La vie des peuples peut dépendre de peu de choses, comme ce seul coup de feu en Serbie qui a déclenché la première Guerre dite mondiale en 1913. Le destin des peuples de l’Afrique des Grands Lacs de ces derniers quarante ans a été négocié pour un million de dollars, que Bagaza a prêté à un certain rebelle hima du nom de Museveni, qui lui a permis de s’emparer du pouvoir à Kampala en 1986. Depuis lors s’est enclenchée une réaction en chaine, pire que celle d’une bombe atomique. En effet, quatre ans plus tard, le 01/10/1990, Museveni a envoyé son armée pour renverser le président Habyarimana et installer Kagame au pouvoir. Coût de l’opération: un million de morts, dont la grande majorité sont des hutu [cf. Rwanda’s untold story]. En 1993, Kagame (et sûrement Museveni dans les coulisses) a fait tuer le président Ndadaye, pour asseoir le temps venu Pierre Buyoya. En 1996, celui-ci renverse Ntibantunganya, et tous les trois tyrans se lancent à la conquête du Zaire, pour chasser Mobutu et s’approprier des richesses de ce mini continent. Coût de la campagne: 6 millions de morts. En 2015, Kagame (et Museveni sournoisement derrière lui), se met à déstabiliser le Burundi, dans la tentative d’y réinstaller un régime Hima. Pour une poignée de dollars, des génocides se sont commis et des viols de masse; les peuples se sont mis à errer, lasciant leurs terres et leurs autres biens. On a fini de voir la face de celui qui a plannifié ces bouleversements (Bagaza), mais on n’a pas encore fini d’en subir les conséquences. Bagaza n’a d’ailleurs pas donné seulement de l’argent à Museveni, il lui envoyait aussi des tonnes d’armes, camouflées dans des camions, sous des sacs de thé et de café. Les services de Habyarimana n’ont jamais contrôlé, et les chargements qui devaient un jour se retourner contre eux leur passaient devant le nez. Il parait que Buyoya a exploité la même méthode dans les années ’90, pour armer le FPR.
Bagaza a bien servi son ethnie au plus haut degré. En 1987, quand il fut renversé par Buyoya, certains tutsi de Bujumbura (ils se reconnaîtront) s’exclamèrent : « les hutu ont de la chance, c’en était fini d’eux ». Un ami tutsi nous avait d’ailleurs conseillé de fuir le pays, en avril 1987, car un massacre de hutu était imminent. Et en effet, la population s’était déjà rendue compte (et elle le disait ouvertement) que la tourmente toujours grandissante de cette époque préparait un autre génocide contre les hutu. Beaucoup retiennent que les massacres de Ntega Marangara de 1988 avaient été préparés par Bagaza, exactement comme en 1972, dans un coin reculé du pays, pour ensuite épurer tout le territoire national. La même méthodologie a été utilisée sans succès cette année 2016, par les Sindumuja de Sinduhije, en prenant Karusi comme épicentre, en propageant des tracts confectionnés par les tutsi eux-mêmes (exactement comme en 1972), pour déclencher un petit massacre de tutsi qui conduirait à une liquidation de tous les hutu, ou à défaut, pour crier au génocide. L’évolution de la technologie leur a permis d’utiliser aussi des tracts video (Haoussa), c’est-à-dire des montages ridicules mais efficaces pour les blancs ignorants.
Le mérite de Bagaza, c’est qu’il a construit des infrastructures (pour la mobilité de son armée, disait-on à l’époque) qu’il n’a pas pu emporter dans la tombe. Pour cela, nous le remercions. Que la terre lui soit légère.
FAUSTA BAGAZA: LES PAROLES JUSTES
Lors de la messe de funéraille du président Bagaza, ce 17/05/2016, dans la Cathédrale Regina Mundi de Bujumbura, la veuve Fausta a prononcé un petit discours très touchant. Elle a remercié l’Evêque pour lui avoir accordé la parole, puis le Président de la République du Burundi, Pierre Nkurunziza, pour son soutien dans ces moments difficiles. Elle a demandé à l’assistance de l’acclamer – ce que la foule a fait- , et l’a exhorté à continuer de s’occuper sans relâche de tout le monde, sans distinction. Enfin, elle a prié quiconque a souffert des comportements de son mari de lui pardonner, car il était aussi un être humain, capable de commettre des erreurs. Elle a dit qu’elle se mettait à genou, pour le compte de son mari, d’elle-même et des enfants, pour demander ce pardon.
Ce sont des paroles de ce genre qui permettent au pays de se remettre sur la bonne route, même si elles ne changent pas le passé; au moins elle préparent un futur meilleur. Elles vont dans le sens d’une autre confession antérieure, celle du ministre de Bagaza, Hakizimana Isidore, qui avait reconnu publiquement ses erreurs, et qui avait suscité une grande admiration. En effet, errare humanum est, perseverare autem diabolicum (se tromper est humain, mais persévérer est diabolique).
burundiindependent
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