
Introduction.
L’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), notamment la région du Kivu, est depuis plusieurs décennies un théâtre de conflits armés aux implications majeures pour les pays voisins, notamment le Burundi. Aujourd’hui, les avancées militaires du M23, qui semble prendre le contrôle total de cette région stratégique, posent un défi de taille à la vision économique et sécuritaire du Burundi. Il est donc envisageable que l’occupation de cette région par les rebelles du M23 soit synonyme d’un refus total de coopération avec les autorités burundaises. Face aux hostilités du M23 dans la sous-région, quelles stratégies les autorités burundaises devraient-elles adopter pour protéger les intérêts du pays en RDC ? Quelles seront les conséquences géopolitiques et économiques pour la sous-région et l’Afrique centrale, en particulier en ce qui concerne le projet ferroviaire reliant la Tanzanie, le Burundi et la RDC ?
- Une menace directe pour les intérêts burundais en République Démocratique du Congo.
- Un corridor commercial stratégique en devenir
Bien que le Burundi ne dépende pas généralement de l’Est de la RDC pour son commerce régional et international, cette région représente un corridor commercial stratégique en devenir. Actuellement, le Burundi s’appuie davantage sur les corridors nord et centre pour ses échanges économiques. Toutefois, avec les ambitions de la Vision 2040-2060, l’Est de la RDC pourrait progressivement devenir un axe commercial majeur, capable de concurrencer les voies traditionnelles. La prise du Kivu par le M23, sans coopération avec les autorités burundaises, pourrait entraîner des restrictions ou une taxation accrue des échanges, augmentant ainsi les coûts commerciaux et menaçant la stabilité économique du Burundi. A cela, s’ajouterait la perte des parts de marché dues aux échanges commerciaux entre la capitale économique Bujumbura et la région du Kivu.
- L’incertitude autour du projet ferroviaire stratégique Tanzanie-Burundi-RDC.
Le projet de chemin de fer reliant la Tanzanie au Burundi et à la RDC représente une opportunité majeure pour l’intégration économique régionale. Cependant, si le M23 contrôle la région Kivu, l’extension ferroviaire vers Kinshasa et les ports congolais pourrait être compromise. Cette situation forcerait le Burundi à réévaluer ses options logistiques et à rechercher des tracés alternatifs, ce qui augmenterait considérablement les coûts du projet. L’abandon du projet pourrait être également envisagé. Il ne serait pas superflu de signaler que de tels projets doivent avoir une justification économique.
- Un risque sécuritaire accru
L’attitude du M23 face au Burundi pourrait transformer les zones frontalières en foyers d’instabilité. Le Burundi, soucieux de protéger ses intérêts économiques et sécuritaires, pourrait être contraint de renforcer sa présence militaire à la frontière avec la RDC. Une telle situation risquerait d’exacerber les tensions et d’attirer d’autres acteurs régionaux dans un conflit plus large.
- Conséquences géopolitiques et géostratégiques pour le Burundi.
- Un bouleversement des alliances en Afrique de l’Est
La montée en puissance du M23 et son contrôle total du Kivu pourraient modifier les équilibres diplomatiques en Afrique de l’Est. Si la RDC ne parvient pas à reprendre le contrôle de cette région, elle pourrait renforcer ses alliances avec d’autres acteurs régionaux comme l’Angola, la Zambie et la Tanzanie, ce qui pourrait marginaliser le Burundi dans les négociations sur les infrastructures économiques.
- Une potentielle réorientation du tracé ferroviaire
Si la RDC décide de privilégier une route alternative évitant les zones contrôlées par le M23, cela pourrait favoriser un tracé passant par Kalemie et/ou Lubumbashi, contournant ainsi le Burundi. Cette évolution représenterait un coup dur pour la stratégie de développement burundaise et réduirait l’influence de Gitega sur les corridors économiques régionaux.
- Un impact direct sur l’Afrique centrale
Le corridor ferroviaire envisagé ne concerne pas seulement la Tanzanie, le Burundi et l’Est de la RDC, mais pourrait être prolongé jusqu’à Kinshasa et aux ports atlantiques de la RDC, favorisant ainsi une connexion interocéanique entre l’océan Indien et l’océan Atlantique. Si la prise du Kivu par le M23 bloque cette extension, cela ralentirait la dynamique d’intégration économique du Burundi en Afrique centrale et renforcerait l’isolement commercial du Burundi.
- Quelle stratégie pour le Burundi ? Garantir un accès sécurisé au corridor ferroviaire Tanzanie-Burundi-RDC.
- Renforcement de la diplomatie régionale et positionnement stratégique
Le fait que les militaires burundais ont combattu aux côtés des FARDC contre le M23 risque d’entraîner une hostilité durable du M23 à l’égard du Burundi. Dans ce contexte, il est probable que le M23 bloque toute tentative de mise en œuvre du projet ferroviaire reliant le Burundi à la RDC. Pour garantir ses intérêts stratégiques et assurer la réussite de sa Vision économique, le Burundi doit tout mettre en œuvre pour concrétiser ce projet, qui est vital pour son avenir économique, géostratégique et géopolitique. Le Burundi doit immédiatement renforcer ses relations diplomatiques avec la RDC, la Tanzanie et d’autres pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) afin d’assurer que le projet ferroviaire reste une priorité malgré la situation sécuritaire instable.
- Sécurisation du Sud-Kivu et maintien du tracé ferroviaire
Le tracé ferroviaire reliant le Burundi à la RDC pourrait être réajusté en prenant en compte l’importance stratégique du Sud-Kivu. Cette région, qui partage une frontière avec le Burundi, doit absolument rester sous le contrôle des autorités congolaises pour garantir l’intégration du Burundi dans l’axe ferroviaire menant à Kinshasa. Le gouvernement burundais doit donc œuvrer activement, aux côtés des FARDC, pour empêcher le M23 d’occuper le Sud-Kivu. Une approche militaire coordonnée pourrait être envisagée pour stabiliser la zone et protéger ce corridor commercial vital pour l’avenir du Burundi.
- Approche militaire et protection des intérêts économiques
Pour garantir son accès aux infrastructures économiques stratégiques en RDC, le Burundi pourrait envisager une présence militaire renforcée en coordination avec Kinshasa. Une présence militaire conjointe dans le Sud-Kivu permettrait de dissuader toute tentative du M23 de contrôler cette région clé. Cette approche doit être intégrée dans une vision globale alliant diplomatie, coopération sécuritaire et influence économique. Le Burundi doit garantir que ses investissements et infrastructures en RDC soient protégés. Cela pourrait inclure des négociations avec Kinshasa pour assurer une présence sécurisée sur les zones économiques clés.
Conclusion
La prise du Kivu par le M23 représente un défi majeur pour la vision économique du Burundi et pour l’ensemble de la sous-région. L’attitude du M23 dans la sous-région constitue une gageur pour les autorités burundaises et menacerait directement les ambitions de développement du Burundi, notamment en ce qui concerne les échanges commerciaux (entre la capitale économique Bujumbura et le Kivu) et le projet ferroviaire reliant la Tanzanie, le Burundi et la RDC. Face à cette situation, le Burundi doit adopter une approche stratégique combinant diplomatie, présence militaire au Sud-Kivu, diversification des infrastructures et protection de ses intérêts économiques. L’avenir du développement régional dépendra de la capacité des autorités burundaises à anticiper les évolutions géo-politico-stratégiques et à sécuriser leur position dans un environnement en constante mutation.
Le gouvernement burundais doit donc agir rapidement pour éviter d’être marginalisé dans la reconfiguration économique de la région et pour protéger ses ambitions de croissance à long terme.
Par Bazikwankana Edmond