Le président péruvien Pedro Castillo se trouvait jeudi en détention dans une base de la police à Lima, au lendemain de sa destitution et de son arrestation lors d’une journée riche en rebondissements qui a vu sa vice-présidente Dina Boluarte investie à la tête du pays latino-américain, coutumier des crises politiques.
Selon les médias péruviens, M. Castillo a ensuite été transféré par hélicoptère vers une base des forces spéciales de la police à Lima, où il devrait être détenu pour une durée maximale de 15 jours. Le parquet a effectué par ailleurs dans la soirée de mercredi des perquisitions au palais présidentiel.
Elle vient s’ajouter aux six autres enquêtes pour corruption ou trafic d’influence le visant, infractions dont sont également accusés des membres de sa famille et de son entourage politique.
Sa destitution pour “incapacité morale”, retransmise en direct à la télévision, a été approuvée par 101 des 130 parlementaires, dont 80 dans l’opposition.
Dans un effort de dernière minute pour sauver son poste, l’ancien président avait annoncé la dissolution du Parlement quelques heures seulement avant que ce dernier ne se réunisse pour statuer sur son sort.
Il avait également annoncé la mise en place d’un “gouvernement d’urgence exceptionnel” et vouloir “convoquer dans les plus brefs délais un nouveau Congrès doté de pouvoirs constituants”. Une manœuvre ignorée par le Parlement et largement dénoncée par la classe politique.
Selon la police, après l’échec de sa tentative de dissolution, M. Castillo avait l’intention de se réfugier à l’ambassade du Mexique et de demander l’asile, mais il a été arrêté avant.
“Aujourd’hui, il y a eu un coup d’Etat dans le plus pur style du 20e siècle”, a dénoncé le président de la Cour constitutionnelle Francisco Morales, estimant que “personne ne doit obéissance à un gouvernement usurpateur”.
L’analyste politique indépendant Augusto Alvarez a déclaré à l’AFP que M. Castillo avait “violé l’article 117 de la Constitution péruvienne et (était) dans l’illégalité. C’est un auto-coup d’Etat”.
Lors d’une cérémonie d’investiture devant le Parlement où elle a été ceinte de l’écharpe présidentielle pour devenir la première femme présidente du Pérou, Dina Boluarte a elle aussi répété qu’il y avait “eu une tentative de coup d’Etat promue par Pedro Castillo qui n’a trouvé aucun écho dans les institutions de la démocratie ni dans la rue”.
“J’assume (le pouvoir) conformément à la Constitution du Pérou, à partir de ce moment” et jusqu’en “juillet 2026″, lorsque devait prendre fin le mandat de M. Castillo, a dit l’avocate de 60 ans issue du même parti d’inspiration marxiste (Pérou libre) que lui.
“Normalité démocratique”
Des centaines de manifestants se sont rassemblés dans le calme devant le Parlement.
“Nous sommes fatigués de ce gouvernement corrompu, de ce gouvernement qui (nous) vole depuis le premier jour”, a déclaré à l’AFP Johana Salazar, une ouvrière de 51 ans.
D’autres ont pris la défense de M. Castillo et appelé “au respect du vote du peuple”, comme Sissy, une employée municipale de 50 ans, estimant que “depuis que le président est arrivé, ils l’ont humilié, ils n’ont pas accepté un président issu des provinces”, en référence à l’ex-instituteur en zone rurale pendant 24 ans, novice en politique.
Les Etats-Unis ont immédiatement fait savoir qu’ils ne considéraient plus Pedro Castillo comme le président du pays en exercice. “Nous rejetterons catégoriquement tout acte qui contrevient (…) à toute Constitution, tout acte qui sape la démocratie”, a déclaré le porte-parole du département d’Etat Ned Price.
Le président élu du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva a indiqué trouver “toujours regrettable qu’un président démocratiquement élu subisse un tel sort”, mais il s’est félicité que “tout a été mené dans le cadre constitutionnel”.
Le gouvernement espagnol et le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro ont dénoncé une “rupture de l’ordre constitutionnel” dans les tentatives de M. Castillo, Madrid se félicitant “du rétablissement de la normalité démocratique”.
Pedro Castillo avait déjà échappé à deux motions de destitution pour “incapacité morale” –qui avaient auparavant fait chuter deux présidents en exercice, Pedro Pablo Kuczynski (droite) en 2018 et Martin Vizcarra (centre) en 2020–, dont la dernière en mars 2022.
Il lui était notamment reproché des crises ministérielles à répétition et la formation de quatre gouvernements en huit mois, fait inédit au Pérou.
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