Source: http://reseauinternational.net/
Un petit rappel important… Un expert a authentifié le document qui fait mention d’un don de 50 millions d’euros de Khadafi pour la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Coup dur pour Nicolas Sarkozy. L’information judiciaire des juges d’instruction Emmanuelle Legrand et René Cros avance à grands pas. Selon Médiapart, un expert a conclu à l’authenticité du document qui évoque le financement présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 par le régime libyen et le général Kadhafi. C’est également Médiapart qui avait révélé cette information, rapporte l’OBS.
Datée de 2006, la missive était adressée à l’ancien directeur de cabinet du dictateur et fait état du déblocage par le régime de Tripoli d’une somme de 50 millions d’euros en faveur de la campagne du candidat de l’UMP.
Contrairement à Nicolas Sarkozy – qui évoquait un « faux grossier » et qui avait porté plainte pour « faux et usage de faux », l’expert a conclu que « l »ensemble de ces résultats milite très fortement en faveur d’un document physique ayant réellement existé et qui aurait été numérisé, afin de produire une image numérique primaire. »
Il ajoute : « La très grande cohérence entre l’examen et l’intuition visuelle et sémiotique d’un côté, et les résultats de l’analyse multi-spectrale de l’autre, nous incite à privilégier l’option d’un document authentique ayant existé sur support physique. »
Une expertise judiciaire, commandée par deux juges chargés d’instruire la plainte pour « faux et usage de faux » de Nicolas Sarkozy après la publication par Mediapart d’un document officiel libyen sur des soupçons de corruption, conclut à un « document authentique ayant existé sur support physique ». Une précédente expertise avait déjà conclu à l’authenticité de la signature, attribuée à l’ancien chef des services secrets libyens selon FABRICE ARFI ET KARL LASKE de Mediapart.
Nicolas Sarkozy a reçu une mauvaise nouvelle. Le dossier d’instruction des juges René Cros et Emmanuelle Legrand, qui enquêtent depuis plus de deux ans sur une plainte pour « faux et usage de faux » de l’ancien président de la République après la publication par Mediapart d’un document officiel libyen sur des soupçons de corruption, s’est enrichi la semaine dernière d’une pièce déterminante. Il s’agit d’une expertise judiciaire qui conclut à un « document authentique ayant existé sur support physique ». Mediapart n’est pas surpris : nous ne cessons d’affirmer depuis trois ans que ce document, obtenu auprès des sources les plus fiables, est authentique.
Mediapart a rendu public en avril 2012 un document issu des archives officielles libyennes qui avait échappé, parmi d’autres, aux destructions de la guerre. Datée de décembre 2006, cette note signée de l’ancien chef des services secrets extérieurs libyens, Moussa Koussa, évoquait le déblocage par le régime de Tripoli d’une somme de 50 millions d’euros en faveur de Nicolas Sarkozy à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007.
La note était adressée à Bachir Saleh, directeur de cabinet de Kadhafi et président de l’un des fonds souverains du pays, le Libyan Africa Portfolio (LAP). « Un faux grossier », avait fini par tonner l’ancien chef de l’État français après deux jours de silence.
Pour juger de l’authenticité matérielle (ou non) du document, les juges ont saisi un ingénieur et docteur en informatique, Roger Cozien. Son travail relève à la fois de l’autopsie et de l’entomologie. Comment faire parler un fichier numérique ? A-t-il été trafiqué ? Manipulé ? Altéré ? Provient-il d’un document réel ? Si oui, ce document a-t-il été lui-même falsifié d’une manière ou d’une autre ? La science peut répondre à toutes ces questions.
Après avoir travaillé au ministère de la défense, Roger Cozien a développé en 2009 un logiciel très prisé des tribunaux (y compris à l’étranger), baptisé “Tungstene”, qui en est aujourd’hui à sa version “6.6”, soit la plus aboutie depuis peu. Selon lui, le logiciel laisse désormais une place à l’incertitude « minime, voire inexistante ». Dans l’affaire libyenne, ses conclusions, qui ont été remises le 6 novembre aux magistrats, sont de fait sans appel.
Le rapport fait 60 pages.
Il dit d’abord : « Après de multiples calculs et l’emploi de tous les filtres utiles du logiciel Tungstene, aucune trace d’altération, et encore moins de falsification volontaire, n’a été détectée. Nous avons poussé au maximum de leurs possibilités les mathématiques dont nous disposons. Tout laisse à penser que l’image numérique contenue dans le fichier source (objet de notre expertise) a été initialement le résultat d’un processus de numérisation d’un document physique, vraisemblablement en matière papier. »
Il poursuit : « Nous avons pu déterminer que le document, qui aurait été numérisé, présentait des caractéristiques physiques classiques et symptomatiques d’un tel objet physique, présentant un certain niveau d’usure voire de vieillissement. Nous avons pu déterminer que différentes encres ont été utilisées vraisemblablement, à différents moments dans la vie du document physique. L’ensemble de ces résultats militent très fortement en faveur d’un document physique ayant réellement existé et qui aurait été numérisé, afin de produire une image numérique primaire. »
Et il conclut : «La très grande cohérence entre l’examen et l’intuition visuelle et sémiotique, d’un côté, et les résultats de l’analyse multi-spectrale, de l’autre, nous incite à privilégier l’option d’un document authentique ayant existé sur support physique. »
La méthodologie ayant permis d’aboutir à ces conclusions en appelle autant à la mathématique qu’à l’analyse dite “multi-spectrale”. C’est un champ lexical d’un autre monde qui est convoqué par l’expert judiciaire dans son rapport : on y parle d’archéorithmie, de dématriçage, du bruit d’une image, de spectrométrie, de spectroscopie, de topologie, de nuage de points, d’amas de pixels, de filtres aux noms de savants étrangers ou d’algorithmes très compliqués.
Les confidences de Moussa Koussa
Grâce à des financements de l’Agence nationale de la recherche, le logiciel “Tungstene” a même été récemment adapté afin de permettre l’expertise de documents physiques en étudiant seulement leur numérisation. Un peu comme si l’on analysait en profondeur les propriétés de la peau de quelqu’un à partir de sa seule photographie. C’est ainsi que, s’agissant du document libyen révélé par Mediapart, l’expert judiciaire est en mesure d’affirmer par exemple qu’il a non seulement existé physiquement mais qu’il présente des traces de vieillissement et d’usure normales pour un tel document papier.
D’une précision étourdissante, le rapport va jusqu’à évoquer l’utilisation – cohérente là aussi – d’encres différentes, qu’il s’agisse de celle de la signature de l’auteur de la note, du coup de tampon visible en bas du document ou dans le corps du texte. Le rapport peut aussi dire si la même encre a été utilisée à tel et tel endroit du document ou si celui-ci a été rédigé dans une même unité de temps ou à des moments radicalement différents. Dans tous les cas, les résultats plaident pour la parfaite authenticité de la note, selon l’expert.
En résumé, le rapport dit donc que :
1) le document publié par Mediapart n’a pas été créé numériquement et n’a fait l’objet d’aucune manipulation antérieure,
2) le document “souche” a vraiment existé
3) ce document papier s’avère d’une « extrême cohérence », excluant par conséquent avec un haut degré de certitude toute trace de falsification originelle (surimpression, ajout de textes postérieurs, effacements volontaires, etc.).
Si le rapport précise qu’une manipulation est en théorie toujours possible, il affirme qu’elle est, ici, plus qu’improbable en pratique puisqu’il aurait fallu que les “faussaires” aient anticipé, il y a des années, des techniques d’analyse actuelles afin de tromper une éventuelle expertise.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un rapport d’expertise commandé dans ce dossier par les juges Cros et Legrand ruine la position de Nicolas Sarkozy et de son avocat, Me Thierry Herzog – tous deux sont mis en examen dans une autre affaire de corruption, l’affaire “Paul Bismuth”. Une précédente expertise, graphologique celle-ci, avait ainsi établi sans la moindre réserve, en novembre 2014, que la signature figurant au bas de la note était bien « de la main » de Moussa Koussa. Aucune contre-expertise ne sera d’ailleurs demandée. Le même Moussa Koussa avait été entendu par les juges à Doha, au Qatar, où il est réfugié depuis la chute du régime Kadhafi. Il avait affirmé le 5 août 2014, sur procès-verbal, que le « contenu et l’origine » du document étaient vrais. Il avait aussi expliqué qu’il ne voulait pas être mêlé à ce dossier : « Le contenu de ce document, c’est ça qui est dangereux. » Et l’ancien chef des services secrets de Kadhafi avait cru alors pouvoir démentir sa signature, en lisant face aux juges un papier sur lequel étaient notés des éléments de langage… jusqu’à ce que le rapport des trois experts graphologues fasse voler en éclats ses dénégations, quelques semaines plus tard.
Révélée le 28 avril 2012, la note libyenne sur les 50 millions d’euros avait provoqué cinq jours plus tard l’exfiltration de France de Bachir Saleh (le destinataire du document), alors que celui-ci était visé par un mandat d’arrêt international émis par Interpol. Il vivait depuis plusieurs mois sous la protection des autorités françaises, sans être jamais inquiété.
Une autre enquête judiciaire, confiée cette fois au juge Serge Tournaire, chargé d’instruire le fond du dossier sur les soupçons de corruption franco-libyenne, a depuis montré que ce sont les services secrets intérieurs, dirigés à l’époque par Bernard Squarcini (un proche de Sarkozy), qui avaient organisé en coordination avec la place Beauvau la fuite du bras droit de Kadhafi. En toute impunité.
C’est dans ce même dossier que Claude Guéant, directeur de campagne de Sarkozy en 2007, puis n° 2 de l’Élysée et ministre de l’intérieur, a été mis en examen au sujet d’un versement de 500 000 euros en 2008. Les juges soupçonnent que l’argent provienne de réseaux libyens liés à Bachir Saleh, et non de la vente de tableaux flamands, comme Guéant continue de le soutenir contre toutes les évidences.
Gerard Karageorgis