Le chat qui se fait moine n’oublie pas ses habitudes, le cas Mpozagara !

Voici quelques éléments qui permettent d’appréhender l’atmosphère qui régnait au Burundi lors de la pure invention de complot de la part du pouvoir Micombero pour pouvoir exécuter officiers, sous-officiers, hommes de troupes, politiciens et intellectuels Hutu après une parodie judiciaire à huit clos sous la supervision de Sieur Mpozagara.

En 1964, le Burundi formait une base arrière de la guerre contre le Congo-Kinshasa, dirigée par les Mulelistes et encadrée par le commandant Tatu alias Che Guevarra à la tête d’un contingent cubain. On remarquait également la présence chinoise elle aussi appuyée par le Burundi.
Le gouvernement Nyamoya leur assurait un service logistique important: charroi, renseignement, logement, etc..

Le roi Mwambutsa subissait alors les pressions des alliés du Congo qui lui enjoignirent de supprimer toute aide à la rébellion congolaise. Le roi obtempéra révoqua le gouvernement Nyamoya et rappela Pierre Ngendandumwe comme Premier Ministre. Celui-ci fut immédiatement assassiné en janvier 1965. Sa mort provoqua dans le pays une tension considérable, les Bahutu accusant les Batutsi d’avoir tué leur leader.

Pour apaiser la colère du peuple le roi dissolvait l’assemblée nationale et décrétait les élections législatives pour juin-juillet 1965. Remarquons en passant que pendant cette période d’incertitude et de peur, le roi vivait tranquillement en Suisse. Il rentrera après les élections mais sera incapable de tirer les conclusions des urnes. Celles-ci venaient d’envoyer au parlement une majorité des Bauhutu complétée par les Baganwa, les Batutsi essuyant un échec retentissant.

Malgré tout, le souverain nomma Premier Ministre son cousin et homme de confiance qui n’était même pas député. Ce fût la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Les militaires attaquèrent le palais royal et la résidence.
Le colonel Verwayen, commandant de l’armée nationale, rétablit l’ordre tandis que le roi quittait le Burundi en abandonnant définitivement le pays pendant cette période critique de son histoire. C’est alors que les aventuriers: Micombero Simbananiye, Shibura et André Muhirwa s’emparèrent du pouvoir et commencèrent une répression sanglante contre les Bahutu.

Toute une élite fut décimée en quelques jours sans au moins un simulacre de jugement. Busangana fut alors la réponse des Bahutu à ces tueries contrairement à ce qu’affirme Mpozagara à savoir que Busangana est un acte gratuit des Bahutu contre les Batutsi.

Lorsqu’en 1966, cette clique proclame la république, une majorité des Bahutu et des Batutsi, militaires et civils, s’inquiéta et redouta le retour des pogromes de 1965. C’est ainsi que les Batutsi et les Bahutu le font savoir par les tracts qui inondèrent la capitale. Certains leaders sont arrêtés (Bahutu comme Batutsi). Ils mourront des suites des tortures ordonnées par Mpozagara alors procureur. Je nomme entre-autre le Muhutu Bankanuriye dont on cassa la colonne vertébrale et qui fut ministre de Rwagasore. Il y a aussi Jean-Baptiste Kayabu député qui mourra également en prison suite aux tortures. Il y a en d’autres. Mais les royalistes ne désarment pas, ils font sauter les munitions de l’armée. Ainsi Mpozagara se fait la main en préparant le coup de 1969 avec Micombero et consort qui devait emporter des dizaines d’innocents.

Au lendemain du coup d’Etat militaire du capitaine Michel MICOMBERO, furent supprimés : le pluralisme politique en vigueur depuis l’indépendance, le sénat, le parlement et tous les partis d’opposition. Tous les Burundais furent forcés d’intégrer le parti au pouvoir UPRONA, ainsi que ses mouvements intégrés. (J.R.R., U.F.B., U.T.B.) et adoptèrent un profil bas : « Hagupfa wozanzama » (mieux vaut survivre que trépasser) telle semblait être la nouvelle devise des Barundi. Par contre, une propagande effrénée à travers les médias nationaux et internationaux rendait les Hutu responsables des événements d’octobre 1965. On alla jusqu’à les qualifier du terme infamant « d’abamenja » (régicides). Ce terrorisme intellectuel savamment entretenu par MICOMBERO et ses acolytes dont Mpozagara et Simbananiye porta ses fruits : les Hutu avaient tellement peur qu’ils en arrivèrent à éviter de se parler en public, vu le système de terrorisme psychologique installé depuis le coup d’Etat de novembre 1966

Ce n’est qu’en 1968 que Micombero commença à dévoiler quelques coins de son plan, et lors de son discours du ler juillet 1968, il expliqua sa tactique en disant que quand on a un fagot à brûler, il vaut mieux s’y prendre arbrisseau par arbrisseau, sinon on se complique la vie,…. (Monsieur Mpozagara plaide avec brio pour la politique menée à cette époque dans son ouvrage publié en 1971 intitulé « La République du Burundi » dans l’encyclopédie politique et constitutionnelle, série Afrique, de l’Institut International d’Administration Publique.

Ainsi dit, ainsi fait, puisqu’un an plus tard, il procédait aux arrestations massives et à l’exécution d’un grand nombre de Hutu en vue à l’époque, non sans avoir hypocritement dénoncé « le tribalisme » (alors que le régime Micombero avait érigé l’exclusion ethnique en mode de gouvernement), lors de son discours inaugurant les cérémonies du 2ème anniversaire de la République, le 28 novembre 1968.
Quelques mois avant le retour au pays des trois officiers Karorero, Katariho et Bazayuwundi, une rumeur circulait au Burundi, et surtout à Bujumbura, faisant croire que ces trois militaires avaient regagné le Rwanda et préparaient une attaque armée contre le Burundi.

Micombero dépêcha un émissaire en la personne de Ntungumburanye Jérôme, chef de la sûreté de l’État. Il devait vérifier paraît-il, le fondement de cette rumeur. A notre connaissance, l’émissaire ne s’est pas d’abord rendu au Rwanda, où les trois officiers étaient censés se trouver, pour faire sa vérification, mais il est venu à Bruxelles, où il a rencontré ses collègues officiers dans un café près de la Place Dailly à Bruxelles C’était au printemps 1968. Il s’en retourna ensuite pour rendre compte de sa mission.

Curieusement, la rumeur qui persistait n’a pas été démenti suite aux constatations de l’émissaire.

Manifestement, ceux qui ont lancé une telle rumeur cherchaient à motiver toute action à l’encontre des trois officiers. Alors que les autres militaires tutsi, qui avaient suivi la même formation, ne faisait l’objet d’aucune accusation, les trois militaires hutu étaient quant à eux, comploteurs avant d’avoir achevé même leurs études… « 

La mission de M.Ntungumburanye n’a pas dissipé la suspicion que le pouvoir Micombero faisait peser sur les trois officiers car ce n’était pas le but du jeu. L’accueil qui leur fut réservé à leur retour au Burundi était pour le moins curieux:

Comme les trois militaires et leurs familles n’avaient rien à se reprocher, ils ont le plus simplement du monde regagné leur pays, le 6 août 1968, à la fin de leur formation.

Dès la descente de l’avion ils sont pris en charge par des officiers de l’armée burundaise, Mr Rwuri en tête, bien connu pour son extrémisme; avec des Jeeps dans lesquels ils furent embarqués jusqu’à l’hôtel Paguidas à Bujumbura où ils avaient loué un studio pour chaque famille. Comme si leurs familles n’étaient pas capables de les recevoir chez elles! D’habitude, tous les officiers qui rentrent au pays ne sont pas accueillis de la sorte. Cela fut réservé à eux seulement. Pourquoi? En réalité, ils étaient cernés et surveillés dès l’instant où ils ont mis les pieds à Bujumbura et durant le séjour à l’hôtel.

Ils y sont restés environs dix jours, le temps des formalités administratives suivies des nominations: Karorero à Bujumbura, Katariho à Bururi et Bazayuwundi à Ngozi. Au bout de six mois, Katariho fut transféré à Bujumbura.
Dès le 18 septembre 1969, Michel MICOMBERO fit procéder à leur arrestation ainsi que de civils et religieux Hutu.
Les prisonniers furent soumis à de pires tortures dans le but de leur faire avouer:

 qu’ils voulaient renverser le président Micombero

 que le commandant Karorero était à la tête du complot

 qu’ils étaient aidés par des puissances étrangères anti-communistes etc.
Les moyens de torture appliqués aux détenus furent multiples et variés, relevant de l’imagination diabolique la plus prodigieuse. Les témoins affirment qu’à côté de cela les nazis n’avaient aucune imagination !

Ces tortures ont été brutales et cruelles au point que plusieurs détenus en ont succombé. La plus illustre de ces victimes est le docteur Cyprien Henehene, ancien ministre de la santé :

Lorsqu’ils sont arrêtés les accusés d’atteinte à la sûreté de l’état, officiers comme civils, écopent d’un jugement en vase clos où les jeux sont faits d’avance exactement comme les procès staliniens où on voit les accusés faire des aveux, accuser leurs propres compagnons. Lorsque les accusés de 1969 sont arrêtés, Mpozagara ne mentionne pas qui les a dénoncés. Nous savons par contre que  » l’interrogatoire » est rondement mené, elle est musclée puisque Mpoazagara a l’habitude. Le soir Mpozagara se trouve chez Micombero entouré de son ami Ntungumburanye alors chef de la sûreté et le ministre de la justice pour confectionner le questionnaire du lendemain. Il en sera ainsi jusqu’à la fin de l’instruction. Le verdict est donc prononcé au cours de ces soirées bachiques. On le donnera au tribunal pour le prononcer la plupart des fois les juges en ignorent jusqu’à la dernière minute le contenu.
Sur 80 personnes interpellées, 25 furent condamnées à mort dont 19 militaires et 6 civils.

Mais aussitôt le verdict rendu, la rapidité avec laquelle les condamnations furent exécutées a surpris plus d’un observateur. Les exécutions capitales eurent lieu aussitôt après l’arrêt de la cour martiale. Micombero voulait mettre les protestataires devant un fait accompli et ainsi leur couper l’herbe sous les pieds. En effet, des démarches et pressions extérieures s’exerçaient en faveur des malheureuses victimes. Mais comme le témoigne madame feu capitaine Bazayuwundi « ni la lettre du Pape Paul VI, demandant le recours en grâce à Micombero, ni les nombreuses lettres et interventions venant de Bruxelles, notamment des professeurs de l’Ecole royale militaire, n’ont eu aucun écho auprès du sanguinaire Micombero et de son équipe d’extrémiste assoiffés du pouvoir par le sang  » Simbananiye et Mpozagara.

De manière tout à fait officielle, plusieurs pays étrangers dont la Belgique et les Etats-Unis adressèrent au Burundi des lettres de protestation, mais en vain. L’ambassadeur de Belgique à Bujumbura, le général Henniquiau, fut déclaré personna non grata par le Burundi, puis expulsé.

Parmi tout ce que Mpozagara raconte, lorsque son ami Ntungumburanye et les autres sont arrêtés en 1971, il a effectivement interdit la torture qui était monnaie courante auparavant. Mais là il se protégeait car les purges frappaient alors l’élite d’Ijenda dont il faisait partie.

Non Monsieur Mpozagara, il est regrettable de voir qu’au moment où le Burundi est sur la voie de la réconciliation au lieu d’apporter la lumière qui a tant fait défaut dans la gouvernance du passé, vous continuez à persévérer dans la manipulation et l’occultation de la vérité.
Peut-il en être autrement ? Non car le chat qui se fait moine n’oublie pas ses habitudes.

Kabura Nicodème