Discours de l’Ambassadeur Shingiro à l’ONU

Discours de l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies lors de la réunion de la Configuration- Burundi de la Commission de Consolidation de la paix, le 09 mars 2016

1. Monsieur le Président, je remercie également tous les autres membres de la configuration-Burundi qui ne cessent de fournir des efforts remarquables pour contribuer à solutionner la situation actuelle au Burundi de façon paisible et durable.

2. Je remercie en outre tous les intervenants qui se sont exprimés avant moi et dont la contribution apporte une valeur ajoutée à notre réunion.

3. Je remercie particulièrement M. Jamal Benomar, Conseiller Spécial du Secrétaire général pour avoir contribué de façon significative au succès de lavisite du Secrétaire Général au Burundi du 22 au 23 février 2016.

4. Monsieur le Président, lors de votre visite, et vous l’avez bien souligné avec éloquence, vous avez rencontré les autorités nationales ainsi quelles autres partenaires nationaux du processus de consolidation de la paix au Burundi.

5. Ce fut une visite extrêmement importante non seulement pour vous en votre qualité de Président de la Configuration-Burundi, mais également pour toutes les parties prenantes burundaises qui ont profité de votre présence à Bujumbura pour interagir à cœur ouvert avec vous et votre délégation. C’est aussi une excellente occasion pour les membres ici présents de recevoir désinformations de première main.

6. Le moment fort de votre visite fut votre audience avec le Président de la République le mercredi 17 février le matin. Au cours de cette audience qui aduré environ 40 minutes, le Président de la République s’est ouvert à vous et un climat de confiance mutuelle s’est installé au fur et en mesure que l’audience avançait. Il vous a entre autre présenté la situation politique et sécuritaire qui prévaut au Burundi avec une projection dans l’histoire politique de notre pays doublée d’une mention spéciale sur le rôle de la CVR dans la réconciliation des Burundais.

7. Monsieur le Président, je ne ferai pas de commentaire particulier sur votre rapport de visite que vous venez de présenter brillamment. Je souhaite surtout dire un mot sur quelques points saillants de l’actualité politique du Burundi en ce moment précis, à savoir le dialogue politique, les droits de l’homme, les libertés d’expression, la sécurité, la réconciliation, le développement
économique et social.

8. En ce qui concerne le dialogue politique, nous sommes conscient que les préoccupations politiques des burundais en ce moment ne peuvent être résolues qu’à travers un dialogue inclusif, franc et sincère entre les filles et fils du pays, ceux de l’intérieur et ceux de la diaspora. Le président de la République s’est déjà engagé de poursuivre ce dialogue et il a réitéré cette
bonne volonté à la délégation de haut niveau de l’Union Africaine conduite par le Président Sud-Africain Jacob Zuma, lors de l’audience du 25 février 2016 à Bujumbura.

9. La primauté de l’option politique sur l’option militaire fut aussi une des recommandations de la réunion du Comité des Ministres de la défense de la CIRGL tenue le 10 février 2016 à Luanda en Angola. Le Comité des Ministres de la Défense a demandé à tous les acteurs de s’engager dans le
dialogue inter burundais qui est le meilleur moyen de consolider la paix et l’unité en faveur du peuple Burundais.

10. Oui, le dialogue que nous voulons est inclusif sauf ceux qui sont impliqués de façon manifeste dans le putsch du 13 mai 2015. Vous conviendrez avec nous que le dialogue que nous voulons ne doit pas être un moyen déguisé de renforcer la culture de l’impunité au Burundi ou de refouler au pied les principes démocratiques universellement reconnus, mais plutôt un moyen de consolider la paix et la justice sociale.

11. Sur le plan régional, les consultations se poursuivent avec la facilitation et la région pour s’entendre sur deux points importants pour les prochaines sessions du dialogue avec les membres de la diaspora qui aspirent à la paix en toute inclusivité telle que définie dans la résolution 2248 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 12 novembre 2015.

12. Il s’agit entre autres de l’identification objective des participants ainsi que les points à l’ordre du jour. Nous restons donc engagés de bonne foi dans ce dialogue politique dont la dynamique interne est très avancée. A cet égard, Nous réitérons encore une fois notre confiance à la facilitation ougandaise. Nous nous réjouissons également de la nomination de l’ancien président de Tanzanie Mkapa comme facilitateur du dialogue inter burundais sous la supervision du Président Museveni.

13. S’agissant des actes d’agression du Rwanda, plusieurs rapports crédibles ont déjà confirmé que le Rwanda facilite le recrutement, l’entrainement et l’armement des réfugiés burundais en vue de déstabiliser le Burundi. Je cite notamment le rapport du Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC, le rapport de refugees International et celui plus récent de Human Right Watch. A ces rapports, nous ajoutons les preuves irréfutables à notre disposition depuis le début de l’insurrection de 2015 ainsi que les aveux des enfants recrutés et entrainés par le Rwanda qui se sont confiés à l’Envoyé Spécial du Président Obama dans le région lors de son dernier passage à l’Est de la RDC. Même si le Rwanda continue de nier les faits, il est difficile de convaincre les Etats membres que tous les auteurs de ces rapports se trompent.

14. En ce qui concerne la sécurité, je confirme qu’elle est globalement bonne sur tout le territoire national et les citoyens vaquent à leurs activités dans la quiétude, sauf quelques éléments résiduels de l’opposition qui continuent à lancer des grenades sur de paisibles citoyens. Contrairement aux informations véhiculées par l’opposition basée à l’étranger et certains médias que lui sont affiliés, le Burundi ne brûle pas, vous l’avez constaté vous-même sur place au Burundi.

15. La bonne nouvelle est que les quelques cas de criminalités et de terrorisme local qui visent à attirer l’attention de la communauté internationale sont en train d’être maîtrisés. Plusieurs criminels se sont rendus aux forces de l’ordre avec armes, minutions et autres effets militaires et ce mouvement de renonciation à la violence continue. Les éléments criminels qui se sont rendus ont été remis à la CNIDH pour leur réinsertion dans leurs communautés d’origine.

16. Pour nous et pour vous d’ailleurs, il est clair que le fait de lancer des grenades dans des foules est du terrorisme pur et simple qui doit être traité comme tel. Aucune idéologie, aucun combat politique ne peut justifier de tels actes aveugles qui emportent des vies d’enfants, des femmes… Nous vous demandons de condamner ce virage à l’extrémisme violent de l’opposition qui est contraire aux recommandations de la résolution 2248 du Conseil de Sécurité.

17. Dans le but de consolider une paix durable dans notre pays, nous avons mis le désarmement des populations civiles au centre de nos priorités. Le processus de désarmement se poursuit normalement et des résultats satisfaisants ont été enregistrés. Grâce à la quadrilogie (population, forces de l’ordre, justice, administration), nous avons saisi plusieurs armes et minutions
détenues illégalement par les civils.

18. Dans le soucis de poursuivre ce processus de désarmement dans la transparence et de coopérer pleinement avec nos partenaires, le Gouvernement du Burundi a accepté, devant la délégation de haut niveau de l’Union Africaine le déploiement au Burundi de 100 observateurs des droits de l’Homme et de 100 observatoires militaires non armés.

19. En matière des droits de l’homme, je souhaite rappeler que le gouvernement du Burundi attache une grande importance aux questions des droits de l’homme. Nous avons adopté une politique de tolérance zéro en la matière. Mais nous reconnaissons aussi qu’il y a des cas de violation des droits de l’homme comme ailleurs. Nous avons mis sur pied des commissions d’enquête judiciaire pour mettre la lumière à certaines allégations de violations des droits de l’homme depuis le début de l’insurrection jusqu’à nos jours.

20. Nul n’ignore que les droits de l’homme est un processus, un idéal à atteindre et aucune nation n’a atteint le sommet même après plus de 100 ans d’expérimentation de ce modèle. Pour le Burundi qui vient de passer 10 ans uniquement d’expérimentation de la démocratie, le chemin est encore long mais la volonté de bien faire est là et palpable. Le soutien des partenaires reste nécessaire pour avancer dans cette longue marche vers la démocratie.

21. Nous rappelons également que le Gouvernement du Burundi a placé la lutte contre l’impunité au centre de ses priorités et tout se fait sans tenir compte des affiliations politiques. Nous coopérons étroitement avec le bureau du haut-commissariat aux droits de l’homme à qui nous avons donné accès libre à nos services pour question de transparence. Nous faisons de même
pour les observateurs de l’Union Africaine dont le nombre vient d’être revu à la hausse.

22. Nous avons réservé la même qualité de coopération aux experts des droits l’homme des Nations Unis qui viennent de séjourner dans notre pays. A la fin de leur mission hier, les experts ont animé une Conférence de presse au cours de laquelle ils ont déclaré je cite « Nous avons constaté une accalmie au Burundi, et il faut le signaler, nous n’avons pas constaté une situation
perturbée, nous avons remarqué une lueur d’espoir, une volonté affichée et partagée de s’engager, d’aller de l’avant pour améliorer le climat de paix et de Sécurité au Burundi. Dans le cas de notre mission, nous ne pouvons pas dire que la situation au Burundi est explosive, absolument pas » fin de citation.

23. Sur le plan judiciaire, la justice burundaise vient d’annuler 15 mandats d’arrêt internationaux contre quelques personnalités de l’opposition, de la société civile et du monde des médias en vue d’apaiser les tensions politiques qui ont entouré le processus électoral. Nous osons espérer que les
personnes concernées vont profiter de ces signaux forts de bonne volonté pour renoncer à la violence et participer à l’édification de notre nation.

24. S’agissant des Libertés d’expression et la société civile, je souhaite vous informer que le Burundi a une bonne tradition des libertés d’expression et de société civile très active qu’il voudrait pérenniser. Nous venons à cet effet d’autoriser la réouverture de deux radios privées qui avaient été détruites dans la foulée de la tentative de coup d’Etat du 13 mai 2015. Il s’agit de la radio ISANGANIRO et de la Radio-Télévision REMA. En plus de ces 2 radios qui ont repris leurs activités, le Conseil National de Communication vient également d’autoriser une radio privée Izere FM.

25. Au chapitre du processus de la réconciliation, le vendredi dernier, le Président de la République a procédé au lancement de la phase opérationnelle de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) en présence de plusieurs partenaires techniques et Financiers. Comme vous le savez la commission CVR qui est présidée par un religieux est composée de 11 commissaires dont 6 hutu, 4 tutsi et 1 twa. Elle est le symbole de l’inclusion politique, ethnique, régionale et de genre. A l’issue de son travail, la CVR va préparer un programme de pardon, de réconciliation et de réparation qu’elle soumettra au Gouvernement et au parlement burundais ainsi qu’aux Nations Unies. Les Burundais devront saisir ce tournant pour bâtir le futur de leur pays avec sérénité afin que ce qui est arrivé dans le passé n’arrive plus.

26. En matière de développement socioéconomique, ma délégation a l’impression que les préoccupations politiques de nos partenaires ont éclipsé les besoins économiques et sociaux de nos populations. Il est évident que le fait d’oublier le volet économique et social au profit du volet politique est aussi un facteur qui peut accroitre l’instabilité dans notre pays. Les deux
volets doivent bénéficier de la même attention de la part de nos partenaires à qui nous demandons de reprendre la coopération avec notre Gouvernement qui la bonne volonté de bien faire. Nous demandons à nos partenaires de considérer sérieusement l’appel lancé par le Président Sud-Africain Jacob Zuma au nom de la délégation de haut niveau de l’Union Africaine au Burundi sur l’importance de reprise de la coopération comme facteur de consolidation de paix.

27. Parlant justement de la reprise de la coopération avec le Burundi, Nous saluons le fait que le Plan Prioritaire de Consolidation de la Paix et l’allocation initiale restent valables. Le Gouvernement et le système des Nations Unies sont en train d’actualiser ce Plan Prioritaire et, ce faisant, de développer les documents de projet pour absorber l’enveloppe restante de $6.25 million. Le Comité de Pilotage Conjoint, co-présidé par le Burundi et le Coordonnateur Résident du système des Nations Unies au Burundi s’est réuni ce matin pour discuter du Plan Prioritaire actualisé et des propositions de
concepts de projets y relatifs qui se focalisent toujours sur la continuation du dialogue politique; la promotion des droits de l’homme; et l’engagement de la jeunesse et des femmes dans la consolidation de la paix et dans la sécurité communautaire, avec les activités appropriées au contexte actuel.

28. Nous sommes satisfaits du résultat de la réunion du Comité conjoint de pilotage de ce matin qui vient d’adopter 5 projets. D’autres nouveaux projets en faveur du dialogue et des projets de jeunes devraient être approuvés lors de la prochaine réunion du Comité qui ne devrait pas tarder.
Je vous remercie