« On est passé d’un vrai débat à un faux débat. Comme si la maison était en flammes et qu’on exigeait des sinistrés qu’ils dénoncent le feu avant d’éteindre le brasier », Michèle Ouimet, « Je te tiens par la barbichette », La Presse, 20 avril 2012 Cité par G. Gauthier, L’effet de l’argument de comparaison sur le débat public http://cehum.ilch.uminho.pt/myriades/static/volumes/1-4.pdf
La récente passe d’arme entre les journalistes Kenny Claude Nduwimana et Antoine Kaburahe et la sortie fracassante de la radio Renaissance contre ceux que cette dernière considère comme le soutien moral et matériel à Kenny Claude rappellent sans nul doute que la société burundaise est traditionnellement une société du mépris.
L’expression « société du mépris », emprunté au titre de l’ouvrage d’Axel Honneth, La société du mépris Vers une nouvelle théorie critique, Paris, La découverte, 2006, 365 pages, dans le prolongement de son autre ouvrage, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Ed. Cerf, 2000, vise à souligner l’horizon moral de la polémique en cours.
Très synthétiquement, Axel Honneth distingue trois sphères de reconnaissance qu’il considère indispensables à la réalisation de soi, à savoir :
– la sphère de l’amour qui se rapporte aux liens affectifs unissant une personne à un groupe restreint. L’auteur insiste sur l’importance de ces liens affectifs dans l’acquisition de la confiance en soi, indispensable à la participation à la vie sociale.
– la sphère juridico-politique qui reconnaît un individu comme sujet de droits et de devoirs et considère ses actes comme une manifestation de sa propre autonomie. La reconnaissance juridique est ainsi indispensable à l’acquisition du respect de soi.
– la sphère de la solidarité ou de la reconnaissance sociale qui permet aux individus de se rapporter positivement à leurs qualités particulières et à leurs capacités concrètes. L’estime sociale propre à cette sphère est indispensable à l’acquisition de l’estime de soi.
Réduit à trois aspects principaux (confiance, respect et estime), le mépris subi par chacun d’eux, atteint l’une ou l’autre de ses relations pratiques et révèle à l’individu la forme de reconnaissance dont il manque. Axel Honnet met ainsi à jour l’horizon morale des luttes sociales qui ne sont avant tout que des luttes de reconnaissance. Dans cette perspective, les conflits qualifiés souvent d’«ego» peuvent être analysés en terme de lutte pour la reconnaissance et de refus du mépris.
A la lumière de cette théorie, force est de constater que la polémique en cours nous conduit à faire le constat que sous prétexte de dénoncer les messages de haine de Kenny, il est intentionnellement dénié à ce dernier la même responsabilité morale, c’est -à-dire que ses contradicteurs ne lui reconnaissent pas de comportement approprié dans l’horizon normative dans lequel s’inscrit le travail de journaliste au Burundi.
Contrairement à ce qui est affirmé dans le propos d’Antoine Kaburahe dans sa lettre ouverte au Président du Conseil National de la Communication, le problème soulevé par le propos de Kenny Claude n’est pas le message de la haine qu’il véhicule. Si c’était cela, le problème pouvait être facilement réglé, car il s’agirait d’une infraction qui tombe sous le coup de l’article 266 du code pénal burundais, comme l’a rappelé Maître Segatwa Fabien, avocat pénaliste au barreau de Bujumbura (https://www.iwacu-burundi.org/les-auteurs-de-message-de-haine-sont-reprimes-par-larticle-266-du-code-penal/).
L’indignation cache plutôt une volonté de casser la dynamique de dévoilement entreprise par ce journaliste atypique des crimes du passé au Burundi et dont les auteurs sont restés impunis tout en état familiers du crime. Avec le temps qui passe, ces criminels sont devenus « des hommes ordinaires » pour utiliser l’’expression de Christopher Browning dans son ouvrage, Des hommes ordinaires Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne, Paris, Ed Les belles Lettres, 1994, 284p.
Un travail de mémoire qui dérange
Le travail de mémoire entrepris par Kenny Claude dérange à plus d’un titre ceux de ces criminels encore en vie mais aussi leurs descendants dont certains ont eu le crime en héritage. Les criminels et leurs descendants ont pendant longtemps couvert leur crime d’un voile de silence, un silence imposé aux rescapés et autres témoins survivants aux différentes tragédies qui ont endeuillé les familles hutu. Longtemps, le témoignage a été à sens unique et la culpabilité unilatérale, le vainqueur imposant sa narration des faits et privant au passage les victimes de leur droit à l’indignation.
Depuis le lancement des travaux de la Commission Vérité et réconciliation, les fosses communes révèlent au monde l’ampleur de la tragédie et les témoins oculaires racontent le modus operandi des escadrons de la mort et le vécu douloureux des rescapés. Avec les récits que Kenny Claude récolte à travers les mille collines du pays, les tueurs ont désormais un visage et un nom. Le travail de Kenny Claude fait tomber les masques et réhabilite à sa manière ceux à qui il était imposé une perte de l’estime de soi et le développement d’une honte sociale par une exclusion juridique savamment orchestrée.
Dans de telles circonstances, la pudeur et la décence auraient sans doute incliné à garder le silence en signe de respect à ces milliers de victimes ensevelis à la sauvette dans des fosses communes par les agents d’un Etat bandit et d’un ordre public assassin. En effet, « Donner la mort et s’emparer des biens des victimes » fut le véritable programme de gouvernement des Hima au Burundi », nous rappelle Perpétue Nshimirimana, dans sa contribution à la Commission Vérité-Réconciliation et au Mécanisme de Justice Transitionnelle, (https://www.arib.info/Perpetu-Nshimirimana-Quand-donne-la-mort-et-spolier-les-biens-des-victimes-est-un-programme-de-gouvernement-28082014.pdf).
Le tort de Kenny Claude n’est donc pas tant ses écarts de langage que le fait de donner la parole à ces voix longtemps étouffées à qui cet Etat assassin a ravi les leurs, tout en les privant de la possibilité de les pleurer et de mettre les mots sur leur douleur.
Le Burundi, un pays qui maîtrise un savoir -dire mais aussi et surtout un savoir-taire
« Aux explosions d’une violence inouïe se sont toujours succédées des périodes marquées par des silences assourdissants où l’on entendrait une mouche voler sur des cadavres », disait le Professeur Cishahayo Fabien le 29 avril 2017. C’était le jour de la commémoration à Bruxelles du 55ème anniversaire du génocide des hutu du Burundi et la présentation du livre Le Cdt Martin Ndayahoze Un visionnaire, Ed. Iwacu, 2016, 212 p., en présence de Madame Rose Karambizi Ndayahoze et du journaliste et éditeur Antoine Kaburahe.
Pendant le règne de Michel Micombero de 1966 à 1976, pour se préserver et préserver les siens, les hutu avaient choisi de se murer dans le silence comme stratégie de survie : dix ans de règne qui ont scellé le sort de l’ensemble des hutu et déchiré pour longtemps le tissu social burundais.
Avec les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, le moment est sans doute venu de délier les langues et de dévoiler le mal qui a été imposé à toute une partie de la population burundaise. Mais cette prise de parole est on ne peut plus dérangeante pour une catégorie de l’élite Tutsi qui est rattrapée par les faits, celle dont les pères sont responsables de cette page sombre de l’histoire de notre pays. Cette prise de parole contredit l’attitude de décence convenue, celle de « Ne pas exhumer le passé » (Nta kuzura Akaboze), considéré jusque-ici comme une attitude de sagesse.
Une prise de parole dérangeante
Cette prise de parole, une forme de montée au front contre l’insolente impunité, est aussi dérangeante pour cette frange de jeunes appelées « sans échecs » et « sans défaites » dont parle Teddy Mazina sous la plume du journaliste Abbas Mbazumutima « 1995 : massacres à l’université du Burundi. Genèse… », Iwacu, 29 juillet 2013 (https://www.iwacu-burundi.org/massacres-a-luniversite-du-burundi/ .
Elle est aussi dérangeante pour tous ces « tueurs aux visages d’ange », dont parlait la journaliste belge Colette Braeckman (https://www.lesoir.be/art/desastre-au-burundi-a-travers-un-pays-calcine_t-19931216-Z07LJF.html), qui, entre 1993 et 2005, ont participé à l’épuration ethnique des villes et à mettre à feu et à sang les belles collines du Burundi dans la fameuse campagne d’édification des camps de regroupements forcés des familles hutu. C’est aussi à cette frange de jeunes tutsi que nous devons les massacres sans nom sur les campus universitaires de Mutanga sud, Kamenge et Kiriri en mairie de Bujumbura et du campus de Zege en province de Gitega dans la nuit fatidique du 11 au 12 juin 1995. C’était à la suite d’un appel de Clément Nkurunziza, Willy Madirisha et Emmanuel Nkurunziza à « nettoyer les campus de l’université de ces saletés de hutu» (gukura iyo micafu y’abahutu muri kaminuza).
Que sous prétexte des considérations déontologiques ou éthiques, liées au métier de journaliste, certains cherchent encore à étouffer une fois de plus cette clameur qui monte à travers tout le pays et qui réclame que la justice soit faite à ces morts disséminées ici et là dans des fosses communes, sans sépulture, voilà qui est choquant et qui appelle l’indignation, car il s’agit du mépris à l’état pur, mépris à la mémoire des morts, mépris à leurs survivants. Le micro de Kenny Claude réussira-t-il à rendre parlantes toutes ces lèvres assoupies, pour paraphraser les Cantiques 7, 10.
Se drapant des vertus de professionnels ascétiques et dont la probité est hors de doute, ceux qui indexent actuellement Kenny Claude et ses sponsors de circonstance ne cherchent qu’à imposer une fois de plus la loi du silence par une forme de terrorisme intellectuel qui rappelle le marketing de la peur dont parlait il y a peu Daly Ngarambe dans la rubrique « Opinion » du journal Iwacu du 31 juillet 2017, à propos justement du journaliste Antoine Kaburahe.
J’ai toujours eu de l’estime pour le travail de qualité du journaliste et écrivain Antoine Kaburahe que j’éprouve beaucoup de peine à le voir associé aux personnalités pouvant être qualifiées d’irréductibles dans le mépris des hutu et le refus d’un régime démocratique où domine « la simple règle de la justice mathématique » (Nizigama I., 2015 :17) tels que Thierry Uwamahoro, Rufyiri Isidore, Marguerite Barankitse, Pacifique Nininahazwe, Innocent Muhozi, Teddy Mazina, Adrien Rugambarara, Bob Rugurika, Athanase Karabayenga, David Gakunzi, Jean Bwejeri , Libérat Ntibashirakandi, Armel Niyongere et d’autres encore.
Un extrémisme décomplexé et appel au meurtre
Jean Bwejeri, un des hommes-clés de l’extrême droite burundaise (Eric Kennes, Mouvement de l’extrême droite burundaise : comment pouvons-nous comprendre Haviila?, CEDAF – AfricaInstituut/Africa Museum Club.Waco, 28 avril2000), appelle désormais à visage découvert au meurtre des leaders hutu en fonction et explique pourquoi des générations de leaders hutu sont morts, non pas de mort naturelle, mais par la main des hommes tutsi. Cet homme dont la témérité n’a d’égal que le mépris qu’il porte envers les hutus cite Pierre Ngendandumwe, Gervais Nyangoma et tous les élus hutus de 1965, les officiers, sous-officiers et soldats et autres intellectuels hutu exécutés en 1969, Martin Ndayahoze, Melchior Ndadaye, Cyprien Ntaryamira, qu’il qualifie sans distinction de « Abamenja ». Selon lui, toutes ces victimes de l’hégémonie tutsi sont coupables d’avoir voulu participer à la direction du pays, en dépit de l’interdiction traditionnelle pour un hutu de prétendre à une telle dignité. Il emboîte ainsi le pas au journaliste Domitille Kiramvu qui, avant lui, avait appelé à l’assassinat du Président Pierre Nkurunziza (https://www.youtube.com/watch?v=5-5YG-D5rmw).
Le propos de Jean Bwejeri s’inscrit ainsi dans une longue lignée de mépris des tenants de l’hégémonie séculaire tutsi telle qu’incarnée en son temps par le député Jean-Baptiste Kayabo qui disait en 1964, je cite : « Nta muhutu yigeze atwara. Nopfuma mpfa hako ntwarwa n’umuhutu. Umwami arabahenda ngo yabahaye ubu ministre, n’ukubagira abanyakazi nta maraso y’ugutwara bafise » Traduction :« Le hutu n’a jamais gouverné. Je préfère mourir plutôt que d’être gouverné par un hutu. Le roi ruse quand il leur confie un ministère, en réalité ce ne sont que de simples ouvriers. Ils n’ont pas de sang pour gouverner. » (Burundi L’unité nationale De quoi s’agit-il ? p.43, cité par Raphael Ntibazonkiza, Au royaume des seigneurs de la lance Une approche historique de la question ethnique au Burundi Tome 2 De l’indépendance à nos jours 1962-1992, Bruxelles, Droits de l’homme asbl, 1993, p.34).
Argument de comparaison
En son temps, « la notion de ’péril hutu ‘, encore vivace de nos jours, comme l’indique l’historien Raphael Ntibanzonkiza, fut inventée par les leaders de l’extrémisme tutsi, Jean Ntiruhwama en tête, pour cacher leur peur de la démocratie naissante au Burundi. » (Ntibanzonkiza, R., 1993 :23). Et de citer Firmin Rodegem : « Le maintien des privilèges, des stratifications sociales imbriquées, des structures politiques traditionnelles immuables est le premier objectif des tutsis » (Rodegem, F., Il y a un an…Burundi : la face cachée de la rébellion, in Intermédiaire, 4ème année, 12-15 juin 1973, p. 15 cité par Ntibazonkiza, R., 1993 :23).
Le recours répété à l’argument de comparaison avec l’histoire du génocide rwandais n’est qu’une actualisation du péril hutu d’antan par la presse, les radios et les télévisions d’obédience tutsi ainsi que leurs relais sur la toile. Il porte à entretenir une peur du passé et une peur d’un avenir devenu incertain. Galvaudé, l’argument du génocide rappelle les formes de reductio ad Hitlerum dont traite la loi de Godwin posant que plus une discussion se prolonge plus s’élèvent les chances d’y voir surgir un argument de comparaison avec Hitler. L’historien idéologue Jean-Pierre n’a pas hésité en son temps à parler de « nazisme tropical » dans son ouvrage L’Afrique des Grands Lacs Une histoire du XXème siècle, Paris, Ed. Karthala, 210, pp. 357-376.
Ce raccourci argumentatif permet de maintenir les auditeurs dans « cette conscience de la précarité qui confine à l’angoisse » dont parlait le père Firmin Rodegem dans un article qui fait date (RODEGEM, F., 1975, Le poker verbal paru dans la revue Culture et Développement, Vol. VII, 2, pp.369-397).
Les manifestations insurrectionnelles de mai 2015, accompagnées d’une campagne médiatique savamment orchestrée sur l’imminence d’un génocide contre les Tutsis a trompé l’opinion sur le véritable objectif, celui de renverser le pouvoir démocratique en place et de restaurer l’hégémonie tutsi, en attirant une désapprobation généralisée sur le pouvoir de Bujumbura.
Stratégie du mensonge dans la bonne tradition burundaise
Dans une société où « la vérité n’est pas un élément dominant dans l’échelle des valeurs », pour reprendre la formule de Firmin Rodegem, une société où non seulement tout le monde est susceptible de dissimuler la vérité, mais où le « mensonge » est classé parmi les beaux-arts et les jeux de l’esprit les plus excitants », (Rodegem, F, 1973, Anthropologie rundi, A. Colin repris par le professeur Erny, un ethnologue de l’université de Strasbourg, dans une publication du CNRS, intitulée Ubgenge : intelligence et ruse à la manière rwanda et rundi, et publiée en 2003 dans les Cahiers de sociologie économique et culturelle), l’Union européenne et tout le système des Nations unies, notamment sa commission des droits de l’homme, ont été bernées par la propagande mensongère et les arcanes d’un « discours oblique » (Rodegem, F., 1973) mobilisés par les activistes de la société civile et leurs relais sur la toile.
Firmin Rodegem et Piere Erny sont rejoints par le professeur Fabien Cishahayo, dans Au coin du feu du journal Iwacu du 03 novembre 2018 pour dire que « l’intelligence de Bakame, le lièvre, qui consiste à rouler l’autre dans la farine, est considérée chez nous comme un des beaux-arts. Urwenge, akenge, la rouerie, la ruse, est un des traits de l’âme du murundi. Et ce compatriote de lancer un conseil avisé, « Tant que nous valoriserons la fourberie, la duperie, la rouerie, et la ruse, l’akenge en somme, il nous sera difficile d’évoluer, de sortir de l’ornière. Ce trait culturel est ‘’transethnique’’, c’est-à-dire qu’il traverse les lignes de fracture ethnique. »
Cette stratégie du mensonge a eu pour effet de jeter sur le chemin de l’exil des milliers de burundais, faisant d’eux des « sans Etat » et les privant corrélativement du « droit d’avoir des droits » selon l’expression de Hannah Arendt (CARLOZ-TSCHOPP M.-C. (Ed), Hannah Arendt, les sans-Etats et le « droit d’avoir des droits », Vol. 1., Paris, Ed. L’Harmatan.
Avec le temps, la plupart de ces compatriotes, transformés du jour au lendemain en « hommes jetables », « superflus », privés d’utilité et d’utilisation, pour utiliser les expressions de Hannah Arendt, par une campagne d’intoxication soutenue de leurs congénères, ont cessé de prêter l’oreille aux chants de sirènes et autres oiseaux de mauvais augure.
Les réfugiés de Mahama ont décidé de regagner leur chère patrie en vue de participer à l’effort de développement. Ils privent ainsi les irréductibles de l’hégémonie tutsi de ce qui était devenu leur fonds de commerce et leur vache à lait. Le mouvement est irréversible et personne ne pourra plus les garder en otage, fût-ce par menace.
Un message qui procure de l’espoir et la confiance en l’avenir
Le temps est aussi venu d’inviter les professionnels des médias traditionnels (presses, radios, télévisions) et leurs excroissances sur la toile de changer leur ligne éditorialiste en vue de s’inscrire dans une démarche constructive, celle qui procure de l’espoir et la confiance en l’avenir au lieu de continuer à vulgariser le mensonge et à faire le lit de l’angoisse et de la panique.
Dans un article intitulé « Le markéting de la peur ou la ringardise du journal d’information » paru sur https://www.videotelling.fr/marketing-peur/, l’auteur invite à exploser d’autres émotions que celles de la peur et de l’angoisse à l’instar du message du Pape François lors de la 51ème journée de communications sociales dont le thème était « Communiquer l’espérance et l’espoir en notre temps » (www.lavie.fr/actualite/documents/message-du-pape-pour-la-51e-journee-des-communications-sociales-24-01-2017-79408_496.php,).
Dans ce message, le Pape commence par rappeler l’attitude des pères de l’Eglise en matière de communication sociale quand il écrit :« Par le passé, nos pères dans la foi parlaient de l’esprit humain comme de la meule d’un moulin qui, actionnée par l’eau, ne peut pas être arrêtée. Celui qui est responsable du moulin a cependant la possibilité de décider de moudre du grain ou de l’ivraie. L’esprit de l’homme est toujours en action et ne peut cesser de « moudre » ce qu’il reçoit, mais c’est à nous de décider de quel matériel l’approvisionner (cf. Cassien le Romain, Lettre à Léonce Higoumène). »
« Je voudrais que ce message puisse atteindre et encourager tous ceux qui, dans leur milieu professionnel ou dans leurs relations personnelles, écrit le Pape, « moulent » chaque jour beaucoup d’informations pour offrir un pain frais et bon à ceux qui se nourrissent des fruits de leur communication. Je voudrais exhorter chacun à une communication constructive qui, en rejetant les préjugés envers l’autre, favorise une culture de la rencontre grâce à laquelle il est possible d’apprendre à regarder la réalité en toute confiance. »
Le Pape continue sur appel pressant « briser le cercle vicieux de l’anxiété et endiguer la spirale de la peur, fruit de l’habitude de concentrer l’attention sur les « mauvaises nouvelles » (les guerres, le terrorisme, les scandales et toutes sortes d’échecs dans les affaires humaines). Il ne s’agit pas évidemment de promouvoir une désinformation où le drame de la souffrance serait ignoré, ni de tomber dans un optimisme naïf qui ne se laisse pas atteindre par le scandale du mal. Je voudrais, au contraire, que tous nous cherchions à dépasser ce sentiment de mécontentement et de résignation qui nous saisit souvent, nous plongeant dans l’apathie, et provoquant la peur ou l’impression qu’on ne peut opposer de limites au mal. Dailleurs, dans un système de communication où domine la logique qu’une bonne nouvelle n’a pas de prise et donc ne constitue pas une nouvelle, et où le drame de la souffrance et le mystère du mal sont facilement donnés en spectacle, il peut être tentant d’anesthésier la conscience ou de tomber dans le désespoir. »
Enfin le Pape termine en apportant sa contribution pour une communication marquée de la logique de de bonne nouvelle : « Je voudrais donc apporter une contribution à la recherche d’un style ouvert et créatif de communication qui ne soit jamais disposé à accorder au mal un premier rôle, mais qui cherche à mettre en lumière les solutions possibles, inspirant une approche active et responsable aux personnes auxquelles l’information est communiquée. Je voudrais inviter à offrir aux hommes et aux femmes de notre temps des récits marqués par la logique de la « bonne nouvelle ». »
Nécessité d’implémenter des cours d’éducation civique et de formation à la citoyenneté partagée
La mise en place des cours d’éducation civique, de l’école fondamentale à l’université, de même que la formation à la citoyenneté au niveau des collectivités locales permettraient de briser la reproduction sociale de la culture du mépris et des tendances hégémoniques culturellement ancrées. Ce n’est en effet pas par décret que des avatars du passé peuvent être extirpés. Seul un travail de socialisation aux valeurs positives socialement partagées est à même d’aider à résorber de façon durable ces écueils du passé en vue de sortir d’une société du mépris.
- Mihigo, Bruxelles, le 29/08/2020