Sindimwo : “La tension entre le Burundi et le Rwanda concerne un seul Rwandais: Kagame”

Le 1er Vice-président de la République a accordé une interview exclusive au journal Ikiriho. Il revient sur les relations avec le Rwanda, les organisations internationales, le retrait de la CPI, etc.

Dernièrement, vous avez voyagé avec le Président du sénat rwandais dans un même hélicoptère, en Ouganda. Comment avez-vous vécu ce moment?

C’était un simple déplacement lors du 54ème anniversaire de l’indépendance de l’Ouganda. Nous étions des visiteurs et on avait prévu un hélicoptère pour nous deux, la délégation burundaise et rwandaise. C’était une bonne chose. On a eu des échanges d’amitié.

Dans quel climat ?

C’était un climat bien détendu, très apaisé. Il m’a demandé de se revoir le soir pour échanger. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps. Pour que la situation politique entre nos deux pays puisse s’améliorer, il faut qu’il ait des échanges. On a profité de ce moment pour se parler, c’est un début.

Estimez-vous que la normalisation des relations entre le Burundi et le Rwanda soit pour bientôt ?

Nous espérons. Dans l’histoire de nos deux pays, des moments de mésentente ont toujours existé, depuis les rois jusqu’aux présidents. A titre d’exemple, les relations entre le Burundi et le Rwanda étaient tendues du temps des présidents Kayibanda du Rwanda et de Micombero au Burundi. Mais, d’une manière générale, la tension entre nos deux pays est une question d’une personne. Nous ne voulons pas prendre la question du Rwanda comme une question de tous les Rwandais. C’est la question du président de la République rwandaise. J’ai l’intime conviction que demain ou après-demain la situation se normalisera.

L’ONU indexe le Burundi d’avoir commis des actes qui peuvent être assimilés à des crimes contre l’humanité. Quelle est votre commentaire ?

Ce n’est pas l’ONU mais des fonctionnaires de l’ONU. Certains fonctionnaires de l’ONU sous lobby des colonialistes et certains Burundais ont fomenté un complot contre le Burundi, en oubliant notre détermination à préserver la souveraineté du pays. Notre pays a organisé des élections en 2015 sans le soutien de cette pseudo communauté internationale. Alors, pour se défaire d’un pouvoir issu des élections, ils passent soit par les tueries, soit par un coup d’État, ou alors des manigances diplomatiques.

Il y a des réfugiés burundais à l’étranger. Et tout réfugié souhaite rentrer dans son pays, par tous les moyens s’il le faut, y compris par les armes. Qu’est-ce que vous êtes en train de faire pour les décider à rentrer au bercail ?

D’abord, nous devons stabiliser le pays, ramener la paix et la sécurité dans tout le pays, et amener le peuple burundais à cohabiter sans problème. En face de cette tranquillité, les réfugiés rentreront volontairement pour profiter de cette paix. En deuxième temps, nous devrons aller les rencontrer dans les pays qui les hébergent pour les persuader de rentrer de leur gré.

On a l’impression que le Burundi est un pays de plus en plus pays isolé, avec des relations plus ou moins tendues avec l’UE, l’UA et l’ONU, et des résolutions qui tombent en cascade. Que comptez-vous faire pour la normalisation des relations diplomatiques ?

Si on doit s’isoler pour mieux avancer, nous le ferons. Mais nous ne pouvons pas nous laisser ligoter et se faire dicter du n’importe quoi par ce que vous appelez “Communauté internationale”. Nous sommes prêts à assumer ce que nous sommes. Et je l’ai dit ci-haut: nous n’avons des problèmes qu’avec certains fonctionnaires de l’ONU, de l’UE et de l’UA, pas avec ces institutions en soi.

Par ailleurs, la notion de “Communauté internationale” ne se limite pas seulement à quelques partenaires occidentaux. Le Burundi a de nombreux amis à travers le monde, les uns plus discrets que les autres: voilà une autre raison qui nourrit notre sérénité.

Comment le Burundi se prépare-t-il à faire face aux éventuelles conséquences du retrait de la CPI ?

Le Burundi a ratifié le Statut de Rome instituant la CPI en 2003. Est-ce qu’avant 2003 le Burundi ne vivait pas ? N’y a-t-il pas d’autres pays qui n’ont pas encore ratifié cet accord ? Un exemple: les États-Unis n’ont jamais ratifié cet texte. Selon notre analyse, la Cour Pénale Internationale est devenue un moyen de pouvoir ligoter tel dirigeant qui n’agit pas selon le bon vouloir de telle puissance occidentale. Pour avoir les mains libres et travailler pleinement à notre développement ainsi que le renforcement de nos institutions républicaines, il faut quitter la CPI. Nous savons que des conséquences peuvent advenir, mais nous allons les affronter. Nous nous en sortirons. Vaut mieux sortir aujourd’hui, sinon nous condamnons nos générations futures.

Se retirer de la CPI au moment où le Procureur près cette cour envisage d’entamer un examen préliminaire sur le Burundi: n’est-ce pas une façon de s’auto-accuser ?

Nous ne nous accusons de rien. Je vous le dis : tout personne qui attaquera la République du Burundi aura en face un peuple uni pour se défendre. Ceux qui pensent aux armes, qu’ils soient prudents. Le feu attire le feu. On n’aimerait pas en arriver là. C’est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de pouvoir impulser un courant de paix.

Avec la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), estimez-vous que la vérité sera dégagée au regard du climat politico-sécuritaire actuel ?

Je suis optimiste.

Philippe Ngendakumana