Vermicompostage, pour une agriculture écologique, productive et durable

Sur appui de IFDC, l’École Normale Supérieure (ENS) en partenariat avec l’université de Ngozi a organisé une journée portes ouvertes pour le projet de recherche sur la valorisation agricole des vers de terre du Burundi et des Déchets organiques produits au pays à travers la technologie de Vermicompostage le 23 février 2024. Le thème était : « Le Vermicompostage pour une Agriculture écologique, productive et durable ».

La question de la fertilité du sol burundais préoccupe le centre international pour la Fertilité des sols et le développement du secteur agricole, IFDC. Des études montrent que les sols burundais sont très acides et pauvres en éléments nutritifs majeurs comme l’azote, le phosphore et le potassium. IFDC œuvre dans le secteur agricole en mettant en avant l’amélioration de la fertilité des sols pour assurer une bonne production agricole. D’où elle a financé un projet de production du compost de très haute qualité en impliquant les vers de terre.

Les activités de cette journée portes ouvertes ont vu les participations des chercheurs des différentes universités, institutions et organisations intéressées par la problématique de la protection de l’environnement et la fertilisation du sol. Les activités ont débuté par des discours et des exposés pour comprendre la technologie et les résultats du vermicompostage.

Ce projet de recherche mis en œuvre par l’Ecole normale supérieure en collaboration avec l’université de Ngozi est dans le cadre du Projet d’Appui pour une Gestion Responsable et Intégrée des Sols (PAGRIS). La recherche sur le vermicompostage a débuté en janvier 2022 pour se terminer en mars 2024.

Ce projet vermicompostage a pour objectif d’accélérer la décomposition des déchets et résidus organiques afin de produire un compost « enrichi », lequel apporte des éléments nutritifs aux plantes d’une part, mais avec la particularité exceptionnelle d’agir directement et durablement sur les paramètres physico-chimiques et biologiques du sol de manière a garantir une augmentation durable de la productivité agricole.

Selon Hassan Nusura, directrice générale de l’Ecole normale supérieure, ENS, l’institution organise depuis trois ans, un colloque régional chaque année. L’édition de 2023 de ce colloque a permis dit-elle, au projet de recherche sur le vermicompostage d’exposer ses résultants. Ce projet de recherche exécuté dans le cadre d’un partenariat avec l’université de Ngozi.

Pour la directrice générale de l’ENS, la contribution de l’ENS dans l’exécution de ce projet de recherche sur le vermicompostage est importante. Il s’agit notamment de la mise à disposition du projet d’un laboratoire de biologie, un terrain pour la construction d’une station servant à l’élevage et la multiplication de vers de terre et aux essais de vermicompostage en moyenne échelle et un terrain pour les essais agronomiques de vermicompostage sur différentes cultures. Don de matériaux de construction, la salle des réunions de travail, les membres du personnel de l’Ecole.

Un projet salutaire

Selon Micaël BEUN, coordonnateur du projet PAGRIS investir dans le développement des technologies visant à valoriser les déchets organiques et la biomasse en général constituent une des pierres angulaires de la gestion intégrée de la fertilité des sols, et donc de l’augmentation durable de la productivité agricole au Burundi.

En effet, la majorité des sols au Burundi sont relativement dégradés, par leur nature, et dont les effets sont accentués par l’activité de l’homme et leur sensibilité accrue à l’érosion. La majorité des sols burundais sont de plus en plus acides et donc sensibles à la toxicité aluminique, pauvres en éléments nutritifs et notamment en carbone organique ce qui limite la capacité des sols à retenir les éléments nutritifs du sol.

Un ver de terre dans le vermicompost

Afin de remédier durablement à cette problématique, il est impératif que les ménages vivant de l’agriculture s’engagent dans un itinéraire technique de restauration et de gestion intégrée de la fertilité des sols (GIFS), basées sur 4 piliers : (1) la protection du capital sol pour réduire davantage les pertes en éléments nutritifs et garantir les autres investissements ; (2) améliorer les propriétés physico-chimiques et biologiques des sols a travers des amendements (matière organique et amendement calcaire en situation de sol acide) ; (3) augmenter la disponibilité en éléments nutritifs pour les plantes a travers une fertilisation basée sur une gestion efficiente des nutriments dans le sol ; et (4) assurer un accès aux semences de qualité. Basé la gestion de son exploitation agricole sur ces piliers, a travers un Plan Intégré Participatif (PIP) élaboré et mis en œuvre par les ménages agricoles eux-mêmes permet d’assurer une augmentation significative et durable de la productivité agricole au Burundi.

Les travaux de recherche sur le vermicompostage (lombricompostage) viennent répondre à cette problématique en général, et constitue directement une opportunité d’investir dans les piliers 1, 2 et 3 de la GIFS. En effet, le vermicompost (lombricompost) agit essentiellement comme un amendement en améliorant significativement et durablement les propriétés du sol (pilier 2), notamment en contribuant à améliorer le pouvoir de rétention des éléments nutritifs du sol, d’améliorer l’activité microbienne des sols, et de réduire l’acidité des sols. Par conséquent, cela renforce la résilience des sols aux effets de l’érosion à travers une meilleure aération et infiltration de l’eau (pilier 1), tout en apportant des éléments nutritifs variés (pilier 3) permettant d’avoir des plantes plus saines (meilleure résistance aux maladies, aliments sains et riches) et plus productives.

Cette activité a été mise en œuvre dans le cadre du projet PAGRIS, financé par l’Ambassade des Pays Bas à travers IFDC. Il s’agit d’un projet de quatre ans qui a démarré en mars 2020 et qui va se terminer en juin 2024 et dont « L’objectif principal du projet PAGRIS est la gestion plus durable et plus écologique des terres agricoles burundaises pour améliorer la sécurité alimentaire des ménages », explique-t-il. A travers le projet, IFDC a collaboré avec différentes institutions notamment le département de fertilisation des sols du ministère de l’environnement, l’ISABU, FABI, l’université de Ngozi, l’ENS, les ITABU, les centres d’enseignement des métiers.

Des résultats innovants

Participants suivent les explications du chercheur Eric Gibert Kazitsa sur le processus du vermicompostage

« Le vermicompostage, aussi appelé lombricompostage, désigne la transformation des déchets organiques par les vers de terre. Il s’agit d’un processus aérobie naturel et inodore qui est très différent du compostage conventionnel. Les vers de terre ingèrent les déchets organiques puis excrètent du fumier foncé, sans odeur et fertile, ainsi que des granules de boue riches en matière organique qui constituent un excellent amendement pour le sol. Le fumier de vers est un engrais prêt à utiliser qu’on peut appliquer en plus grande quantité que le compost » explique Eric Gilbert Kazitsa, un enseignant-chercheur de l’ENS et l’un des chercheurs dans ce projet.

Pour lui, la technologie de vermicompostage est une première au Burundi. Grâce à la vermiculture (élevage des vers de terre), on peut booster la production au niveau de l’agriculture.

Il a ajouté également que cet élevage de vers de terre est très important dans l’élevage des poissons et des volailles. « Des expériences en vermiculture au laboratoire et des études comparatives de la biologie des vers de terre collectés ont été faites. Les résultats des expériences montrent qu’il existe au Burundi des vers de terre capables de décomposer la matière organique. « Et si nous comparons les performances identifiées au Burundi, nous avons vu qu’il y a des vers de terre qui sont plus performants que ceux internationalement reconnus », se réjouit-il.

Selon les chercheurs, les déchets ci-après permettent chacun une production de dizaines de milliers de tonnes de vermicompost de haute qualité et sain en utilisant ces vers : déchets de la canne à sucre, du palmier à huile et de banane, contenu ruménal issu des abattoirs, fumiers de vache, paille et balles de riz, etc.

Le chercheur Eric Gilbert Kazitsa a fait visiter les participants pour comprendre tout le processus. Les participants ont visité le laboratoire de biologie, une station servant à l’élevage et la multiplication de vers de terre, les essais de vermicompostage en moyenne échelle et les essais agronomiques de vermicompostage sur différentes cultures.

Selon le chercheur, son processus de production est rapide. « En trois mois, vous pouvez avoir du vermicompostage tiré de plusieurs déchets et résidus organiques qui ne nécessitent pas de travail supplémentaire pour tourner ou aérer la masse des déchets organiques en décomposition contrairement au compostage traditionnel ».

Pour lui, le vermicompost contient des nutriments essentiels pour les plantes et directement assimilables par les plantes, notamment le phosphore, l’azote, le potassium et en grande concentration aussi. Il contient également du carbone, des hormones de croissance pour les plantes et des microorganismes utiles aux plantes.

Appliqués sur sols acides et pauvres, les vermicomposts issus de ces déchets permettent une amélioration rapide et persistante des paramètres de fertilité du sol, une excellente croissance, vigueur et productivité des cultures.

Selon le participant, Jean Claude Ntwari directeur de l’agriculture à la SOSUMO ces résultats prouvent qu’il est possible de produire du vermicompost pour les agriculteurs en utilisant des vers de terre du pays, et partant de booster la production agricole. Il a salué les efforts fournis pour arriver à ces résultats innovants.

Il s’est engagé de mettre en œuvre cette technologie de vermicompostage dans la fertilisation et l’amendement du sol pour booster la production de la canne à sucre.

De son coté, le délégué de l’ambassade des Pays-Bas au Burundi dans ces activités a considéré que cette journée portes ouvertes a ouvert une porte dans sa vie. « Je comprends l’utilité, l’importance et la potentialité du vermicompostage pour l’activité agricole et la préservation de l’environnement. Je vois des grands piliers sur lesquels il faut travailler. La vulgarisation chez l’agriculteur et d’autres acteurs, le développement de cette filière pour que les agriculteurs aient assez de vermicompost.

Pour lui, cette journée tombe au bon moment. Cela nous permet de traduire les recommandations pour de futures opportunités de financement et comment accompagner le développement du vermicompostage et son implication au Burundi et aussi intéresser d’autres bailleurs.

Pour sa part, Abbé Apollinaire Bangayimbaga recteur de l’université de Ngozi s’est engagé à vulgariser et pérenniser la technologie de vermicompostage. Pour lui, c’est la clé d’une agriculture écologique, productive et durable via l’éducation, la recherche et la promotion de l’entrepreneuriat.

Par  La Rédaction (Iwacu)