Fonctionnaire de l’Etat et infatigable chercheur, le Dr Pascal Mukene conservait tous les écrits qui tombaient sous sa main dans l’optique de constituer un centre de recherche où les jeunes apprendraient ce qu’a été l’histoire et la culture de leur pays. Malheureusement, la mort ne lui a pas permis d’aller au bout de son idée. Germaine Manirariha, sa tendre épouse s’évertue avec abnégation à concrétiser le projet qui tenait à cœur son mari
La bibliothèque Dr Pascal Mukene lancée en avril 2017 possède déjà trois mille ouvrages répartis en dix classes selon la classification décimale universelle. Les nombreux livres rangés sur ses rayons concernent les sciences, la religion, la littérature et philosophie entre autres. C’est la classe 300 contenant les ouvrages relatifs à l’éducation, l’économie, le droit etc., qui est mieux nantie avec plus ou moins 600 ouvrages. Elle est consacrée aux productions du Dr Mukene.
Cette bibliothèque a ouvert ses portes grâce aux seuls efforts de la veuve Germaine Manirariha et ses enfants. « Feu mon mari gardait une copie de tous ses travaux. Que ce soit dans le cadre de ses activités de fonctionnaire de l’Etat ou dans celui de consultance à titre privé ou non, il gardait tout. Il y en avait partout à dans la maison. Un jour je lui ai demandé ce que je ferai de tous ces documents s’il venait à mourir avant moi. Il m’a répondu qu’il fallait les mettre là où quelqu’un qui le désire pourra les consulter. Quand il est décédé, on s’est réuni avec les enfants et on a décidé de mettre sur pied cette bibliothèque en sa mémoire. Notre bâtiment de Carama, qui était au départ un appartement en étages, n’était pas encore terminé. On avait donné en bail à une église le rez-de-chaussée. On l’a transformé et finalisé et on a décidé d’y installer cette bibliothèque comme il l’avait tant souhaité de son vivant. C’est comme ça que la bibliothèque Dr Pascal Mukene est née », a indiqué Mme Manirariha. Elle représente l’aspiration du Dr Pascal Mukene à transmettre la culture aux générations futures. Ce pays a connu une histoire tellement mouvementée qu’il ne serait pas judicieux de garder tout ce qu’on sait pour soi. Il est important que les décideurs de demain ne puissent pas commettre les mêmes erreurs que ceux d’hier. Il faut que la valeur que renferme la culture burundaise soit pérennisée et transmise. C’est cette vision qui guidait Dr Mukene.
Petit à petit l’oiseau fait son nid
Les fréquentations étaient nombreuses à l’ouverture de la bibliothèque en avril 2017, a indiqué Théogène Hategekimana, bibliothécaire bénévole qui aide Mme Manirariha. Mais lorsque l’abonnement est devenu payant, l’affluence a diminué. Actuellement on compte 56 abonnés. Le fait qu’on ne prête pas encore les livres y est aussi pour quelque chose. L’abonnement coûte dix mille FBu par an pour les enfants et douze mille FBu pour les adultes. Pendant les vacances, la fréquentation augmente fortement, a fait savoir M. Hategekimana. Mme Manirariha compte augmenter le nombreux d’ouvrages. Elle espère avoir au moins 15 mille livres d’ici 5 ans. « J’ai fait deux voyages en Europe. A chaque fois, je rentrais avec 46 kg de bouquins » a-t-elle fièrement déclaré.
Le partage en toile de fond
De cette vie perpétuelle de nomade, de Kanyosha à Buhonga en passant par le Rwanda et la Suisse, la famille a gardé le sens du partage et de l’amitié. Dr Mukene a refusé les postes intéressants que ses amis suisses lui proposaient parce qu’il pensait avoir une dette morale envers ces mamans et ces papas qui l’ont soutenu pendant sa scolarité. Lui qui était refugié de 1972 et qui avait vécu de plein fouet les tribulations de son peuple se sentait investi d’un rôle important de dire aux générations futures ‘’plus jamais ça’’. Avec un doctorat en sciences de l’éducation obtenu en Suisse, Dr Mukene n’a pas hésité à travailler bénévolement quand il est rentré au pays, parce qu’il ne voulait pas garder ce qu’il connaissait pour lui. Il était un passionné de l’éducation. En 1995 il a pu être embauché au ministère de l’Education Nationale. Depuis ce jour, il a gardé une copie de tout ce qu’il produisait. Cela fait des milliers et des milliers de documents que la veuve de cet érudit n’a pas encore acheminé vers la bibliothèque.
Un lendemain qui promet
« On est en train de travailler sur un catalogue qui permettra aux usagers de bien se servir de la bibliothèque sans perdre de temps. On a aussi un logiciel qu’on est en train d’installer qui va nous permettre de bien gérer les abonnés et la bibliothèque », a fait savoir M. Hategekimana, le bibliothécaire bénévole. «Quand tout sera prêt, nous inviterons les amis et les médias pour lancer officiellement la bibliothèque. Mais avant cela, on devra passer à la Mairie pour s’acquitter des démarches administratives. Pour le moment, on peut considérer que nous travaillons encore en coulisses», a souligné Mme Manirariha.
Mme Manirariha, une éternelle optimiste
« Nous nous préparons à ouvrir de nouveaux horizons. Le moment venu, nous approcherons les partenaires comme l’Unicef et l’Unesco. Pourquoi pas la Présidence où feu mon mari a travaillé ?, pour chercher les soutiens nécessaires. Ce que nous faisons est d’intérêt national. Nous comptons travailler avec les écoles pour faire profiter à la population Burundaise les bienfaits de la bibliothèque. Nous profitons de l’occasion pour remercier les gens comme M. Josef Zimmerman et Perrez Meinrad, Mme AdelheidWidrig, les familles Barampama et Ntarataze qui ont cru en nous et qui nous ont soutenu d’une manière ou d’une autre. Dans l’avenir, nous construirons aussi une bibliothèque virtuelle pour permettre à ceux qui ne peuvent pas venir ici de se documenter facilement »
La bibliothèque a déjà coûté 20 millions de FBu à la famille
La bibliothèque Dr Pascal Mukene a déjà coûté à la famille une bagatelle de 20 millions de FBu. Manirariha, la digne épouse du défunt avoue dépenser plus ou moins 500 mille FBu par mois pour la faire fonctionner. Cette somme est prélevée sur le revenu que la famille tire de deux parcelles bâties et d’autres propriétés exploitées léguées par feu Dr Mukene. Mme Manirariha a demandé et obtenu la mise en disponibilité pour se consacrer exclusivement à la bibliothèque. Cela impose le respect. Elle a aussi su transmettre la passion des lettres à ses enfants. Elle se rappelle avec émotion qu’elle devait parfois être très sévère pour empêcher à ses enfants de continuer à lire sous la couverture aux heures avancées de la nuit. Et maintenant un de ses enfants qui étudie encore en Europe rentre parfois sans habits, mais avec deux grosses valises pleines de livres. La bibliothèque Dr Pascal Mukene est le fruit de l’abnégation de toute une famille.
A propos de l’auteur
Parfait Nzeyimana.