Un groupe d’experts des Nations-Unies sur les personnes d’origine africaine a recommandé aux autorités belges de présenter les excuses de la Belgique pour son passé colonial et les atrocités commises durant cette période « sombre » de son histoire. Le groupe d’experts a passé une semaine en Belgique et a rencontré des représentants des autorités publiques, d’ONG et de la société civile. Le débat est lancé sur le plateau de « C’est pas tous les jours dimanche ».
Sur le plateau de C’est pas tous les jours dimanche, experts, professeurs et politiques ont débattu sur la nécessité ou non de présenter des excuses sur la période coloniale de la Belgique. Pour Pierre Kompany, bourgmestre de Ganshoren (cdH), ces excuses officielles sont essentielles et attendues par « toute une population ». Elles permettraient notamment de renforcer les liens entre les deux Etats. « Les Belges m’ont adopté, je les ai adoptés. Les excuses ne coûtent rien. Ça va réchauffer les relations entre la Belgique et le Congo. La Belgique a besoin du Congo pour son économie tout comme le Congo peut avoir besoin de la Belgique », indique-t-il.
Leopold II clamait « mes droits sur le Congo sont sans partage »
De son côté, Richard Miller, député fédéral (MR) se montre plus nuancé quant à de potentielles excuses officielles. Convaincu que cette demande ne doit pas être faite de manière désinvolte, il appelle au débat parlementaire. « Il ne faut pas fermer la porte à une telle demande mais cela doit se faire de façon réfléchie. Il va y avoir des élections, une nouvelle Chambre va entrer en fonction. Il faut susciter le débat parlementaire le plus complet possible (…) A titre personnel, je suis favorable mais cela concerne l’ensemble de la population belge », affirme-t-il.
Pour rappel, l’histoire de la colonie remonte à l’Etat indépendant du Congo, créé en 1885, comme propriété personnelle de Léopold II. Celui-ci a fortement été critiqué pour sa gestion de la colonie, marquée par une extrême violence. Léopold II avait créé cet Etat et clamait « mes droits sur le Congo sont sans partage ». Les abus commis au Congo sur la population au nom du roi Léopold II ont été dénoncés et sont aujourd’hui connus. Le Royaume a ensuite repris l’administration du pays, en 1908.
« Le Roi des Belges était responsable mais ce n’était pas la Belgique en tant qu’Etat »
Des experts insistent donc sur l’importance de distinguer ces deux temps de colonisation. « La colonisation a été un processus d’appropriation par la force d’un territoire et de ses habitants, fondée par définition sur la contrainte et par des hiérarchies raciales. Je pense que c’est important de ne pas opposer les premiers temps de la colonisation qui auraient été marqués par ces épisodes de brutalité et violences de masse, et puis dans un 2e temps, la colonisation aurait été paisible et tranquille. Léopold II a mis en place un système d’exploitation fondé sur le travail forcé, sur l’extraction de ressources contraintes, qui a entraîné des violences extrêmes et massives qui ont impacté très durement les Congolais », éclaire Amandine Lauro, professeure d’histoire de l’Afrique, du genre et de la colonisation à l’ULB.
Pour Christophe Giltay, il est également primordial de prendre en considération ces deux pans de l’Histoire pour déterminer si la Belgique doit présenter des excuses officielles au Congo. « Jusqu’en 1908, ce n’est pas la Belgique qui gère le Congo. C’est le Roi Léopold II avec une administration qui lui est propre. Dès 1904, il y a une Commission d’enquête belge envoyée au Congo car il y a tellement de dénonciations notamment dans la presse anglaise et notamment toute une campagne menée par Conan Doyle, l’auteur de Sherlock Holmes. La Belgique reconnaît que les gens qui se comportent là-bas, au nom de Léopold II, se comportent très mal. Le fameux état indépendant du Congo de Léopold II est une espèce de marché ouvert pour tous les aventuriers et entreprises. A partir de 1908, ça devient une colonie belge et là ça change tout. Ce qu’on demande aujourd’hui à la Belgique est de s’excuser pour des faits dont elle n’est pas responsable. Le Roi des Belges était responsable mais ce n’était pas la Belgique en tant qu’Etat », éclaire-t-il.
« Pour vous, 20 millions de morts, c’est peu?! »
Sur le plateau, Aymeric De la Motte, représentant de l’association des Mémoires du Congo, insiste sur le fait que la colonisation de l’Etat belge « inspire des contre-vérités » dont il faut savoir se détacher pour étudier et analyser. « L’Histoire est complexe. Il faut être nuancé dans l’explication de cette période coloniale. Avant l’arrivée de Léopold II, les Congolais subissaient une forme d’esclavage par les Arabes. Léopold II les a libérés d’une certaine manière et a pacifié le Congo où il y avait beaucoup de guerres inter-ethniques », relève-t-il. Il dénonce notamment le manque de données.
Des propos qui irritent particulièrement Pierre Kompany, bourgmestre de Ganshoren (cdH). « Pour vous, 20 millions de morts, c’est peu ?! », demande-t-il au représentant de l’association des Mémoires du Congo. « C’est très grave, c’est atroce. Mais on n’avait pas de données fiables; ni de ressources fiables à l’époque », rétorque-t-il. « Vous, jeune, vous maintenez des trucs pareils ?! Allez, stop, écoutons l’expert, ce sera mieux! » s’exclame le bourgmestre.
Sur le plateau, la tension était plus que palpable. Les avis divergent très nettement sur les recommandations du groupe d’experts des Nations Unies. Un rapport final est attendu au mois de septembre mais les experts ont d’ores et déjà posé un grand nombre de constats, notamment sur le passé colonial du pays qui semble trop largement ignoré.
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