Au-delà de la libération de 58 « condamnés du MSD »

La ministre de la Justice et Garde des Sceaux Aimé-Laurentine Kanyana a présidé les cérémonies de libération de 2.500 prisonniers concernés par la grâce annoncée par le président Nkurunziza dans son message à la nation de la saint Sylvestre. C’était ce lundi 23 janvier à la prison de Mpimba de Bujumbura. Une surprise même pour la ministre : l’élargissement des condamnés pour atteinte à la sûreté de l’Etat.

La ministre Aimée-Laurentine Kanyana en compagnie du procureur général de la République, Sylvestre Nyandwi ce lundi 23 janvier à la prison de Mpimba.
«A la surprise générale, 58 jeunes qui étaient de connivence avec Sinduhije le 8 mars 2014 viennent d’être graciés. Ce jour-là, à la permanence de leur parti, ces jeunes clamaient qu’ils voulaient renverser les institutions élues par la population. Ils se sont même permis de désarmer et de prendre en otage des agents de police. Vous comprenez qu’ils étaient condamnés pour une infraction grave et qu’ils ne méritaient pas la grâce ». Déclaration à la presse de la ministre Kanyana qui ajoute que la décision a été motivée par le fait que la situation sécuritaire s’est sensiblement améliorée dans le pays et que le président Nkurunziza est confiant que ces jeunes ne récidiveront pas.

Prudence chez Laurent Delahousse, ambassadeur de France au Burundi : « J’ai pris connaissance de l’annonce des autorités burundaises que des membres du MSD seraient parmi les prisonniers graciés et libérés. Si c’est bien le cas, ce serait une excellente nouvelle. J’attends que la liste précise des personnes en question soit publiée et que leur sécurité soit attestée avant de me prononcer.”

Au-delà d’une décision saluée par les politiques

Le vice-président du Sahwanya-Frodebu salue la mesure mais trouve trouve que rien n’est gratuit : « Le gouvernement du Burundi répond aux exigences de la sous-région qui demande la création d’un environnement propice au dialogue. Il répond aussi aux exigences de Bruxelles qui conditionne la reprise de la coopération avec le Burundi à la libération des prisonniers politiques ».

Léonce Ngendakumana renchérit : « Le pouvoir Cndd-Fdd veut gagner de la crédibilité pour augmenter ses chances de continuer sur sa voie de préparer les élections de 2020 ». Il glose aussi sur cette grâce « qui n’a pas touché tous les contestataires du troisième mandat”.

L’ancien président de l’Assemblée Nationale remarque que « si le gouvernement avait demandé au Parlement de voter une loi d’amnistie, la libération aurait touché un plus grand nombre de prisonniers. » En outre, « une loi d’amnistie aurait été plus crédible que la grâce décrétée par le président de la République » et de conclure que « l’actuelle libération risque d’être interprétée comme de la pure propagande de Pierre Nkurunziza ».

Quant à Jacques Bigirimana, président du parti FNL il salue aussi la mesure de libération des prisonniers : « Elle est conforme à ce que demande la facilitation de Mkapa et à celle de la communauté internationale. Cette libération est aussi conforme aux recommandations du sommet des chefs d’Etats de Kigali de l’année passée ». Par-dessus tout, cette libération « est une réponse aux doléances de la population lors du dialogue inter-burundais ».

Toujours selon M. Bigirimana, “des réfugiés rentrent au pays et sont réintégrés”. Cette libération vient à son tour s’inscrire dans le cadre de “la création d’un climat encore plus propice en vue des élections de 2020 “.

Côté société civile, les associations de défense des droits des prisonniers reviennent sur la surpopulation carcérale. Pour Jean Pierre Nintertse, président de l’association volontaire pour la défense des droits des prisonniers, « la libération de seulement 2.500 prisonniers sur les 10.049 du mois de décembre 2015 est presqu’un geste symbolique ».

by Philippe Ngendakumana