Le Burundi possède des gîtes miniers à sa taille

Bujumbura, 3 mai 2016 : Bien que le Burundi soit un petit pays sans tradition minière, il possède en revanche des gîtes miniers, à sa taille, dans un contexte géologique régional, faisant en sorte qu’il soit doté de ressources minérales comme la Tanzanie et la République démocratique du Congo (RDC) voisines, apprend-on de M. Gilbert Midende, expert en économie minière, ancien ministre burundais des Mines et professeur de Géologie minière à l’Université du Burundi (UB).

L’expert Midende, qui s’exprimait mardi au cours d’une interview accordée à l’ABP, a précisé que le Burundi possède notamment un potentiel aurifère et de wolframite-coltan-cassitérite, des gisements de nickel et de terres rares. « N’étant pas de tradition minière, le Burundi doit développer son potentiel minier, caractérisé jusqu’ici par de petites exploitations minières d’or, de coltan, de cassitérite et de wolframite », a-t-il souligné.

Selon l’expert, ces gisements cités (or, cassitérite, wolframite et coltan) se trouvent surtout dans les provinces nordiques burundaises alors que les gisements du nickel se trouvent à l’Est et au Sud-est du Burundi, avec une forte concentration dans la commune Musongati de la province Rutana (sud-est). Concernant le nickel, M. Midende a fait remarquer qu’à travers le monde, il existe deux types de gisement de nickel, à savoir les gisements sulfurés, avec une teneur riche de plus de 4% de nickel, et les gisements latéritiques ou oxydés, moins riches, avec une teneur faible se situant dans la fourchette de 0,8 à 1%.

« Pour le moment, le Burundi dispose du gisement latéritique, un des meilleurs au niveau qualitatif parmi les autres gisements latéritiques déjà découverts à travers le monde », a-t-il révélé. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, les campagnes d’exploration du nickel déjà effectués au Burundi, avec un focus sur la recherche de la variété de nickel sulfuré, n’ont pas encore abouti à aucun résultat concret.

« Sur le plan quantitatif, la quantité de nickel latéritique dont dispose un petit pays comme le Burundi n’est pas un gisement énorme dans les proportions qu’on trouve par exemple en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, qualitativement, c’est un gisement de classe international », a-t-il affirmé.

Le nickel burundais pourrait certes apporter une contribution substantielle dans la diversification de l’économie nationale mais, a-t-il fait remarquer, aujourd’hui, les conditions de son exploitation ne sont pas encore favorables dans la mesure où l’industrie minière est un secteur à concurrence internationale. En effet, a-t-il révélé, les cours mondiaux du nickel, par exemple, ont fortement baissé car, il y a un an, le nickel s’achetait à 10.000 USD la tonne, mais il est aujourd’hui à moins de 4.000 USD la tonne.

« Les prix de la plupart des métaux ont fortement chuté parce que l’offre est supérieure à la demande. La principale raison est que la Chine, une des plus grosses consommatrices mondiales, a interrompu ses approvisionnements en la matière pour avoir fait beaucoup de stocks ces dernières années », a-t-il expliqué. La seconde raison est qu’il n’y a pas pénurie de nickel au niveau international d’où, a-t-il explicité, le Burundi ne peut exploiter son gisement que si celui-ci se trouve dans les meilleures conditions mondiales.

« Comme le secteur minier est un domaine exigeant des investissements immenses pour une rentabilité à long terme, en particulier pour le nickel, le constat amer est que le Burundi n’est pas tout à fait au point pour remplir certaines conditions de stabilité, en l’occurrence au plan politique, sécuritaire et économique », a-t-il souligné.
Pour l’expert Midende, avec un tel environnement politico-sécuritaire et socio-économique, il est tout à fait normal que les gens hésitent pour se lancer dans les investissements miniers au Burundi. Selon lui, pour exploiter son nickel, le Burundi ne réunit pas encore les conditions en matière d’infrastructures, notamment énergétiques.
« En effet, ça fait 30 ans que le Burundi n’a pas construit deux mégawatts (2 MW), dans un contexte où le gisement de nickel exigerait une capacité énergétique de 300 MW en première option, tandis qu’aux années de croisière, l’exploitation exigerait 800 MW », a-t-il fait remarquer, ajoutant qu’aujourd’hui, on a au Burundi un potentiel énergétique installé ne dépassant pas 50 MW.

Pour Midende, le Burundi devrait, dans son agenda sur la lutte contre la pauvreté, prioriser l’exploitation de quatre gisements miniers (or, cassitérite, wolframite et coltan) dans la mesure où ils « ne nécessitent beaucoup d’investissements et ont une valeur marchande très élevée sur le marché international ».

Toutefois, a-t-il affirmé, là où le bât blesse, c’est que ces gisements sont « mal exploités artisanalement », a-t-il fait remarquer. Pour rectifier le tir, a-t-il proposé, il faudrait réorganiser leur exploitation, de telle manière que les circuits monétaires en rapport avec ces gisements passent beaucoup plus par des cadres formels. Le processus d’exploitation minière au Burundi est aussi marqué par « l’omniprésence d’un spectre d’opacité », a-t-il par ailleurs reconnu, en précisant qu’en toile de fonds de cette problématique se trouve « beaucoup d’intérêts en jeu » depuis l’étape de l’artisan minier jusqu’à celle de l’exportateur final. Sur cet aspect, l’expert a souhaité que les initiatives de correction en cours au ministère burundais des Mines, soient
accélérées sous la dimension « de mieux légiférer le domaine minier au Burundi, de manière à montrer à l’artisan minier comment il peut gagner plus, tout en travaillant dans la légalité ».

Abp-info