Dynastie politique : un phénomène qui touche surtout la Belgique
Dans les démocraties les plus développées, il y a de moins en moins de dynasties politiques. Sauf en Belgique où le phénomène prend même de l’ampleur. Et c’est une mauvaise chose.
Les détenteurs de pouvoir de père en fils: il est probable que vous y soyez également opposé. Généralement, on associe ce phénomène aux régimes fermés ou aux pays en voie de développement. À des pays comme la Corée du Nord, la Syrie, le Congo ou les Philippines. À des pays qui se terminent en « -stan ». Mais en fait, les dynasties familiales se rencontrent dans toutes les démocraties.
À la fin du dix-huitième siècle, 56% des membres de la Chambre des communes du Royaume-Uni avaient un prédécesseur politique. Aujourd’hui, c’est moins de 5%. Aux Pays-Bas, entre 1848 et 1888, 61% des ministres étaient étroitement apparentés à un autre politique national. Aujourd’hui, le vice-premier ministre Lodewijk Asscher est le seul héritier d’une dynastie politique. La tendance se voit dans toute l’Europe.
Toute l’Europe? Non, un petit royaume résiste encore et toujours. En Belgique, le nombre de parlementaires dynastiques a sensiblement augmenté ces 20 dernières années. Aujourd’hui, pas moins de 26 parlementaires sur 150 (17%) de la Chambre des représentants ont un membre de la famille qui possède un passé parlementaire. À titre de comparaison : en 1995, la Chambre ne comptait que 16 parlementaires dynastiques (10,6%). Dans le parlement flamand (17/124) et wallon (9/75), le pourcentage tourne autour des 12%. Il y a des familles politiques dans tous les partis, à tous les niveaux administratifs et des deux côtés de la frontière linguistique.
Rien n’est plus pratique que d’avoir un père célèbre. Une étude américaine révèle que les politiques issus d’une lignée politique ont trois fois plus de chances d’être élus. Ils sont plus médiatisés, montent plus vite dans la hiérarchie et dépendent moins de la ligne du parti. Et selon une étude norvégienne, les candidats dynastiques obtiennent plus facilement une meilleure place sur les listes, ce qui augmente encore leurs chances d’obtenir un bon résultat.
La politologue Brenda van Coppenolle (London School of Economics) a calculé que les politiques à arbre généalogique bénéficient d’un avantage dynastique d’environ 25%. En d’autres termes, si deux candidats, l’un issu d’une lignée politique et l’autre pas, dotés des mêmes capacités étaient opposés l’un à l’autre, le premier obtiendrait 25% en moyenne de voix de préférence supplémentaires. D’après une étude du scientifique politique Benny Geys (VUB), les politiques dynastiques nécessitent moins de capacités pour être élus.
Personne ne nous oblige pourtant à choisir des candidats issus d’une lignée politique
C’est évidemment en partie de notre faute. Personne ne nous oblige à choisir des candidats issus d’une lignée politique. Le fils ou la fille qui marche sur les traces politiques : c’est une idée qui dérange beaucoup d’électeurs. À moins que le phénomène se produise dans le parti pour lequel nous votons nous-mêmes, alors on le qualifie de « continuité ».
Que les héritiers d’une dynastie politique obtiennent de meilleurs résultats n’est pas nécessairement lié au népotisme. Il y a également un effet sociologique. Ainsi, les enfants de politiques professionnels sont plus rapidement confrontés aux idéologies, à l’engagement politique et parlent davantage de politique à la table familiale. Souvent, ils sont plus rapidement « politiquement matures ».
Cependant, les dynasties politiques vont à l’encontre des principes de base d’une démocratie. Il est préjudiciable qu’un candidat obtienne 25% de voix supplémentaires parce qu’il a un nom de famille célèbre. Ce phénomène remet en cause les principes méritocratiques puisqu’un politique issu d’une lignée politique nécessite moins de compétences pour être élu. Il est injuste que les enfants de politiques puissent utiliser les réseaux politiques de leurs parents pour prendre de l’avance. Il est inquiétant qu’aujourd’hui un nombre croissant de sièges parlementaires semble réservé aux « fils et filles de ». Plus les citoyens se sentent appelés à faire de la politique, plus la démocratie sera saine. Un nombre croissant de candidats héritiers d’une dynastie politique donne le message exactement inverse.
Tout projet démocratique crée forcément une élite. À nous d’introduire la variation nécessaire.
Jeroen Zuallaert