Terres rares : Adonis Pouroulis freiné par un expert dans sa course avec Pékin? Les recommandations d’un expert local, Steve de Cliff Juru, ont contribué au moratoire sur les activités minières décrété par le président du Burundi, Evariste Ndayishimiye, et à la suspension de la licence de terres rares de Rainbow Rare Earths, que dirige par le magnat chypriote Adonis Pouroulis.
De manière temporaire, les analyses du Burundais Steve de Cliff Juru ont mis fin, au début de l’été, aux ambitions de Rainbow Rare Earths, société présidée par le magnat chypriote des industries extractives africaines Adonis Pouroulis. Ayant commencé la production test de terres rares, principalement du praséodyme et néodyme, sur le site de Gakara, à l’ouest du Burundi, Rainbow Rare Earths se positionnait pour devenir le leader de leur extraction hors de Chine.
Une place en or, alors que les Etats-Unis, comme le reste des pays occidentaux, sont en quête de fournisseurs de ces métaux stratégiques au-delà des groupes chinois, responsables de la quasi-totalité de la production mondiale (AI du 20/07/21). Mais, le 24 juin, le ministre de l’hydraulique, de l’énergie et des mines du Burundi, Ibrahim Uwizeye, a suspendu la licence d’extraction de Rainbow Rare Earths dans le pays, après avoir fait de même avec celle d’exportation le 8 avril.
Le pays s’estime floué
Steve de Cliff, docteur en chimie, maître de conférences à l’université du Burundi, mais surtout conseiller technique de la commission du président Evariste Ndayishimiye sur les mines, a fait paraître il y a quelques mois une étude sur les terres rares dans son pays. Il y affirme que les concentrés de terres rares produits au Burundi – en premier lieu à Gakara, seule mine industrielle ayant démarré l’extraction test – sont d’une teneur de 80 %, non pas de 54 % comme l’affirme Rainbow Rare Earths. Il ajouterait que le prix à l’exportation d’une tonne de néodyme ou praséodyme burundais devrait être d’environ 22 millions de dollars, et non pas autour de 95 000 dollars.
Sur la base de l’analyse de Steve de Cliff, par ailleurs secrétaire général de la commission de l’Unesco au Burundi, le gouvernement de Gitega a estimé que le pays pourrait en fait percevoir des revenus bien plus importants du secteur minier. Il a alors suspendu les licences de Rainbow Rare Earths en avril et en juin, puis Evariste Ndayishimiye a décidé d’un moratoire sur l’extraction minière au Burundi à la mi-juillet, en vue de renégocier les différentes conventions en vigueur.
Contacté, Steve de Cliff n’a pas répondu à nos questions.
Négociations à la peine
George Bennett, PDG de Rainbow Rare Earths, a assuré à Africa Intelligence s’être entretenu avec Steve de Cliff pour lui faire part de la position de sa société : un concentré de terres rares d’une teneur de 80 % est impossible, celui qu’elle produit est de 54 %, et le prix de vente proposé est correct. Selon Rainbow Rare Earths, une étude datant de 2019 mandatée par le gouvernement, coordonnée par la Banque mondiale et réalisée par le bureau d’études minières SRK Consulting a validé ces données. Le ministère des mines avait accepté les chiffres proposés dedans. Rien n’y a fait, Steve de Cliff maintiendrait pour l’instant sa position.
Le gouvernement aussi. Malgré plusieurs déplacements récents au Burundi, George Bennett et le nouvel administrateur de l’entreprise, J. Peter Pham, ex-envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands lacs (AI du 25/05/21), n’ont pas été reçus par les autorités. La société affirme être prête à revoir les termes de sa convention afin de trouver une solution amiable avec le gouvernement.
Stocks de minerais et investissements en attente
Les derniers retours obtenus par George Bennett quant à la volonté de la présidence burundaise de négocier avec Rainbow Rare Earths pour trouver une issue à leur différend sont plutôt positifs. Néanmoins, jusqu’à présent, la société est toujours incapable de réaliser ses opérations de production test et d’exportation. 400 tonnes déjà extraites sont prêtes à être exportées.
Depuis le lancement de sa production test en 2017, Rainbow Rare Earths extrayait chaque année 1 000 à 2 000 tonnes de terres rares à Gakara, principalement du praséodyme et du néodyme. A l’issue de ces tests, qui visent à évaluer si le projet d’exploitation du site est viable économiquement, Rainbow Rare Earths doit décider de faire des forages supplémentaires et surtout des investissements supplémentaires afin de démarrer la pleine production sur le site. Celle-ci prévoit 10 000 à 20 000 tonnes produites chaque année sur une durée de quinze à vingt ans.
Par Africa Intelligence