Ressortir de vielles photos du maquis d’un vieil album ou des souvenirs du placard. Rallumer la flamme de la révolution, honorer les disparus. C’est très bien. Sauf que la guerre a toujours son côté indicible.
Les vraies photos du maquis ne sont pas celles qui font le buzz sur les réseaux sociaux au cours de la semaine dédiée aux seuls combattants du Cndd-Fdd lancée ce mardi 16 novembre. Les vraies images se retrouvent rarement accrochées sur un mur.
Il y en a qui ont été censurées ou perdues. Il y a surtout celles gardées dans les yeux larmoyants, rangées dans un des tiroirs de la mémoire des souvenirs douloureux des années pénibles de lutte. Tiroirs dont les propriétaires gardent jalousement les clefs.
Il y a encore ces autres photos qui ne se montrent pas. Parce qu’elles n’ont pas été prises ou développées. Parce qu’avec le temps, elles sont aujourd’hui, jugées inadaptées. Oui, avec le temps les hommes changent aussi.
Ce sont par exemple les images de ces camarades tombés sur-le-champ d’honneur, le ventre béant, les boyaux branlants ou le crâne fracassé par une rafale venue d’en face. L’autre camp avec des ’’combattants’’, qui se disent aujourd’hui ’’oubliés’’. « Il faut célébrer toutes les mémoires blessées », maugréent-ils.
Il n’y a pas de ces images, même prises à la sauvette de mise en terre à la va-vite de ces ’’vaillants’’ emportés par les ’’poltrons’’ ou ’’intrépides’’ de cet autre camp maudit ou béni. Car le jugement est à géométrie variable. Ou selon l’angle de vue.
Et il y a également ces images que personne ne veut voir, celles de ces handicapés de guerre, des rescapés, qui nous rappellent la violence infligée et subie.
Ces combattants sur béquille ou en chaise roulante, ils chuchotent qu’ils sont ’’ignorés’’, ’’oubliés’’. C’est vrai ce n’est pas glorieux, mais la guerre c’est aussi cela. Elle laisse des stigmates, des séquelles. Visibles et invisibles.
Les images, les photos mentent toujours. Elles ne disent et ne montrent qu’une partie de la vérité (ou du mensonge), c’est encore une fois la question des yeux qui regardent. Les images ne montrant jamais tout ce que les yeux ont vu, enduré ou vécu.
Et il faut se le dire et tous les survivants le diront, ou peut-être pas : les vrais tombeaux ne sont pas au cimetière même improvisé derrière les buissons ou à quelques pas du champ de bataille, mais dans le cœur des combattants revenus de l’enfer. Hier comme aujourd’hui. Au Burundi ou ailleurs.
Les vraies images de la vie au maquis ne sont pas celles de ces repas rustiques faits de patates douces, de colocases ou de manioc couverts de cendre brûlante sortis des braises ardentes, ou de courges ou encore de pâte de maïs ou de manioc accompagnée de feuilles pilées de cette plante chère au Cndd-Fdd jusqu’à être estampillée avec l’aigle au milieu de son drapeau.
Il ne faut pas oublier que ces mets sont servis à même le sol sur une natte de papyrus et le tout arrosé de vin de banane ou de bière de sorgho dans une calebasse avec une paille écolo, pas l’autre en plastique.
C’est vrai qu’il faut se souvenir de tout cela, rappeler la lutte, perpétuer le mythe, le montrer aux nouveaux venus, aux jeunes générations dont les jeunes bourgeois qui ne connaissent que les frites, la mayonnaise, le poulet rôti ou grillé – c’est à se demander la différence – et autres fast food, la malbouffe qui ne produit que des générations joufflues à la bedaine précoce.
Pas une fierté, en tout cas, pour leurs paternels anciens combattants à la peau dure, couverte de cicatrices, des témoins vivants de la lutte, des combats, des défaites cuisantes ou de demi-victoires.