Un article très remarqué du journal Le Monde revient ce mardi sur un phénomène politique belge pour le moins paradoxal, enraciné mais étrangement toléré, voire adoubé en Belgique depuis des décennies: “les fils et les filles de” au pouvoir.
“Spécialité” belge
La politique, une “affaire de famille”? Une “spécialité” belge, manifestement: “Quelque 15 % des élus du royaume ont désormais un père ou une mère qui a déjà exercé un mandat. Au-delà de 10 %, on peut affirmer qu’une démocratie qui fait la part belle aux dynasties dysfonctionne, expliquait, en 2016, une étude de l’université américaine Harvard. En Europe, seules la Grèce et l’Irlande feraient ‘mieux’ que le pays du roi Philippe en termes de népotisme, tandis qu’en Allemagne il est presque inexistant. Aux Pays-Bas, la Chambre des députés comptait, en 2017, un seul ‘fils de’ sur 150 élus”, développe Jean-Pierre Stroobants.
Louis, Charles et Mathieu
Et si la Belgique reste très loin des modèles thaïlandais et philippin, où “40 % des parlementaires sont des dynastes”, les exemples ne manquent pas dans l’actualité du pouvoir ou son passé récent. Comme la photo en tête de l’article l’indique sans détour, la famille Michel fait souvent office de porte-drapeau de cette “catégorie” décriée. Louis Michel, ex-ministre des Affaires étrangères, Charles Michel, ex-Premier ministre, et désormais le petit frère Mathieu, secrétaire d’État à la Digitalisation, chargé de la Simplification administrative. Suit, évidemment, le cas d’Alexander De Croo, fils d’Herman, ancien ministre de l’Éducation nationale et ex-président de la Chambre. Puis, parmi les plus célèbres, les Melchior Wathelet, père et fils, les Tobback, Louis et Bruno, Herman et Eric Van Rompuy, André, Jean-Claude et Philippe Van Cauwenberghe, José et Jean-Marie Happart ou encore les Daerden, Michel et Frédéric.
Dans le gouvernement actuel, le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, est le fils du bourgmestre CD&V de De Pinte (Flande-Orientale), Martin Van Peteghem. Sarah Schlitz (Ecolo), secrétaire d’État à l’Égalité des chances est la petite-fille de l’ancien bourgmestre socialiste de Liège, Henri Schlitz (1991-1994). Une filiation, certes, plus modeste, mais révélatrice du phénomène.
Les Belges perpétuent la “tradition”
Alors qu’un tel constat semble impensable en France, où Marine Le Pen incarne une forme d’exception à la règle, en Belgique, les citoyens “perpétuent” littéralement la “tradition”, dénonce Jean-Pierre Stroobants. En effet, si la situation “agace”, voire “amuse” les Belges, elle ne les “révolte pas”. “Si les “braves gens” ne votaient pas massivement pour les “fils/fille de” plutôt que pour d’autres nouveaux venus, les présidents de parti agiraient peut-être différemment” dans la composition des listes, commente Philippe Walkowiak, journaliste politique à la RTBF.