Dans un atelier organisé vendredi le 23 avril 2021, la Banque de la République du Burundi affirme que les taux d’intérêts débiteurs appliqués par les banques commerciales sont élevés. Les chercheurs de la BRB Micheline Kwizera et Jean Claude Barikunzira font savoir qu’au cours des dix dernières années les taux d’intérêts débiteurs sont restés relativement élevés (15% en moyenne) alors que les taux d’intérêt de rémunération des dépôts sont restés faibles (4% en moyenne). A l’instar des taux d’intérêts débiteurs, Kwizera fait remarquer que le taux de refinancement a enregistré une tendance baissière, mettant ainsi en exergue les actions de la BRB qui visent la stabilité financière, surtout en période de baisse de liquidités bancaires.
Selon Kwizera, cela met en évidence les rigidités des taux d’intérêts débiteurs qui ne suivent pas la tendance des taux de la politique monétaire. Ces faibles ajustements des taux bancaires peuvent s’expliquer par l’asymétrie de l’information entre le prêteur et l’emprunteur, la faiblesse de la concurrence interbancaire ainsi qu’une forte aversion au risque surtout dans les pays en voie de développement. Et d’ajouter que le manque de ressources longues suffisantes, la différence d’échéance entre les contrats de crédit et les refinancements auprès de la BRB ainsi que l’incertitude liée à l’évolution future des taux du marché monétaire pourraient constituer une esquisse pour justifier cette rigidité des taux d’intérêts débiteurs.
Quid des efforts consentis par la BRB pour réduire les taux d’intérêt ?
Bellarmin Bacinoni, chargé de la communication à la BRB, a fait savoir ces derniers jours qu’au 1er octobre 2019, la BRB avait annoncé au public des mesures de politique monétaire. Ces mesures avaient pour objectif de soutenir le financement des secteurs identifiés comme porteurs de croissance. « Les secteurs concernés étaient les secteurs agro-pastoral et de l’industrie. En octobre dernier, la Banque centrale a ajouté à ces secteurs l’infrastructure, le tourisme et l’hôtellerie ainsi que les logements sociaux », rappelle-t-il. Cependant, déplore M. Bacinoni, après un certain temps, seuls quelques établissements de crédit ont déjà financé des projets dans ce cadre à hauteur d’environ 15 milliards de FBu. Et de renchérir : « C’est ainsi que la BRB a rencontré les dirigeants des établissements de crédit pour échanger sur les défis auxquels ils font face leur empêchant de financer massivement ces projets ». Ils se sont convenus de se revoir souvent pour échanger sur la mise en œuvre de ces mesures, informe M. Bacinoni. Pour lui, ces mesures visent à aider le pays à dépenser moins de devises pour importer, mais aussi à doter le pays d’autres possibilités d’exporter pour acquérir plus de devises.
M. Bacinoni notifie que grâce aux mesures de refinancement prises par la Banque Centrale, les personnes ayant des projets relatifs aux cinq secteurs identifiés comme prioritaires pour le Burundi (agro-pastoral, l’industrie, l’infrastructure, les logements sociaux, le tourisme et l’hôtellerie) peuvent bénéficier des financements auprès des banques commerciales et des institutions de microfinance.
«Les taux oscillent entre 2 et 7% pour les clients des banques commerciales et entre 3 et 9% pour les clients des institutions de microfinance», avise-t-il. Les projets financés doivent mettre un accent particulier sur le développement des chaînes de valeur, la promotion des exportations et la substitution aux importations.
Les taux d’intérêt élevés impactent la compétitivité des investisseurs
Un professeur à l’Université du Burundi qui a requis l’anonymat fait savoir que les taux d’intérêt élevés appliqués par les banques commerciales impactent la compétitivité des investisseurs. Le coût élevé du crédit décourage les opérateurs potentiels et ceux impliqués dans les secteurs porteurs de croissance. Le niveau du taux d’intérêt a un effet levier sur l’activité économique. Il indique clairement que le taux d’intérêt influence d’une façon ou d’une autre l’activité économique. Lorsque le taux d’intérêt est élevé, les capacités d’emprunter diminuent, les investissements également et l’activité économique est freinée. Les facteurs qui influencent la variabilité du taux d’intérêt peuvent être d’origine réelle ou monétaire. Le taux d’intérêt est un instrument de la politique monétaire qui est décidé par la Banque centrale.
Les responsables de certaines banques commerciales qui se sont entretenus avec Burundi Eco s’en lavent les mains. Selon eux, le taux d’emprunt pour octroyer un crédit est raisonnable vu les défis rencontrés. Ces défis sont souvent liés à la conjoncture économique du pays. Le manque de garanties solides pour la plupart des clients des banques et des institutions de microfinance afin de couvrir leurs crédits sont parmi les facteurs qui poussent les institutions financières à ne pas accorder des crédits.
« A cause des problèmes de non remboursement, on préfère travailler avec les bons payeurs (ceux qui ont de gros salaires avec des contrats de travail stables et des hypothèques ou de grandes entreprises qui enregistrent un important chiffre d’affaires). Et ces derniers sont souvent victimes du non remboursement des autres. Ils doivent combler le vide laissé par les emprunteurs défaillants payeurs», nous révèle l’un des banquiers.
Audace Niyonzima, premier vice-gouverneur de la BRB indique que la Banque centrale n’a pas la mission de réguler ou de fixer les taux d’intérêts des banques commerciales. Actuellement, dans le monde entier, il laisse entendre que les banques centrales utilisent les instruments indirects de politique monétaire. Elles n’agissent pas directement sur les taux d’intérêts des banques commerciales. Cela se faisait dans le temps. La politique monétaire a évolué de sorte que toutes les banques centrales utilisent les instruments indirects de politique monétaire. On ne fait que mener des actions qui incitent les banques commerciales à réduire les taux d’intérêts.