Avant l’arrivée du président Museveni pour une médiation à Bujumbura, Frédéric Bamvuginyumvira du FRODEBU était pessimiste. A son départ, Léonce Ngendakumana, Domitien Ndayizeye, Agathon Rwasa et même Mbonimpa de la société civile saluent l’exploit d’un médiateur qui a démontré sa maîtrise des démons qui hantent les politiciens et certains activistes et journalistes burundais! Ils sont d’accord pour un dialogue sans poser de conditions préalables. Du côté du gouvernement, Edouard Nduwimana salue cette avancée vers un dialogue franc. Mais le processus électoral va se poursuivre!
Bujumbura attend maintenant l’arrivée du ministre ougandais de la défense qui vient officier en lieu et place de son président. A quelques jours de la tenue des élections présidentielles et sénatoriales, seul un miracle tant souhaité par l’opposition et la société civile permettrait d’obtenir le report des élections. Et pour dire vrai, ce piège du report est trop grossier pour être brandi. La position de l’EAC a, là-dessus, était cohérente et constante: respect des échéances constitutionnelle! Autrement dit, le dialogue va se poursuivre pour parler de la gestion du pays à la lumière des résultats des élections communales, législatives, présidentielles et sénatoriales avec des ouvertures plus larges à l’endroit de ceux qui n’ont pas voulu participer au processus. Dans la balance, la coalition Amizero y’Abarundi pèse lourd et en cas de rejet de cette porte ouverte par Museveni au nom de l’EAC et de la communauté internationale, cette coalition risque d’y laisser beaucoup de plumes. Bien des regards se tournent vers Rwasa et cet ancien rebelle joue son avenir politique.
Un diplomate africain basé à Bujumbura qui a accepté de partager son appréciation de la médiation de Museveni se confie ainsi à notre correspondant: » Le président Museveni est venu au Burundi avec un plan très subtil dans les négociations. Il est venu par la route. Ce qui lui a permis de voir les réalités sur terrain, l’accueil de la population, l’état de la sécurité ou du dispositif de sécurité déployé à travers le pays. Il pouvait faire une lecture aisée des déclarations ou reportages faisant état de la guerre et de l’exode massif des Burundais. Il est arrivé à Bujumbura avec 7 heures de retard sur le programme. Cette longue attente éprouve les nerfs. Mais le fait que tous les protagonistes soient restés sur place, c’est un grand message. Ils n’avaient pas besoin de lui dire qu’ils étaient fatigués de l’impasse. La crise est bien mûre pour une solution négociée! Et Museveni n’a fait que souligner le fond du problème des Burundais: le carcan ethnique, le passé qui prend en otage toute évolution durable et la lutte pour le partage des honneurs et des privilèges! Le président Museveni a rencontré séparément les différents groupes avec des messages clairs et des échanges francs. Il ne lui restait qu’à leur dire de s’asseoir et de se parler sans faux fuyants et en laissant de côté le prétexte du mandat. Seul un chef d’Etat pouvait tenir un tel discours. L’espoir est là ».
Alors que le président Museveni menait des échanges en vue de la reprise du dialogue, la justice du côté de Cibitoke organisait les comparutions des personnes arrêtées à Kabarole, Kayanza et Bukinanyana pour participation aux bandes armées. Certains assaillants sont d’ailleurs hébergés dans un lycée. D’après l’Agence Burundaise de Presse (ABP), 196 personnes ont été capturées. Dans la journée du mercredi 15 juillet, 48 personnes qui se cachaient dans la brousse se sont rendues aux militaires. On y a remarqué un ancien agent de transmission du général Gaciyubwenge, un lieutenant de la FDN et un médecin. Ces redditions volontaires font suite aux messages rassurants qui sont diffusés par les autorités à tous les niveaux et surtout au traitement de prisonniers qui a été réservé aux combattants capturés lors des premières heures des affrontements. Mais où est passé APRODH? HRW?
Nous avons contacté un officier de la FDN à Cibitoke pour lui demander si d’autres combattants seraient encore cachés dans la Kibira et s’ils s’attendent à l’arrivée massive de ce genre de personnes démunies et traumatisées. Il nous a confié qu’il n’en reste plus selon les déclarations des derniers arrivants. Et que dire alors des combattants qui seraient avec Léonard Ngendakumana ou Alexis Sinduhije? Il a répondu que la FDN sait faire la guerre et que le peuple burundais ferait mieux de vaquer tranquillement à ses occupations. « La guerre n’est plus nécessaire au Burundi. Il faut retrousser les manches et saisir plutôt l’ouverture de l’intégration dans l’EAC pour réussir sa vie au lieu de suivre les sirènes de ceux qui roulent contre l’intérêt national! »
La réussite de Museveni douche sans doute les plans de ceux qui veulent que la crise perdure. Mais Museveni a compris surtout la souffrance du peuple. Il a reçu les statistiques des Burundais qui se sont réfugiés dans son pays et n’ignore rien de leur impatience de rentrer. Il a échangé avec son homologue rwandais sur le désespoir qui gagnait les Burundais qui se sont réfugiés au Rwanda. Avec la cherté de la vie, bien des familles n’en pouvaient plus et sont déjà rentrées. D’autres se ruinent et s’appauvrissent à vu d’oeil, des conflits de loyers impayés, la prostitution et les petits vols. Kagame ne veut plus de ce désordre burundais sur son territoire. C’est ainsi que les réfugiés dans les camps sont de plus en plus autorisés à retourner chez eux. En mairie de Bujumbura, toutes les écoles publiques qui étaient fermées ont repris les activités. Seules quelques écoles privées hésitent. Mais la date de clôture de l’année scolaire est déjà connue: le 20 août! Il se raconte que les jeunes qui détenaient les armes à Jabe, Ngagara, Cibitoke, Mutakura, Musaga et Nyakabiga ont failli s’évanouir en découvrant des copains parmi les assaillants exhibés à Cibitoke. Ils ont compris que leur lutte était sans issue. Reste à savoir s’ils vont commettre des actes de banditisme avec ou les remettre volontairement à la commission ad hoc! De nouvelles fouilles perquisitions?
Telles sont les réalités sur terrain. Un dialogue qui suscite de l’optimisme. Et à des milliers de kilomètres de Bujumbura, Alexis Sinduhije sur France 24 annonce la création d’un conseil pour la défense des acquis du putsch avorté le13 mai dernier! Est-ce sa meilleure façon de défendre Arusha et l’Etat de droit? Gervais Rufyikiri et Pie Ntavyohanyuma se signalent derrière ou aux côtés de Sinduhije et Pacifique Nininahazwe. Un communiqué avec une imitation de la signature du général Godefroid Niyombare tente de manipuler l’opinion sur une adhésion des putschistes au conseil fantoche. Comment adhérer ou soutenir un mouvement de défense des acquis du putsch quand on est le cerveau dudit putsch? Niyombare était-il une marionnette? C’est un non événement et c’est très pathétique pour Gervais Rufyikiri et Pie Ntavyohanyuma. Les Burundais soutiennent le dialogue initié par Museveni mais attendent impatiemment de se rendre aux urnes pour élire leur président comme ils ont fait pour Rwagasore ou Melchior Ndadaye. Que vive la démocratie!
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