RDC: les 10 ans du rapport Mapping

Un Officier du Bureau Conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme (BCNUDH), présente aux partenaires de la société civile le rapport du « Projet Mapping » sur les violations les plus graves des droits de l’homme, entre mars 1993 et juin 2003 en RDC. Photo Monusco/Abel Kavanagh
 
C’était il y a 10 ans, jour pour jour, rappelle le site d’information congolais Actualité CD : « le 1er octobre 2010, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme publiait le rapport du projet de cartographie des crimes graves perpétrés sur le sol du Congo-Zaïre entre mars 1993 et juin 2003. Ce rapport avait répertorié 617 incidents auxquels se rapportent les violations les plus graves des droits humains, y compris des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le rapport avait également dressé un état des lieux de la capacité du système judiciaire national, et proposé des options de justice pour faire face aux conséquences de ces crimes. A ce jour, pointe Actualité CD, en dehors de quelques progrès réalisés sur le plan législatif et de quelques poursuites menées de manière éparse par la justice congolaise, les crimes documentés dans ce ‘Rapport Mapping’ demeurent largement impunis. Pendant ce temps, de nouveaux crimes graves continuent à être commis à grande échelle sur le territoire congolais, y compris par les mêmes acteurs que ceux qui avaient sévi entre 1993 et 2003, forts de l’impunité dont ils jouissent et de l’influence militaire, politique et/ou économique qu’ils ont conservée, voire renforcée, en RDC et dans la sous-région. »

Alors « cet anniversaire est une occasion propice, conclut Actualité CD, de faire le point sur les progrès réalisés en matière de vérité, de justice et de réparations en RDC au cours des dernières années, sur les obstacles et les défis subsistants, et sur les voies et moyens de les surmonter pour étancher la soif de justice et donner enfin une réelle chance au respect des droits humains. »

Pourquoi cet immobilisme ?

« Malheureusement, 10 ans après, le constat est amer et implacable, relève pour sa part Alphonse Maindo, universitaire et politologue dans une tribune publiée par le site spécialisé sur la RDC Afrikarabia : rien n’a vraiment changé en matière des droits humains, affirme-t-il. Les mêmes crimes se poursuivent allégrement sans désemparer, les victimes sont livrées à elles-mêmes sans aucune réparation ni justice, ni même la simple vérité. Pourquoi 10 ans de silence après ce rapport ? »

Alphonse Maindo y voit plusieurs raisons : « en premier lieu, l’Etat congolais n’a jamais fait de ce rapport son cheval de bataille. Et pour cause, l’Etat congolais est fragile et défaillant, sa justice est inapte à poursuivre les auteurs des crimes. Et puis, nombre d’auteurs présumés de ces crimes occupent des postes importants dans les plus hautes sphères de l’Etat. »

Autre raison : « le manque de financement international et probablement de volonté politique. En effet, pour appliquer les recommandations du Mapping, notamment celles concernant la justice transitionnelle, il faut mobiliser des fonds. Et les principaux bailleurs des fonds ne se bousculent pas. »

Il y a aussi, pointe encore Alphonse Maindo, « l’action de puissants lobbies qui travaillent à congeler voire à fossiliser le Rapport Mapping. Ces lobbies sont mus, pour certains par de gros intérêts économiques et financiers derrière les pillages et trafics des ressources naturelles ayant accompagné ou motivé les crimes décriés. »

Et « en dernier lieu, on retrouve la résistance de certains pays accusés dans le rapport (Rwanda, Ouganda, Burundi, etc.) et de certains individus soupçonnés d’avoir perpétré ces crimes et assumant des hautes responsabilités politiques et/ou sécuritaires dans les Etats de la région. »

Justice !

Alors, « il est temps que les responsables politiques et militaires des crimes les plus graves commis en RDC entre 1993 et 2003 répondent de leurs actes », s’exclame Clément Boursin dans une autre tribune, publiée cette fois par Le Monde Afrique.

Clément Boursin est responsable Afrique de l’ONG ACAT France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture). Pour lui, « l’avènement d’une justice réparatrice est essentiel pour construire la paix dans le pays. Divulguer publiquement les noms de ces responsables, inscrits dans la base de données du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, pourrait contribuer à les écarter du pouvoir, à les amener devant la justice et à libérer la parole des victimes et des témoins qui ne seraient plus contraints de vivre dans la peur des représailles de leurs bourreaux. Le Rapport Mapping, conclut-il, ne doit plus être un sujet tabou. »

Par : Frédéric Couteau Suivre