Une demande qui peut surprendre venant d’une agence de renseignement. Mais une mesure qui ne choque pas dans le milieu des ONG congolaises de plus en plus nombreuses à évoquer des cas de corruption et de détournements massifs dans les différents ministères « qui fonctionnent en toute autonomie et sans contrôle du parlement depuis le mois de janvier », explique un membre d’une organisation non gouvernementale active dans le lutte contre la corruption.
Légalement, l’inspection générale des finances peut se saisir seule de cette mission. Elle n’a pas besoin d’être mandatée par une quelconque structure. « Mais il est toujours périlleux de se lancer dans ce genre de mission si on n’a pas le soutien d’une instance », poursuit notre interlocuteur. « Se lancer dans ce genre de démarche, c’est se mettre à dos les ministres mais aussi le président de la République », poursuit-il.
Dans son courrier daté du 17 août (voir ci-dessous), le successeur de Kalev Mutond demande notamment de « saisir tous les bons de retrait de fonds émis par les différents ministères depuis l’investiture jusqu’à ce jour. »
Une démarche que l’ANR justifie par « des raisons impérieuses de sécurité d’Etat » et qui fait échos aux innombrables doutes et accusations qui fleurissent à Kinshasa et sur les réseaux sociaux sur les éventuels détournements de fonds commis dans les différents ministères depuis l’arrivée au pouvoir de l’équipe Tshisekedi.
600 Millions de dollars
« Rien que l’opération des 100 jours initiée par la présidence et relayée par différents ministères sans qu’il n’y ait jamais eu le moindre appel d’offres se chiffre, en six mois, à 600 millions de dollars », explique un banquier congolais. « Quand vous savez que les rentrées dans les caisses de l’Etat pour 2019 ne devraient pas excéder les 3,5 milliards de dollars, vous comprenez vite que cette opération menace tout l’équilibre économique du pays. Les caisses de l’Etat sont asphyxiées sans contrôle. Même si la demande vient de l’ANR, on ne peut que se réjouir que des comptes soient demandés à ceux qui gèrent les fonds publics ces derniers mois ».
Si nombre d’observateurs applaudissent cette initiative, tous conviennent aussi que l’ANR, dont le patron est issu des rangs kabilistes, profite de ce courrier et de sa publication pour mettre la pression sur le pouvoir de Tshisekedi alors que l’annonce du prochain gouvernement ne devrait plus tarder.
L’ANR met la pression sur Tshisekedi & Cie, histoire de montrer qui détient réellement le pouvoir.
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