Mali : amer bilan pour la France

Immense gâchis pour les Maliens, le règne d’« IBK », destitué mardi par un coup d’Etat militaire, est aussi une leçon pour Paris et pour l’engagement militaire français au Sahel.

Le moins que l’on puisse dire est que la chute d’« IBK » n’aura suscité aucun regret à Paris. Acculé à la démission mardi 18 août par un coup d’Etat militaire, Ibrahim Boubacar Keïta, président du Mali depuis 2013, avait perdu le contrôle du pays depuis la vague de contestation qui a secoué le pays après les élections législatives de mars-avril. La visite à Bamako, fin juillet, de cinq chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest venus tenter d’aider leur collègue malien à trouver une solution – et sans doute inquiets d’un possible effet de contagion – s’était soldée par un échec. Les jours d’« IBK », dès lors, paraissaient comptés.
 
Les Maliens peuvent légitimement avoir le sentiment d’un immense gâchis. L’élection triomphale d’Ibrahim Boubacar Keïta, il y a sept ans, avait fait naître l’espoir d’un redressement de la nation, ébranlée en 2012, déjà, par un coup d’Etat militaire, alors que les djihadistes occupaient le nord du pays. Mais, en fait de redressement, c’est à la poursuite de l’effondrement du Mali qu’a présidé « IBK », incapable de maintenir un cap, de reconstruire un Etat, de maîtriser la corruption et même de tenir les commandes de son pays devenu un bateau ivre.
 
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Amer, le bilan l’est aussi pour la France. Engagées depuis sept ans dans la lutte contre le terrorisme islamiste au Sahel, les troupes françaises cherchent à passer le relais aux forces locales, sans trouver les structures de pouvoir politique suffisamment solides pour le faire. L’Elysée rappelle aujourd’hui qu’au sommet du G5 Sahel de Nouakchott en juin, Emmanuel Macron était « fortement intervenu » auprès du président malien pour lui demander de régler les problèmes liés à la contestation des élections législatives. En vain.
 

Si Paris ne pleurera pas « IBK », l’avenir n’est pas assuré pour autant. La France appelle de ses vœux un « retour au pouvoir civil et à l’Etat de droit » au Mali, que les militaires putschistes affirment vouloir aussi. Elle va tenter de favoriser, dans les jours qui viennent, un dialogue politique entre ses partenaires sahéliens et les différents acteurs à Bamako pour trouver la voie d’une issue civile et démocratique à cette nouvelle crise.

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L’entreprise est évidemment hasardeuse, compte tenu de l’extrême faiblesse du système politique malien. Elle est particulièrement délicate pour la France, qui doit éviter d’apparaître comme l’ancienne puissance coloniale cherchant encore à tirer les ficelles, mais qui ne veut surtout pas risquer de compromettre, dans cette séquence volatile, les acquis de sept ans de lutte contre le terrorisme.
 
C’est pour ces raisons que, dès le début de la mutinerie à Bamako, Paris s’est tourné vers ses alliés étrangers, en Afrique, au sein de l’UE et à l’ONU, afin de consolider l’engagement européen et international au Sahel. On veut croire, à l’Eysée, que les Européens ont un intérêt commun à rester engagés au Mali et dans la région, où la France a eu tout le mal du monde à les entraîner à ses côtés ces dernières années, et le sujet figure évidemment au menu des entretiens du président Macron avec la chancelière Angela Merkel, jeudi, à Brégançon.
 
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La France a raison de ne pas vouloir assumer seule le rôle de pompier au Mali : la déstabilisation de la région est un danger pour l’Europe comme pour l’Afrique. Mais elle ne pourra pas non plus éviter de dresser un bilan lucide de son propre engagement militaire et de sa stratégie contre-terroriste qui, au fil des années, produit aussi des effets politiques pervers.

Le Monde