L’ambassadrice du Burundi à La Haye évoque son action auprès de la Cour pénale internationale (CPI) aux plus forts moments de la crise. Elle appelle aussi le ministère en charge de l’EAC pour faire adhérer le Burundi au visa touristique unique de l’EAC.
La Procureur de la CPI, Fatou Bensouda
Quelles sont les relations que vous entretenez avec la Cour pénale internationale (CPI) et sa procureure générale, notamment après les plaintes lui soumises sur le Burundi ?
La CPI est une institution juridique internationale, liée à l’ONU et régi par le Statut de Rome que le Burundi a ratifié. Pour ce qui des plaintes déposées au parquet de la CPI, je ne saurais pas les quantifier ni apprécier leur contenu. Mais on a constaté que la procureure Fatou Bensouda a toujours sorti des déclarations qui mettaient en garde ou qui rappelaient à l’ordre le Burundi face à la crise. La raison, d’après la procureure, est que la CPI est là pour faire le monitoring des pays dans lesquels se passent des crises pour observer s’il y a commission des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et de toutes les infractions prédéfinies dans le Statut de Rome.
Mais la procureure est allée jusqu’à l’ouverture d’un examen préliminaire…
Effectivement. Ses déclarations ont évolué jusqu’à une étape supérieure qui est celle de l’ouverture d’un examen préliminaire. Il consiste à faire une analyse approfondie de toutes les informations qui sont déposées comprenant ce que les uns appellent notamment “plaintes, informations, infractions”. Ce qui est important de savoir ici est qu’un examen préliminaire est différent d’une enquête. Un examen préliminaire est une analyse de toutes les informations à la disposition du bureau du Procureur et pouvant lui permettre de dire qu’au niveau d’un pays, il y a eu commission d’infractions prédéfinies dans le Statut de Rome qui peuvent permettre à la procureure d’entrer finalement dans la phase de l’ouverture d’une enquête.
Ces mises en garde suivies d’un examen préliminaires, cela ne démontre-t-il pas que l’ambassade du Burundi à La Haye ne s’est pas suffisamment battue pour exposer clairement à la procureure Fatou Bensouda la situation qui prévaut au Burundi ?
Je ne peux pas dire que je n’ai pas été dynamique. En qualité d’ambassadeur, j’ai fait de mon mieux pour jouer le rôle de bouche, d’œil et d’oreille du pays devant la procureure. Il faudrait remonter au 25 avril 2015, avec l’approbation de la candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle par le parti Cndd-Fdd. Ce fut le début de l’insurrection violente et non des manifestations pacifiques comme certains les ont appelées. On saura que concomitamment à ce qui se faisait au Burundi, il y a eu un mouvement parallèle à La Haye. Les membres de la diaspora manifestaient dans les rues. Et chaque fois, ils se dirigeaient vers La Haye avec les slogans: « On veut voir les autorités burundaises coffrées à La Haye à l’instar de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et consort ».
D’aucuns disent que vous avez été souvent reçues par madame Bensouda à ce moment-là…
Pour revenir à la question, en ma qualité d’ambassadeur, j’ai fait de mon mieux pour porter à la connaissance de Mme Bensouda les tenants et les aboutissants de cette crise. J’ai fait de mon mieux pour expliquer que ce que la diaspora diffusait comme slogan dans les rues reflétait ce que des médias burundais, acquis à l’opposition, diffusaient. Il fallait pointer cette forme d’intoxication de l’opinion et d’instrumentalisation des informations fournies à la CPI. J’ai tout fait pour essayer d’équilibrer l’information servie à la procureure, par l’information fournie par le Burundi. Non seulement je lui ai exposé ce que je pensais, mais il y a eu aussi beaucoup de déclarations du gouvernement du Burundi en la matière et par différentes autorités. Tous ces contre-arguments ont été relayés à la procureure Fatou Bensouda.
Comment à La Haye, la CPI et son parquet général ont accueilli le retrait du Burundi du Statut de Rome ?
Cela a été un acte difficile à encaisser car la CPI ne s’y attendait pas. Mais à voir la discrétion, le professionnalisme dans le respect de la procédure, le modus operandi pour arriver d’un coup à un résultat qui a pris de court tout le monde, le corps diplomatique de La Haye n’en revient pas, de même qu’à New York, aux Nations Unies où l’on devait déposer l’instrument de retrait.
Quelle est la position des Pays-Bas face à la crise qui secoue le Burundi ?
Il me serait difficile de bien apprécier la position des Pays-Bas dans la crise burundaise, car ils ont leur représentation à Bujumbura. Celle-ci est la mieux indiquée pour l’exercice. Mais ce que je constate c’est que les Pays-Bas, membres de l’Union Européenne, ne se sont pas dérobés par rapport à la position de l’UE face à la crise du Burundi.
Certains Burundais de la diaspora accusent les représentants du pays à l’étranger de ne pas faire assez pour décider les touristes à visiter le Burundi, première étape pour attirer des investisseurs dans le pays…
Le tourisme et l’investissement se suivent effectivement. Mais en ce qui concerne l’attraction des touristes, la réponse est simple: les touristes se rendent dans un pays où ils se sentent sécurisés. Or, l’instrumentalisation de l’opinion en termes de manque de sécurité au Burundi a beaucoup freiné la venue des touristes. Deuxième aspect, au niveau de l’East Africain Community (EAC), le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie ont instauré le « Visa touristique unique ». Le touriste entre dans ces pays avec un seul visa. Vous comprenez bien que le touriste qui vient dans la sous-région de l’EAC, laquelle est composée de cinq pays et que c’est seul le Burundi qui n’a pas adhéré à ce visa commun, ce touriste se posera beaucoup de questions avant de se décider à fouler le sol burundais.
Vous souhaitez donc que le Burundi adhère au “visa touristique unique” de la région…
En effet. Lorsque les ambassades de l’EAC ont lancé ce visa, ils ont organisé un événement commun pour dire aux touristes de la Hollande que dorénavant, ils avaient cette facilité d’avoir un document unique donnant accès aux quatre pays de la région. Excepté le Burundi. L’ambassade burundaise que je représente fait se son mieux pour attirer les touristes au Burundi. Et un des moyens de faciliter notre action, c’est que les autorités burundaises en charge de l’EAC analysent la question du visa unique.
Finalement, vous étés rentrée pour passer vos vacances au Burundi?
En venant au Burundi, j’avais une double mission. La première est d’être en contact avec ma famille proche et lointaine. La deuxième est de pouvoir vivre la situation au Burundi, qui s’est nettement améliorée, je trouve.
by Philippe Ngendakumana