Pays de l’EAC, le Burundi a beaucoup d’intérêt à se connecter aux infrastructures en cours de construction dans le pays de John Pombe Magufuli, surnommé « Tingatinga » (Bulldozer en Kiswahili) en référence aux grands chantiers à son compte. Analyse du Burundais Dieudonné Dukundane, Secrétaire Exécutif du Corridor Central qui va du Port de Dar-es-Salaam vers le Burundi, le Rwanda, l’Est de la RDC et l’Ouganda.
Le 14 mars dernier, le Président Magufuli posait la première pierre de construction de la seconde partie du chemin de fer standard (SGR) du Corridor Central, qui va relier Morogoro à Dodoma. 426 km de rail sur lesquels les trains pourront filer à 160km/h, la fin des travaux étant prévu en 2019. Un projet gigantesque et budgétivore, mais qui vaut la peine pour la Tanzanie.
L’économiste et capitaine de bateau Dieudonné Dukundane met en exergue le profit que le Burundi tire de cette infrastructure : « Avec le nouveau chemin de fer à écartement standard, le temps de transit le long du Corridor Central sera sensiblement réduit : 160km/h pour le train passagers et 120km/h pour le train marchandises ». Pour le Burundi par exemple, poursuit-il, le train pourra quitter le port de Dar-es-Salaam et arriver à Kigoma le même jour, et les bateaux de transport sur le lac Tanganyika font autour de 12 heures entre Kigoma-Bujumbura: «Dans un maximum de 2 jours, les opérateurs économiques pourront avoir leurs marchandises à Bujumbura».
M. Dukundane revient sur un projet qui tient à cœur tout Burundais depuis les années 70 : le nickel de Musongati. “Si une fois la ligne ferroviaire Uvinza-Musongati est construite, le train pourra transporter les minerais de Musongati et arriver au port de Dar-es-Salaam en moins de 24 heures”, souligne capitaine Dukundane.
Investir dans de nouveaux bateaux de transport
Gain de temps, mais aussi gain d’argent, appuie M. Dukundane: “Les coûts de transport seront également réduits. Même avec le chemin de fer ancien construit il y a plus de 100ans, le transport sur celui-ci est plus avantageux que la route, comparé au coût de transport routier: 90 $/tonne rendu à Bujumbura contre 160 $/tonne pour transport routier”. Et de souligner encore une fois: «Si les deux voies ferroviaires sont fonctionnelles, une bonne partie du cargo burundais sera transportée par ce moyen et l’économie burundaise va en profiter». Par exemple, illustre-t-il, «si les 350.000 tonnes des marchandises burundaises passant par le port de Dar-es-Salaam étaient transportées par voie ferroviaire, l’économie burundaise gagnerait par an 24,5 millions $, soit 122,5 millions $ en 5 ans ».
Si le profit à se connecter au rail tanzanien est indéniable en termes de temps et de pièces sonnantes et trébuchantes, “le grand défi actuellement est que la capacité de transport sur le lac Tanganyika n’est pas à la hauteur de transporter tout ce tonnage. D’où opportunités d’investissement dans la construction de nouveaux bateaux de transport”.
En effet, d’après toujours le capitaine Dukundane, la capacité cumulée de toute la flotte lacustre marchande du Burundi est de 8.000 tonnes. “Si l’on considère le temps de voyage et de manutention, ces bateaux peuvent transporter 16.000 tonnes par mois, soit environ 192.000 tonnes par an. Or au port de Dar-es-Salam transitent par an 350.000 tonnes à destination du Burundi.”
L’on se rappellera que pour 30 millions $, le Japon s’est engagé dans la réhabilitation et la modernisation du port de Bujumbura. L’on ne devrait pas non plus perdre d’idée que le port de Bujumbura occupe une position économiquement stratégique. Il peut recevoir du cargo en transit vers l’Est du Congo, surtout qu’il y a une zone économique spéciale en gestation à Gatumba-Warubondo, frontière avec la RDC, à moins de 20 Km du port et de l’Aéroport International de Bujumbura.
Par Philippe Ngendakumana