garde et qu’il chercherait à imposer des limites, une sorte de ligne rouge qu’il ne faut pas dépasser. Pour garder les deux faces, le parti entretien des organisations satellites et n’hésite même pas à se scinder en branches. Ainsi tout ce que le parti gouvernemental fait est contesté par l’aile dure dans laquelle tous les extrémistes tutsi se cachent. De cette manière, il y aura toujours une marge de manœuvre pour remettre en cause l’action gouvernementale et le gouvernement ne saura jamais qui est son vrai partenaire. La conséquence de cela est que le gouvernement devra toujours naviguer entre les deux branches. Il est connu pour tous qu’une bonne partie de la société civile burundaise roule pour le parti uprona. Ceci est dû au fait que les anciens de ce parti et leurs descendants se sont reconvertis en société civile. Ainsi donc il est difficile de distinguer les positions du Forsc, du Focode, de l’ABJ, du COSOME, etc. de celles de l’uprona, du parena ou du MSD.
Le parti uprona a toujours fait bon usage des idiots utiles pour se maintenir en bonne santé. Ainsi on constate que son vrai patron n’est pas NDITIJE mais une force localisable ailleurs. Les plus grandes décisions de ce parti ne se prennent pas à Kumugumya mais dans des salons bien connus. C’est pour cela qu’il est difficile de faire une différence entre les propos de NDITIJE de ceux de SIBOMANA Tatien, de Rufyikiri etc. Il est là pour veiller aux intérêts des tutsi et c’est pour cela qu’il doit parler leur langage. L’argument disant que certains rapatriés ont fui le pays en 1972 parce qu’ils avaient tué des tutsi a été conçu dans les salons de Bujumbura et c’est ce même argument que les upronistes utilisent pour contester la CNTB. Elle a été lancée en premier lieu par Maitre Rufyikiri puis repris par Tatien SIBOMANA, puis Charles NDITIJE, etc. jusqu’ à se répéter ailleurs comme une chanson bien apprise. L’autre idiot utile est SINDUHIJE que le parti de Rwagasore utilise pour aboutir à ses visées. Ainsi, ce délinquant est utilisée pour attiser la haine ethnique pour inciter les tutsi au soulèvement et ainsi permettre à l’uprona de poser ses conditions afin de mieux protéger ses intérêts. Pourtant, tout le monde est convaincu que Sinduhije ne peut jamais être mis en avant pour défendre les intérêts des tutsi. Qu’en est-il des déplacés tutsi pris en otage ? Ce sont là d’autres idiots utiles qu’il faut exploiter et instrumentaliser aux prix de leurs propres vies pourvu que le parti se fasse une santé, soit-elle éphémère ou pas. Rwasa agathon est aussi à classer dans ce registre car ses errements se nourrissent de la sève très nourrissante de l’uprona.
Une autre stratégie de l’uprona est le lettrisme, une stratégie consistant à habiller un faux argument par des théories et connaissances plus ou moins scientifiques. La conséquence est que le faux est assimilé à la vérité dans la conscience collective. En fait, l’uprona est en train de récolter les dividendes du génocide intellectuel institué par le pouvoir depuis les années 60 auxquels les intellectuels tutsi ont fortement contribué. Dès qu’il y a un petit problème, toute l’intelligentsia tutsi se met ensemble pour affuter les meilleurs arguments, inventer des théories, faires des publications farfelues, organisent des émissions radio et télédiffusées, etc. afin de convaincre les esprits faibles. Prenons l’argument actuellement utilisé comme quoi la loi sur la CNTB nie le principe de la continuité de l’Etat. A première vue, on a tendance à croire que l’argument basé sur un principe bien connu devient logiquement correcte. Si les défenseurs de ceux qui ont volé les biens des victimes de 1972 affirment que certaines erreurs ont été commises par les gouvernements précédents, en quoi est-il anormal que le gouvernement actuel corrige ces erreurs ? Y a-t-il continuité ou pas ? Pour eux, continuité signifie statu quo.
Pour enfin répondre à la question, il ne faut pas céder au chantage. Les institutions doivent assumer pleinement leur rôle. Laisser la population se faire justice serait une erreur qui profiterait à l’uprona et aux extrémistes de tout bord.
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