La dernière réunion du CNARED en Belgique signe un message important en termes d’objectif et de missions de la plateforme de l’opposition radicale: Alexis Sinduhije place ses hommes pour 2020.
La rhétorique guerrière est apparemment terminée, même si on ne peut jamais totalement le dire en politique burundaise. Dans la série de tweets d’Anicet Niyonkuru sanctionnant la rencontre des organes dirigeants de la coalition, le CNARED annonce qu’il est “toujours prêt à négocier pour le retour à la paix, mais le Gouvernement burundais traîne les pieds”.
Une manière de se démarquer nettement des déclarations précédentes, dans lesquelles Charles Nditije affirmait notamment que “le départ de Nkurunziza est une question de coûts, en termes de vies humaines, financiers, en temps matériel. C’est tout. Les autres spéculations renforcent M. Nkurunziza.” Plus tard, Alexis Sinduhije affirmait “ne pas voir d’autre voie pour chasser Nkurunziza du pouvoir” que les armes.
Au-delà de ces déclarations, la réunion du CNARED de Louvain montre une nouvelle redistribution des cartes au sein de la plateforme de l’opposition radicale. La montée dans tous les postes stratégiques des fidèles d’Alexis Sinduhije indique une stratégie de contournement de la suspension de son parti par Bujumbura, au cas où elle accoucherait à terme d’une radiation. En retrait depuis les sanctions contre Bamvuginyumvira, le Sahwanya Frodebu aura finalement laissé le leadership de la coalition au MSD.
En attendant 2020, Alexis Sinduhije place ses hommes dans tous les postes-clés du CNARED. La trésorerie va à Abdul Nzeyimana, Pancrace Cimpaye retrouve ses fonctions de porte-parole de la coalition et entre au sein du Directoire, l’ancien journaliste de la RPA Bakari Ubena devient Commissaire-adjoint à la communication et aux relations publiques, alors que le vice-president du MSD Me François Nyamoya devient Commissaire-adjoint aux négociations et processus de paix.
Quant à Aline Ndenzako, l’ancienne vice-présidente de la Maison Shalom hérite du Commissariat des droits de l’homme et des questions humanitaires. Un poste stratégique, quand on sait combien la question des droits humains est chère pour les détracteurs de Bujumbura et jouit d’une oreille attentive à Genève et New-York.
Alors que les pays européens qui hébergent le CNARED pressent les acteurs burundais pour un dialogue “inclusif” en communion avec l’ONU, l’UA et l’EAC, “il ne reste d’autre jeu politique à terme pour les opposants au Cndd-Fdd que la préparation des élections de 2020”, analyse un des observateurs militaires de l’Union africaine en poste à Bujumbura. “Cela a aussi le potentiel de démoraliser une large frange des membres. Comment expliquer qu’après toutes les promesses depuis 2015, les unes plus radicales que les autres, mais toutes finalement fausses, l’on soit de nouveau emmené à composer avec Nkurunziza, qui de surcroît risque de rempiler à la faveur d’un changement de Constitution?”
En tout cas, quelque soit la suite du dialogue inter-burundais en cours, si le CNARED en tire profit en termes de postes, le MSD aura bien placé ses hommes.
Par Evrard Bangayimbaga