Alors que l’Union Européenne voit le contingent burundais de l’Amisom comme un outil de pression sur le gouvernement burundais, les experts militaires redoutent l’effondrement de tous les gains engrangés en Somalie depuis près de 10 ans en matière de sécurité si le Burundi venait à retirer ses troupes.
Selon des sources diplomatiques sûres, des démarches ont été menées en Afrique afin de trouver un pays qui s’engagerait à remplacer le contingent burundais déployé en Somalie. Mais aucun pays n’a pu s’engager dans cette voie, essentiellement pour deux raisons.
La démoralisation des contingents de l’Amisom suite à la diminution des indemnités par militaire, leur non-versement du traitement sur plus de neuf mois alors que les pays contributeurs continuent à dépenser au jour le jour n’est pas de nature à pousser les pays à être spontanés pour la mission.
Par-dessus tout, le terrain est miné et présente beaucoup de risques qui pèsent sur la vie des militaires. Le terrain somalien exige en plus une consommation excessive de minutions et d’équipements militaires, à tel point que les pays contributeurs de troupes y dépensent plus qu’ils n’en tirent profit.
Autant dire que la mission en Somalie est loin d’être une sinécure: elle est plus une recherche de l’honneur et de la solidarité africaine qu’autre chose.
Actuellement le Burundi dispose de plus de 39 bataillons qui se sont relayés sur le terrain de la Somalie. Cela confère au contingent burundais une parfaite maîtrise du terrain et du combat asymétrique des Al Shabab, même si ces derniers pratiquent quelques fois des combats rangés, surtout dans les nouvelles zones récupérées par l’Amisom.
« C’est la stabilité de la Somalie et de la sous-région qui est en jeu »
Plusieurs analyses ont été publiées ces dernières semaines expliquant que le retrait du contingent burundais affectera la stabilité du gouvernement burundais, et généra l’hégémonie politique dont jouit le CNDD-FDD sur l’échiquier politique local. C’est mal connaître la structure militaire de la FDN, et les leviers de contrôle social bâtis par le parti au pouvoir depuis 2005 et consolidés par la crise de 2015.
Ces analyses font la part belle aux vœux de l’opposition regroupée au sein du CNARED, dont la grille de lecture des forces en présence au Burundi est souvent approximative. 2015 l’a de nouveau prouvé.
Le retrait du Burundi de l’Amisom va plutôt déstabiliser la Somalie. Tout mouvement de contingent Amisom dans le sens de désengorgement impliquera un marquage de points par les Shabab, et in fine, la dilution de tous les efforts africains et régionaux pour stabiliser la Somalie.
Le dernier exemple avec la ville de Halgan, au centre de la Somalie, est très éloquent: le retrait des militaires de l’Éthiopie a vite été récupérée par les Shabab, qui ont immédiatement investi la ville. Conséquence: flux de déplacés intérieurs, revanches criminelles sur la population et perte du contrôle par le gouvernement fédéral de Somalie, alors que le pays s’engage dans une long mois électoral de novembre (législatives et présidentielles).
L’échec de l’Amisom créera la contagion de toute la région et verra l’expansion du terrorisme international dans toute l’Afrique de l’Est, alors que les pays de l’EAC parvenaient progressivement à créer de la stabilité après une double décennie pleine de tragédie. Le premier pays qui souffrirait du regain de nuisance des Shabaab serait le Kenya, moteur-économique de l’EAC.
Le premier vice-président du Burundi a alerté contre les manœuvres de pression de l’UE au travers des troupes burundaises en Somalie. D’après certaines sources, le gouvernement plancherait sur un plan de rapatriement de son armée du sol somalien, ou du moins, de la cantonner dans les camps, jusqu’au paiement des arriérés. “Désormais, rien n’est à exclure avec Bujumbura: l’expérience du retrait de la CPI nous l’a suffisamment prouvé”, explique un diplomate basé à Bujumbura.
L’UE se trouve donc au devant d’un choix cornélien: maintenir la pression sur le gouvernement burundais comme le demande l’opposition au travers le contingent burundais de l’Amisom, et faire courir un risque majeur de déstabilisation à toute la région de l’Afrique de l’Est. Ou alors laisser tranquille l’Amisom, et décevoir l’opposition burundaise.
Ikiriho – by Evrard Bangayimbaga