Discours du 2e VP Dr. Joseph Butore lors de la session à huis-clos du Conseil de Paix et Sécurité de l’U.A sur la situation au Burundi

Excellence Monsieur Teodoro Obiang Nguema, Président de la République de Guinée Equatoriale et Président du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine,

Excellence Monsieur John Joseph Pombe Magufuli, Président de la République Unie de Tanzanie et Président en Exercice de la Communauté Est Africaine,

Excellence Monsieur Yoweri Kaguta Museveni, Président de la République d’Ouganda et Facilitateur au Dialogue Interburundais,

Excellence Monsieur Hailemariam Desalegn, Premier Ministre de la République Fédérale d’Ethiopie,

Excellences, Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine,

Excellence Madame NKOSAZANA Dlamini Zuma, Présidente de la Commission de l’Union Africaine,

Excellences, Mesdames, Messieurs les Chefs des Délégations,

Mesdames, Messieurs,

1. Nous commençons par rendre grâce à Dieu Tout Puissant qui nous a gardés en vie, et qui ne cesse de protéger le Burundi et son peuple, et nous l’implorons d’être constamment à nos côtés dans l’amélioration de la situation sécuritaire déjà satisfaisante au pays.

2. Permettez-nous, avant tout, de vous présenter les salutations fraternelles du peuple burundais, et de Son Excellence Monsieur Pierre NKURUNZIZA, Président de la République du Burundi, qui nous a chargés de le représenter à ces Assises.

3. Nous saluons la volonté de l’Union Africaine, de la Communauté Est Africaine et des Nations Unies, pour leur contribution dans la recherche d’une solution durable à la situation que traverse notre pays depuis quelques mois. Nous exprimons notre vive reconnaissance à l’endroit du facilitateur, Son Excellence Yoweri Kaguta Museveni, Président de l’Ouganda, dont la bonne volonté, la disponibilité et surtout l’engagement pour réussir le dialogue Interburundais sont grandement appréciés.

Permettez-nous de remercier vivement tous les participants à ce huis-clos, et plus particulièrement aux organisateurs qui ont vu et compris l’importance de cette séance.

Monsieur le Président,

4. Depuis le début du mouvement insurrectionnel, fin avril 2015, beaucoup de choses ont été dites sur le Burundi! Au moment où le Gouvernement faisait tout ce qui était en son pouvoir pour trouver une solution favorable et rapide, plusieurs acteurs locaux et internationaux, animés de mauvaise foi, se sont mis à alerter le monde, avec de faux rapports qui n’avaient que l’intention de nuire. Nombreux sont ceux qui sont tombés dans ce piège, y compris certains décideurs de l’Union Africaine et des Nations Unies.

5. Cependant, le Gouvernement du Burundi n’a cessé de montrer son ouverture à collaborer avec tous les partenaires qui veulent apporter leur contribution au renforcement de la paix au Burundi. C’est dans ce cadre que durant la période électorale de 2015, le Gouvernement du Burundi a mis en application toutes les résolutions issues des sommets des Chefs d’Etat des pays membres de la Communauté Est Africaine.

6. C’est également dans ce contexte que le Burundi vient d’accueillir une forte délégation du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui vient de séjourner dans notre pays du 21 au 22 janvier 2016, et qui a eu l’occasion de découvrir la beauté naturelle et la tranquillité qui règnent dans les Provinces de l’intérieur du pays.

La délégation elle-même s’est rendue compte que le Burundi n’est pas du tout au bord d’une guerre civile, moins encore d’un génocide comme nos détracteurs semblent le faire croire.

Certes, il s’est passé au Burundi des événements post électoraux regrettables comme cela s’observe aussi dans certains autres pays africains. En réalité, le pays a connu un mouvement insurrectionnel en pleine période électorale, le coup d’Etat manqué du 13 mai 2015, ainsi que la montée des actes terroristes commis par des insurgés.

Tout cela n’était que le résultat d’un jeu trouble des politiciens affamés du pouvoir, sans assise populaire.

7. Les institutions issues des élections de 2015 ont été mises en place conformément à l’esprit de l’Accord de Paix d’Arusha de 2000, de l’Accord global de cessez- le- feu de 2003, et de la Constitution de la République du Burundi de 2005. Aujourd’hui, les Burundais toutes ethnies confondues, cohabitent pacifiquement et vaquent quotidiennement à leurs activités. La participation des trois composantes de la nation burundaise, à savoir les Tutsi, les Hutu et les Twa, dans la gestion politique et sécuritaire du pays est garantie par la Constitution burundaise à travers le système de quotas ethniques. La question ethnique n’est donc plus d’actualité, et la population burundaise reste sereine et déterminée à lutter contre toute idéologie divisionniste. Le Peuple burundais a juré de ne plus faire marche arrière, pour retomber dans les erreurs du passé qui ont servi les intérêts égoïstes de quelques politiciens, avec une main de l’extérieur à peine voilée, qui ont toujours ramé à contre-courant de l’instauration de la démocratie au Burundi.

Monsieur le Président

8. Permettez-moi de revenir sur les rumeurs de génocide véhiculées par ceux-là mêmes qui ne rêvent que la déstabilisation du Burundi. Nous considérons ce mensonge grossier comme leur fonds de commerce, et nous voudrions les décevoir en tant que Gouvernement du Burundi, en affirmant encore une fois que ce crime innommable n’aura pas lieu sous le mandat de son Excellence le Président Pierre NKURUNZIZA.

Monsieur le Président,

9. Au début de l’insurrection, l’opinion internationale avait tendance à croire que la turbulence sécuritaire provoquée par les insurgés en fin du mois d’avril 2015 était liée à la fameuse question de 3ème mandat. Pourtant, il s’agissait bel et bien d’un plan de renversement du pouvoir, monté par les artisans du boycott électoral de 2010 pour détourner l’attention de la communauté internationale, qui croyait déjà en un Burundi sécuritairement et politiquement stable.

10. C’est ainsi que depuis 2012, certains leaders de l’opposition radicale ont lancé une campagne de désinformation, d’intoxication, de dénigrement et de diabolisation du pouvoir, en vue de le discréditer. Ils ont appelé leurs fidèles à la désobéissance civile, à l’insurrection, au renversement du pouvoir par force, et aux actes terroristes. Leur objectif n’était autre que celui d’instaurer un Gouvernement de Transition, et enterrer définitivement le système démocratique ‘‘un homme, une voix’’.

Il convient par ailleurs de préciser que longtemps avant les discussions sur la question du mandat présidentiel, le Burundi a connu en 2012, 2013 et 2014, des attaques des groupes armés créés par les mêmes aventuriers. L’histoire de mandat n’était donc qu’une invention pure et simple.

Monsieur le Président,

11. Le combat que le Burundi mène aujourd’hui n’est pas propre au peuple burundais. Preuves à l’appui, nous sommes convaincus qu’il nous est imposé de l’extérieur. En effet, certains pays ont eu du mal à cacher leur soutien aux putschistes et aux insurgés.

L’Etat major politique de ces derniers se trouve à Bruxelles, tandis que leur Etat major militaire est installé à Kigali.

Il est inacceptable qu’une ancienne puissance coloniale du Burundi, se mette aux côtés de ceux qui veulent piétiner la souveraineté du peuple Burundais.

Il est également inadmissible qu’un pays voisin et frère du Burundi comme le Rwanda, avec lequel nous partageons plus de ressemblances que de différences encourage les réfugiés à fuir massivement leur pays, les entraîne et les équipe militairement pour attaquer leur patrie. Pire encore, ce pays héberge les putschistes et les soutient dans la formation de nouveaux mouvements rebelles, auxquels même les mineurs sont enrôlés ! Nous exigeons une enquête approfondie à ce sujet, surtout sur l’enrôlement et l’utilisation des enfants soldats dans un conflit armé en violation du droit international humanitaire. On ne peut d’ailleurs que regretter qu’un pays qui a déjà connu ce que les Nations Unies ont qualifié de génocide se permette aujourd’hui au 21eme siècle de se lancer dans une telle mésaventure.

12. Le Burundi a dénoncé ce comportement honteux auprès de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), de l’EAC et des Nations Unies. Apres avoir constaté la pertinence de la requête du Burundi, la CIRGL a recommandé l’envoi au Rwanda d’une mission de vérification, laquelle a été catégoriquement rejetée par le Rwanda. Actuellement, le silence de l’U.A sur cette question ne peut qu’inquiéter le Gouvernement burundais.

13. Le Rwanda ne s’en est pas arrêté par-là ! Des preuves irréfutables sur son rôle dans la perturbation de la sécurité intérieure du Burundi ont continué à tomber. C’est l’exemple de l’employé du Haut commissariat pour les Réfugiés qui a été attrapé avec plusieurs armes et munitions en provenance du Rwanda, dans un véhicule appartenant à cette prestigieuse agence des Nations Unies, « pour une troisième livraison depuis Kigali », a-t-il avoué.

A cela s’ajoute le cas des rebelles Burundais, en provenance du Rwanda, récemment arrêtés en République Démocratique du Congo en possession de cartes d’électeurs congolaises. Voilà un autre exemple qui montre comment les ambitions belliqueuses du Rwanda peuvent entrainer la déstabilisation de toute la sous-région.

Les capturés aux attaques de juillet 2015 perpétrées dans la région Nord-Ouest du Burundi, frontalière avec le Rwanda ont également témoigné avoir subi une formation militaire au Rwanda.

Monsieur le Président,

14. La situation précédemment décrite, prouve à suffisance que les origines de la déstabilisation du Burundi se trouvent ailleurs. Ainsi, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA devrait constater qu’en définitive la force MAPROBU que l’Union Africaine veut imposer au Burundi n’est pas une panacée. Cette mission est impossible, dans la mesure où non seulement elle va à l’encontre de la souveraineté nationale, mais aussi elle ne se base sur aucune motivation fondée.

La délégation burundaise voudrait attirer l’attention de Madame la Présidente de la Commission de l’Union Africaine, qu’il est contreproductif de continuer à faire une pression sur son Excellence le Président Pierre NKURUNZIZA, à partir du moment où, à la demande du peuple Burundais, le Parlement Burundais, Députés et Sénateurs, les deux Chambres réunies, a, de manière inflexible, rejeté cette proposition d’imposer des troupes étrangères dans un Burundi paisible. C’était lors de sa séance extraordinaire du 20 décembre 2015.

15. Par ailleurs, mise à part la surenchère médiatique et les déclarations incendiaires des détracteurs du pouvoir en place, aucun rapport d’expertise sur des crimes contre l’humanité qui auraient été commis au Burundi, pendant la période électorale et postélectorale n’a été produit. Le Burundi est donc surpris par l’attitude du leadership au plus haut sommet de la Commission de l’Union Africaine, qui s’obstine à imposer à tout vent la force MAPROBU, comme en témoigne le contenu de la correspondance adressée à la plus haute autorité burundaise le 22 janvier 2016, au moment où les professionnels du secteur de sécurité au sein des Forces en attente de l’Afrique de l’Est ont déjà exprimé leur désapprobation.

Monsieur le Président,

16. Le diagnostic de la question burundaise vient d’être cependant posé par l’équipe du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui vient de séjourner dans notre pays du 21 au 22 janvier 2016. La maladie est politique, le remède ne peut en aucun cas être militaire !

La délégation que j’ai l’honneur de conduire voudrait rappeler que son Excellence Monsieur le Président Pierre NKURUNZIZA, avait fait le même constat au mois de septembre 2015, avant de mettre en place la Commission Nationale de Dialogue Interburundais (CNDI), aujourd’hui à l’œuvre à travers tout le pays, et qui compte rencontrer également les Burundais de l’extérieur.

17. Par ailleurs, la culture du dialogue n’est pas un nouveau concept chez le peuple Burundais. En effet plusieurs cadres de dialogue ont été amorcés par le passé. A tire d’exemple, le Forum des Partis Politiques qui a abouti au code de conduite des partis politiques, les consultations préélectorales qui ont permis de mettre en place le code électoral et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI); le débat sur le rapport de la Commission constitutionnelle de 1992 qui a débouché sur le multipartisme ; sans oublier le débat des années 90 autour de l’épineuse question de l’unité nationale, qui nous a doté de la charte de l’Unité nationale, référence incontournable dans la mise en place des institutions de l’Etat.

La Commission Nationale de Dialogue Inter-Burundais est donc venue poursuivre et consolider les efforts de dialogue rompus par la tentative de coup d’Etat du 13 mai 2015.

Nous demandons à d’autres partenaires et amis du Burundi de suivre l’exemple des Nations Unies pour lesquelles la seule solution à la situation qui prévaut au Burundi proviendra d’un dialogue inclusif avec tous les Burundais paisibles.

Monsieur le Président,

18. Si nous parlons d’un dialogue déjà en cours dans le pays, c’est parce que, contrairement à ceux qui affirment encore que tous les signaux sont au rouge, la sécurité est bonne sur tout le territoire national, mis à part des actes criminelles sporadiques et endémiques, commis par des résidus de groupes d’insurgés contre les forces de l’ordre. Ces actes criminels de type terroriste ne se déroulent que dans 3 quartiers de la capitale. Aucun pays au monde, y compris le Burundi, ne peut tolérer que de tels actes restent impunis. C’est pour cette raison que le Gouvernement du Burundi, en lançant la campagne de désarmement, avait demandé à la communauté internationale, en commençant par les plus proches, d’envoyer des observateurs, pour suivre le déroulement de ce processus. Très peu de partenaires ont répondu favorablement à cet appel, qui était pourtant guidé par le souci de transparence ; d’autres ont malheureusement préféré de continuer à faire confiance aux montages grotesques et aux réseaux sociaux.

Monsieur le Président,

19. Au sujet des medias justement, nous voudrions vous rassurer qu’au Burundi, les medias tant publics que privés continuent à travailler en toute quiétude. C’est vrai qu’il y en a cinq (5) qui ont subi un coup dur lors du putsch manqué, et qui ne sont pas opérationnels, mais acceptons qu’une quinzaine, donc la majorité, est restée opérationnelle.

S’agissant des médias et des journalistes dont les dossiers se trouvent en justice, le Gouvernement, tout en soulignant l’indépendance de la magistrature, promet d’accélérer leur traitement.

Toutefois, nous regrettons que certains journalistes, qui ont quitté le pays, participent activement à la déstabilisation du pays à partir du Rwanda et de la Belgique, qui leur accordent des facilités pour créer des medias de la haine, et produire des reportages fantômes, allant jusqu’à inciter publiquement à l’assassinat du Président Pierre NKURUNZIZA. Une telle attitude devrait donner lieu à une condamnation.

Il en est de même pour les chaines de Télévision France 3 et France 24, et la liste n’est pas exhaustive, qui se sont lancés dans une véritable sorcellerie médiatique, en diffusant des informations et des reportages diffamatoires contre le Burundi.

20. Le cas le plus récent et le plus frappant est la diffusion par France3 TV, le 13 janvier 2016, d’une vidéo des assassinats extrêmement violents et choquants prise en dehors du Burundi, mais intentionnellement attribuée aux jeunes du Parti au pouvoir en province Karusi, centre du Burundi, pour provoquer le génocide tant souhaité par certains, et inciter les partenaires du Burundi à fermer définitivement tous les robinets. Heureusement que les auteurs de ce montage, dont Me Bernard Maingain de nationalité belge, très connu dans les affaires louches dans la région des grands lacs, ont été pris, en flagrant délit.

21. Au chapitre des réfugiés burundais qui croupissent dans les camps au Rwanda et ailleurs, nous apprenons avec amertume qu’ils sont devenus des otages des groupuscules rebelles, créés et soutenus par le Rwanda ; et qu’ils sont sous menace de mort en cas de refus d’enrôlement. Nous avons des témoignages des réfugiés auxquels le Rwanda et l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés(HCR) ont refusé de rentrer volontairement. Ils sont entrain de crier au secours pour leur vie. Nous voudrions sincèrement rappeler à ces frères et sœurs, victimes des rumeurs et de la manipulation, que le Burundi reste leur maison! Leurs biens sont protégés, les emplois pour les fonctionnaires les attendent, leur sécurité est garantie, et leur contribution nous manque dans la construction de notre chère patrie. Nous implorons la collaboration des pays d’accueil et du Haut Commissariat pour les Réfugiés(HCR), pour organiser dans l’urgence des réunions des comités tripartites pour faciliter leur rapatriement volontaire.

Monsieur le Président,

22. En conclusion, le Burundi estime que la présente réunion est une excellente occasion pour le Conseil de Paix et de Sécurité, d’avoir une lumière suffisante sur l’origine et l’état de la situation politique et sécuritaire qui règne au Burundi. Nous sommes confiants que cette fois-ci, l’Union africaine vient de comprendre que l’assistance dont le Burundi a besoin n’est pas une force militaire qui viendrait faciliter sa recolonisation, mais plutôt un soutien fraternel et sincère au dialogue inter-burundais, qui a déjà démarré.

Je termine en remerciant les Chefs d’Etat et de Délégation qui se sont déjà exprimés en soutenant le processus du dialogue au Burundi, en commençant par Son Excellence le Général Bouhari, Président du Nigeria.

L’AFRIQUE NOUS APPARTIENT, NE LA FRAGILISONS PAS!

Merci, Monsieur le Président.

Dr. Joseph Butore

Deuxième Vice-Président de la République du Burundi