Trois mois après le scrutin, le nouveau gouvernement congolais n’est toujours pas sur les rails. En cause, notamment, les désaccords entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila sur le nom du Premier ministre.
En effet, Joseph Kabila n’en démord pas, il veut un Katangais à la tête du gouvernement et plus particulièrement Albert Yuma, la patron des patrons congolais. Félix Tshisekedi, lui, verrait plutôt Henry Yav, autre katangais kabiliste, voire Jean Mbuyu; un temps présenté comme le candidat qui mettat tout le monde d’accord.
Mais dans ce vrai combat de coqs, Joseph Kabila n’entend pas baisser la garde. Il est revenu ce milieu de semaine à la charge avec la candidature d’Albert Yuma.
Si le FCC, la plateforme politique de Kabila, dispose d’une confortable majorité à l’Assemblée nationale et si le président doit « piocher » son Premier ministre dans la famille politique majoritaire dans cette assemblée, il n’en reste pas moins que le choix définitif du Premier ministre revient au Président de la République. Pour être investi, le Premier ministre doit être avalisé par le président.
Or, pour l’instant, Félix Tshisekedi ne veut pas d’Albert Yuma et il n’entend pas céder sur ce point avant de se rendre, du 3 au 5 avril prochains aux Etats-Unis. En effet, après un aller-retour samedi sur le Maroc, après une escale au Sénégal, Félix Tshisekedi doit se rendre aux Etats-Unis en milieu de semaine prochaine.
Si Félix Tshisekedi ne devrait pas croiser Donald Trump, sauf peut-être entre deux portes comme l’avait fait l’éphémère Premier ministre Samy Badibanga, il devrait rencontrer quelques élus et des responsables du département d’Etat et du Trésor qui ont clairement fait savoir qu’il n’était pas question pour eux qu’Albert Yuma s’installe à la tête du gouvernement congolais.
Motif invoqué pour ce refus, la gestion de la Gécamines et, surtout, la trop grande proximité d’Albert Yuma avec « un homme d’affaires d’origine israélienne ». En fait, cinq noms figurent sur la black list américaine : Albert Yuma, Zoe et Jaynet Kabila, Moïse Ekanga et Emmanuel Adroupiako. Pour les Etats-Unis, voir un de ces cinq noms adouber par Tshisekedi à la tête de l’exécutif serait la démonstration que le patron de l’UDPS n’est qu’une vitrine de la Kabilie.
Joseph Kabila est tenté d’imposer son candidat coûte que coûte pour montrer que c’est bien lui qui tient les rênes et qu’il n’entend pas se laisser dicter la voie à suivre par Washington, surtout après les sanctions américaines qui ont été confirmées contre le président (Nangaa) et le vice-président (Basengezi) de la Ceni et un de leur conseiller (le fils Basengezi).
Félix Tshisekedi, lui, ne peut baisser pavillon sous peine de se faire remonter les bretelles par l’administration Trump qui ne cesse de lui affirmer son soutien et l’appelle à prendre ses distances par rapport à Kabila. Sans oublier que Félix Tshisekedi doit aussi, et c’est peut-être la halte la plus importante de ce voyage, passer par les bureaux de Christine Lagarde, la patronne du Fonds monétare internationale.
Un FMI qui n’est pas vraiment un grand fan de la gestion des finances publiques en RDC et ce depuis le passage à la tête de l’exécutif de Matata Ponyo. Bref, s’il veut engranger des points et s’il espère obtenir des lignes de crédit, Tshisekedi doit garder le cap.
Le nom du futur Premier ministre sera donc déterminant pour l’avenir de l’attelage Kabila-Tshisekedi.
Hubert Leclercq – La Libre