La concomitance des décisions de l’UE et de l’UA sur le Burundi cache mal la dépendance humiliante de l’UA. Consciente que l’injustice de sa pression sur le Burundi risque de ne pas fonctionner à l’instar de ses gesticulations précédentes qui n’ont pas empêché la tenue d’élections démocratiques suivies de la mise en place d’institutions dans le respect strict des Accords d’Arusha, l’UE, sous l’impulsion de Bruxelles a besoin de l’aide de son partenaire habituel, l’UA.
Dans la réalité donc, c’est l’UE qui menace d’intervenir au Burundi si celui-ci ne répond pas favorablement à l’invitation de consultation lui adressée par l’UE sur base des Accords de Cotonou.
Lorsque l’on sait que le budget de l’Union Africaine provient à plus de 70% de l’étranger avec l’Union Européenne en tête, il devient aisé de comprendre que les décisions de l’Union Africaine sont largement dictées par l’Union Européenne qui profite des faiblesses des africains.
Les faiblesses de l’Union Africaine.
Aussi longtemps que l’Union africaine restera trop dépendante de l’influence étrangère, sa classe politique restera méprisée tandis que la solidarité régionale qui partout ailleurs se consolide restera lettre morte. Dans sa conférence de presse du mardi 10 mars 2015 à Douala, le zambien Joseph Chilenge, président du conseil économique, social et culturel (Ecosocc), révèle que 93% des financements de l’Union Africaine proviennent de l’Occident. Il reprend ce que Jean Ping, ancien président de la Commission de l’Union Africaine avait dit en 2012.
A cette faiblesse économique, s’ajoute les luttes interafricaines qui ont établi des structures politiques plus enclines à lutter les unes contre les autres au lieu de s’unir pour combattre un ennemi extérieur commun et qui ont plus de facilité à se liguer avec l’étranger pour l’emporter sur l’adversaire local, qu’à résoudre leurs problèmes sur place. Dans ces conditions, la prévention des conflits relève du ressort des étrangers comme un produit exotique.
C’est justement dans cette perspective que j’hésite à croire que l’Union Africaine puisse avoir un pouvoir d’initiative pour décider d’intervenir dans un pays membre. Cependant pour mériter les bonnes grâces des donateurs, l’UA doit accepter de trahir ses Etats membres comme elle l’a fait pour la Libye, le Soudan, le Burundi, le Zimbabwe, etc. Ces actes de trahison pourraient aussi être interprétés comme des tentatives désespérées de l’UA d’accéder à une appropriation des destinées des Etats africains alors que ceux-ci n’ont visiblement pas besoin d’elle pour exister au niveau international tant ils peuvent eux-mêmes s’occuper de leur coopération bilatérale et même multilatérale.
Il est donc triste de savoir que cette institution, dont les objectifs sont entre autres, défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de ses Etats membres, et accélérer l’intégration politique et socio-économique du continent, est incapable d’accomplir son devoir et vend ses propres pays membres aux étrangers servant ainsi les intérêts néocolonialistes. Comment donc de telles actions pourraient-elles encourager les Etats membres à payer leurs cotisations pour contribuer à l’autofinancement de l’UA comme l’appelle de tous ses vœux la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, actuelle présidente de la Commission ?
Une mauvaise inspiration
Le panafricanisme tel que pensé par Kwamé N’krumah et qui devait se pérenniser par une OUA efficace créée dans l’euphorie en 1963 mais s’est soldée par un échec en 2002. Si l’idéal panafricain est toujours vivace au sein des peuples africains, il ne se manifeste plus que dans la musique et surtout dans le football. Les rythmes congolais de la rumba font vibrer les Africains d’Abidjan à Nairobi en passant par Soweto. De même, les stars du foot bénéficient d’une popularité au sein de la jeunesse qui dépasse les frontières parfois cosmétiques de leur pays.
Mais qui connaît le président de l’Union africaine qui change chaque année et qui a très peu de pouvoirs ? On connaît à peine le président de la Commission de l’UA qu’on voit à la télévision de temps en temps lors des sommets internationaux. Mais que représente-t-il devant les chefs d’Etat, soit directement et démocratiquement élus par leurs peuples, soit installés au pouvoir depuis plusieurs décennies, parfois à la faveur de coups d’Etat militaires? Qui connaît ces hauts fonctionnaires d’Addis Abeba, ces institutions de Midrand ou de Banjul ?
N’est-ce pas une façon peu créative de copier et de coller Bruxelles ou Strasbourg à l’Afrique sans trop de créativité alors que l’UE elle-même est restée dans un piège en croyant que la drachme grecque, la peseta espagnole ou la lire italienne pouvaient faire le poids à côté du mark allemand ? Si l’UE se maintient encore artificiellement, les problèmes soulevés par la monnaie unique, les questions liées à la souveraineté des Etats membres, les tracasseries de l’espace Schengen auxquelles se joignent actuellement celles de l’immigration, la dépendance aveugle des Etats-Unis d’Amérique préfigurent à terme son implosion ou son éclatement inévitable.
Il est peu probable que les peuples européens continueront à subir passivement les conséquences des guerres injustes que les USA font dans le monde pour tenter de préserver leur suprématie.
L’UA n’a d’ailleurs été le rêve de personne. Par contre les Etats-Unis d’Afrique ont fait l’objet de rêves de plusieurs leaders qui y ont d’ailleurs consacré du temps et des moyens. Malheureusement, ce rêve a été combattu et étouffé jusqu’à ce que certains de ces leaders y payent de leur vie comme le Président de la Libye Kaddafi de Libye.
La récupération de ce rêve l’a vidé de sa substance pour le réduire en un simple projet de l’UE qu’elle finance en privilégiant ses intérêts propres. C’est ce que signifiait le Kényan Erastus Mwencha, vice –président de la commission de l’UA quand il disait « Cela pose plusieurs défis. Il n’est pas toujours possible que nos partenaires tiennent compte de nos priorités. Ils ont leurs propres intérêts.»
Et pourtant des solutions alternatives plus efficaces pour l’Afrique existent.
L’UA : une alternative plus efficace
Sans devoir s’attarder sur des organisations moins gigantesques mais plus effectives comme l’EAC, la ZEP, la CEEAC, la CEDEAO, la SADEC il serait possible de penser par exemple à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), cette instance qui a été créée en 1967 et qui regroupe dix pays et 600 millions d’habitants.
L’Asean a privilégié la stabilité de ses membres. Au lieu de se faire la guerre, les pays membres s’empressent de jouer les médiateurs en cas de crise. Au lieu d’une intégration politique souvent compliquée l’Asean privilégie une intégration économique très progressive.
Dans des circonstances pareilles l’agression rwandaise contre le Burundi sous le silence complice de l’organisation serait impensable tandis que l’ingérence belge dans les affaires internes du Burundi ne serait tolérée par aucun membre de l’union.
En attendant l’UA est tenue à faire le minimum pour ses pays membres et de veiller à ce que les bureaucraties d’Addis Abeba, de Midrand et de Banjul n’empiètent pas sur les prérogatives des Chefs d’Etats.
L’Afrique n’est pas plus pauvre que l’Europe. Elle n’est pas non plus moins puissante que celle-ci. Seulement elle doit accepter de passer par toutes les étapes qu’exige la croissance en ayant confiance en elle-même et en travaillant dur. Elle doit cesser de s’accommoder des projets de l’UE comme l’UA qui défend les intérêts de son initiateur qui est aussi son financier et qui est lui-même dominé par les USA qui, à terme vont le détruire. Elle doit cesser de menacer un pays membre comme le Burundi pour servir les intérêts de l’UE soucieuse d’exécuter aveuglement les instructions d’une poignée de nostalgiques et néo-colonialistes belges.
Minani Claver