Lors du dernier sommet des Chefs d’Etat de la Communauté Est-Africaine (connue sous le sigle anglais EAC) tenu ce vendredi 1 février 2019 à Arusha, en Tanzanie, le Président ougandais Yoweri K. Museveni a passé la main au Président rwandais Paul Kagame. Ses pairs lui ont donc confié, pour un an, les rennes de la CEA. Il n’y aurait rien à y redire, si on s’en tenait à la simple règle de la présidence tournante, celle-ci étant une pratique découlant de son traité de refondation de 1999. En réalité, pour les peuples d’Afrique de l’Est, de la région des Grands Lacs ou d’Afrique tout court, cette désignation ne pouvait tomber plus mal, tant l’homme incarne le mal qui ronge l’Afrique. Et pour le Burundi, pour son peuple et pour ses dirigeants, il s’agit, ni plus ni moins, de tourner le couteau dans la plaie.
Un agent de l’impérialisme occidental en Afrique
Si le discours anti-français tenu par son parti, le front patriotique rwandais (FPR) pendant plus de vingt-huit ans a dupé plus d’un progressiste en Afrique francophone et même ailleurs dans le monde, Paul Kagame s’est avéré être un agent de l’impérialisme occidental de la pire espèce. Après avoir mené, directement ou sous couvert de pseudo-rebellions, plusieurs guerres néocoloniales pour le compte de l’Occident en République Démocratique du Congo, sa dernière tentative de subvertir le processus électoral de ce pays, en usant de sa position de président de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union Africaine, l’a totalement démasqué. Il n’en était pas à son premier coup d’essai. On se souviendra de son zèle, lors de l’agression impérialiste qui a détruit la Libye. Il fut ainsi le seul chef d’Etat africain qui soutint ouvertement l’invasion de la Libye par la coalition impérialiste americano-franco-britannique.
Pourtant, le défunt guide libyen avait soutenu sa rébellion contre le président rwandais Juvénal Habyarimana, lui fournissant argent et armes, qui transitaient par le Burkina Faso de Blaise Compaoré, un autre agent de l’impérialisme français et l’Ouganda. Pourtant, bien que n’étant alors officiellement que « vice-président », Tripoli est la première capitale africaine qu’il a visitée après la prise du pouvoir, en 1994. Lors de l’attaque du palais présidentiel ivoirien, il récidiva. Après la capture du président ivoirien Laurent Gbagbo par les troupes françaises, Alassane Ouattara et Guillaume Soro devinrent ses grands amis, multipliant visites et échanges de bons mots à Kigali.
Les services de Kigali ont été tellement bien appréciés par l’Occident qu’il est devenu le chouchou de l’impérialisme, qui lui a passé tout : assassinat de plusieurs chefs d’Etat africains, son prédécesseur, Juvénal Habyarimana, ses voisins du Burundi feu Melchior Ndadaye et feu Cyprien Ntaryamira, feu Laurent Desire Kabila de RDC ; menace d’assassinat de l’ancien président tanzanien Jakaya Morisho Kikwete ; génocide contre les Hutus en RDC et guerres qui y ont fait plus de six millions de morts et des centaines de milliers de déplacés ; pillage et infiltration des institutions politiques et militaires de ce pays. Paul Kagame a envoyé des hordes de tueurs un peu partout en Afrique pour assassiner ses opposants : au Kenya, où il a fait assassiner l’homme d’affaires Augustin Bugirimfura, l’ancien député Col. Théoneste Lizinde et l’ancien ministre de l’intérieur du premier gouvernement FPR Seth Sindashonga ; au Cameroun, ou il a fait assassiner l’ancien directeur de la Banque Continentale Africaine au Rwanda, Pasteur Musabe ; en Afrique du Sud, où il a fait étrangler son ancien chef des services de renseignements Col. Patrick Karegeya et a tenté de faire assassiner son ancien chef d’Etat-major, Gén. Faustin Kayumba Nyamwasa ; en Ouganda, ou ses agents ont collusion avec l’ancien chef de la police ougandaise Gen. Kale Kayihura, pour commettre des assassinats contre des officiels ougandais, dont l’ancien adjoint du Gen. Kayihura, l’Inspecteur Général Adjoint de Police Andrew Felix Kawesi et plus récemment, contre l’actuel ministre d’Etat ougandais en charge de la coopération régionale, Dr. Philemon Mateke ; assassinats et enlèvements de refugies en Ouganda, et j’en passe et des meilleurs.
Si l’arrogance des Français à l’égard de la RDC a été étalé au grand jour, Paul Kagame lui a servi de relais, sans doute renvoyant l’ascenseur, après la nomination de l’ancienne ministre rwandaise des affaires étrangères Louise Mushikiwabo au poste de secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie et l’abandon par la France des poursuites initiées contre ses proches collaborateurs dans l’attentat contre l’avion présidentiel rwandais qui a emporté, parmi d’autres, la vie de tous les membres de l’équipage français de l’avion, le 6 avril 1994.
Un homme aux intentions funestes pour le Burundi
S’il y a un pays en Afrique de l’Est, ou Paul Kagame sévit depuis plusieurs années sans arrêt, c’est bien le Burundi. Non seulement, son nom est cité dans l’assassinat du premier président démocratiquement élu du Burundi, en plus de celui de son successeur Cyprien Ntaryamira, tué en même temps que le président rwandais, mais encore l’homme et ses services sont les tireurs de ficelles du coup d’Etat manque du 13 mai 2015 qui visait à renverser le second président démocratiquement élu, Pierre Nkurunziza. En tandem avec les services belges, il a tout fait, en coulisse, pour que l’Union Africaine envoie des troupes d’occupation au Burundi, sans succès. Depuis, ils recrutent, entrainent et acheminent des soi-disant rebelles pour déstabiliser le Burundi.
Au vu de tous ces crimes et actes hostiles, non seulement, le sommet d’Arusha a fait fi de la demande insistante et légitime du Burundi d’examiner la question de l’agression dont il est victime de la part d’un autre Etat membre de la CEA, pire, il a décidé de confier la présidence de la Communauté à Paul Kagame, ajoutant ainsi à la blessure, l’insulte. Cette décision démontre à suffisance l’insensibilité des dirigeants de la CAE ainsi que leur manque de lucidité, surtout qu’au même moment, la présidence de l’Assemblée Législative de la CAE a été confiée, dans des circonstances tout aussi malheureuses, à l’ancien procureur général du Rwanda, Martin Ngoga et que le secrétariat exécutif adjoint de la CAE est aussi occupé par le vice-président du FPR, Christophe Bazivamo, un homme de paille de Paul Kagame, de même que la présidence de la Chambre d’Appel de la Cour de Justice de la CAE, occupée par un autre Rwandais, Emmanuel Ugirashebuja. Ce faisant, les dirigeants des Etats de la CAE permettent à Paul Kagame de noyauter la direction de la Communauté, avec les effets funestes qu’on peut imaginer, après ses dernières turpitudes au sujet de l’élection présidentielle congolaise, surtout que le Burundi sera en mode électoral l’an prochain.
Heureusement, l’Afrique et le Burundi savent désormais à quoi s’en tenir. La passation pacifique du pouvoir à Kinshasa a inauguré une ère nouvelle, initiée, il est vrai, par le Burundi, qui a coup sur coup, quitté la cour néocoloniale de la Haye, la Cour Pénale Internationale, organisé sans interférence occidentale un referendum constitutionnel totalement financé sur fonds propres et que le président Nkurunziza a volontairement renoncé à briguer un autre mandat, même si la Constitution l’y autorise. Les peuples d’Afrique regardent et savent qui les trahit. L’heure du jugement approche. Les dirigeants des Etats membres de la CEA devraient le savoir et respecter leurs peuples, pendant qu’il est encore temps. Et si le traitement inacceptable réservé au Burundi n’était qu’un symptôme du néocolonialisme anglo-saxon ambiant ? N’est-il pas temps de le déraciner en faisant appel aux peuples d’Afrique de l’Est ? Une chose est certaine. Le Burundi est bien plus fort que certains ne le croient. En persistant, ils ne tarderont pas à s’en rendre compte. Le peuple burundais ne peut accepter indéfiniment qu’on le blesse et qu’ensuite on s’emploie à l’insulter.
Miheto Tabaro